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vendredi 22 septembre 2023

Niger : mémoire en défense de la France et de ses armées



Les critiques vont bon train au sujet des choix politiques de la France au Niger. La crise ne s’est pas apaisée. Les forces françaises stationnées sur place n’auraient, selon certains hommes politiques, dont Eric Zemmour, plus que des rations de combat à manger. L’ambassadeur lui-même, nous apprenait le Canard Enchaîné de cette semaine, serait prisonnier dans sa propre ambassade, par le fait du Prince, alors qu’un simple rappel à Paris pour consultation aurait suffi à le sortir de ce mauvais pas. On n’en finit pas de gloser, à gauche comme à droite, dans les journaux ou sur les plateaux : il aurait fallu faire ceci ou cela, décidément on est mauvais, etc.

Outre que cette auto-flagellation collective ne rend pas vraiment service à la perception de notre pays hors de ses frontières, ce n’est pas très intelligent –ni productif - de mettre dans le même panier le niveau politique et l’appareil d’Etat. La France possède le deuxième réseau diplomatique du monde, et, même s’il lui arrive de s’en servir pour des causes discutables (comme la nomination polémique, souvenez-vous, d’un ambassadeur des droits LGBT), la qualité de ses diplomates et de ses relais d’influence est unanimement reconnue. Peut-être cela ne durera-t-il pas : Emmanuel Macron a supprimé le corps diplomatique en 2022, ouvrant la voie à des nominations népotiques, à l’américaine. Mais pour le moment, la France est loin d’être mauvaise dans ce domaine. Ce ne sont pas les analyses de ses experts qui sont en cause : ce sont les biais idéologiques de ses dirigeants.

De même, si les militaires français sont actuellement enfermés dans leurs bases nigériennes, ce n’est pas à cause d’une hypothétique incapacité à décider. En cette circonstance, les forces françaises ressemblent un peu, dans leur fidélité immobile, aux gardes suisses de Louis XVI, qui se firent massacrer faute d’avoir reçu l’ordre de charger. Notre armée est intervenue au Mali à la demande d’un Etat souverain, elle a repris cet immense pays en une poignée de semaines et l’échec stratégique de ses opérations de rétablissement de la paix (Serval puis Barkhane) ne devrait pas masquer, aux yeux des observateurs objectifs, ses succès tactiques de très haute volée.

Quid des Russes et des Américains?

Les Russes disaient autrefois du tsar que son appareil étatique était défaillant, écrasant, malveillant, mais que « notre petit père le Tsar » n’était pas au courant de tout cela, et que ce n’était pas de sa faute. Staline se servit habilement de ce biais, en faisant assassiner l’immonde Iejov, artisan des grandes purges, qui agissait précisément sur ordre du chef de l’Etat soviétique. Le « petit père des peuples » ne pouvait pas, dans l’esprit de ce peuple meurtri, avoir ordonné de telles horreurs. C’est un peu l’inverse en France : les grands corps du système sont performants, mais on voit bien que le niveau de la décision politique, autant par médiocrité intrinsèque que par aveuglement universaliste, est tragiquement défaillant. Il ne faudrait pas pour autant associer la Macronie à de grands serviteurs de l’Etat qui lui survivront.

Les pays présentés comme modèles à cet égard ne le sont pas toujours. On présente beaucoup, ces temps-ci les Américains comme des petits malins, qui ont toute liberté pour circuler au Niger, parce qu’eux, à notre différence, sont moins frontaux et, en quelque sorte, ont tout compris. On se bornera à rappeler que les Américains, passagers clandestins de l’Occident en Afrique, jouent, malgré leurs protestations d’amitié, une partition totalement égoïste en Afrique sahélienne. Ceux qui fustigent le comportement de la France, pourtant totalement débarrassée de son lourd héritage « françafricain », feraient bien de se souvenir, entre autres choses, que 59 de ses soldats sont morts au Sahel pour la stabilité de pays avec lesquels ils n’avaient aucun lien – tandis que les Maliens ou les Nigériens de France restaient sur notre sol au lieu d’aller se battre pour un pays dont ils se disent si fiers. Cet esprit de sacrifice n’est plus tellement commun. La nullité de certains atermoiements politiques ne doit pas le faire oublier.

Par Arnaud Florac le 22 septembre 2023

Boulevard Voltaire

vendredi 19 mai 2023

Quand c’est Macron que l’on grime en Hitler, ce n’est plus de l’humour…


Ce 18 mai, les habitants d'Avignon se sont réveillés au milieu de l'horreur. Enfin, presque. C'est, en tout cas, ce que considèrent les médias. Jugez plutôt : plusieurs panneaux publicitaires ont été recouverts d'affiches présentant Emmanuel Macron grimé en Hitler, avec la mention 49.3 en guise de petite moustache.

Évidemment, sur le service public, c'est le scandale. Caroline Fourest, spécialiste officielle des bêtes immondes, était sur le plateau de « C à vous » pour commenter cette atteinte manifeste à la majesté présidentielle. Son explication pour les maternelles (« En comparant un dictateur nazi à un Président démocrate, on prépare les esprits à l'idée qu'un nazi pourrait être démocrate ») servait surtout à dire que c'était de la faute de l'extrême droite. D'ailleurs, poursuit-elle, le graffeur qui a dessiné Macron en marionnette d'Attali, et qui est suspecté d'avoir commis cette affiche, « reprend tous les codes de l'antisémitisme ». Bref, ce sont les heures sombres, tout ça tout ça. Fermez le ban.

Il y a, toutefois, un peu plus que cela, dans cette campagne d'affichage sauvage. D'abord, l'Éducation nationale a appris aux enfants, depuis très longtemps, que l'incarnation du mal, c'était Hitler, et seulement Hitler. Avec une certaine puérilité, quand les citoyens éduqués par la République veulent dénoncer une atteinte à leurs libertés, ils dessinent Hitler. C'est le résultat logique de cinquante ans de bourrage de crâne. Staline, Pol Pot ou Mao ne valent pas mieux qu'Hitler, mais ils ne font pas l'objet d'exposés de terminale ou de documentaires sur France 3. La caricature s'appuie donc d'abord sur l'inculture, savamment entretenue, du peuple.

Ensuite, ce deux poids deux mesures est surprenant (quoique...). Du temps de la campagne présidentielle de 2022, Zemmour avait, lui aussi, été affublé d'une moustache hitlérienne sur plusieurs affiches, notamment par la désopilante Charline Vanhoenacker, comique de service de France Inter, payée avec les impôts des Français pour cracher sur eux. Les idées d'Éric Zemmour sont partagées au-delà de son électorat, mais caricaturer un Juif en nazi, ça passait, puisqu'il était d'extrême droite, selon les vierges effarouchées de la pensée unique. Même chose pour Jean-Marie Le Pen, en son temps, qui faisait l'objet d'une reductio ad hitlerum quasiment permanente, ce qui évitait d'aborder le fond de son programme.

Enfin, tout ce barnum, toute cette indignation surjouée masquent la véritable question derrière cette campagne : Macron est-il un Président "démocrate" ? Si l'on considère la démocratie comme le respect de l'opinion du peuple, la réforme des retraites suffit pour qu'on soit fondé à s'interroger. Si on ajoute à cela les stages de citoyenneté pour des banderoles injurieuses, les délits d'opinion, les dispositifs de sécurité autour des déplacements présidentiels qui ne sont pas sans évoquer les dernières années de Ceaușescu, on ne peut que constater, dans le réel et malgré les éléments de langage, que Macron est de moins en moins démocrate.

Mais bon, le tempo médiatique étant ce qu'il est, on va pouvoir pleurnicher pendant une semaine sur le bruit des bottes et tout le tremblement. Ensuite, Macron repassera à la télé, dira que tout va bien mais qu'on « utilise trop la loi » dans ce pays où « ceux qui ne sont rien » deviennent des « Gaulois réfractaires ». Le Président a le droit de mépriser son peuple, mais le peuple n'a pas le droit de critiquer son Président. C'est la Ve république version 2023, mélange d'impuissance concrète et de crispation infantile. On a ce qu'on mérite !

Par Arnaud Florac le 19 mai 2023

Boulevard Voltaire

lundi 15 mai 2023

Visite de Zelensky : où l’on apprend que la France est riche



Avec une certaine mansuétude, Volodymyr Zelensky, combattant de la liberté, a bien voulu faire une visite surprise à Emmanuel Macron, vassal des Etats-Unis comme lui, quoique moins en pointe dans la lutte contre le Mal absolu. La veille, il était à Rome, en survêtement comme d'habitude : Pie XII l'aurait fait mettre à la porte, François l'embrasse comme du bon pain. Le lendemain, il était déjà à Londres. Ce n'est pas un homme, c'est un courant d'air. Que se sont dit les deux chefs d'Etat ? On ne sait pas exactement. On n'a eu, évidemment, que quelques bribes officielles sorties d'une déclaration finale.

Enfin... quand on parle de bribes, ce n'est pas le terme exact. Au terme de cet entretien, évidemment, la France réaffirme son soutien à l'Ukraine. C'est bien le moins. En revanche, parce qu'il n'est pas d'amour sans preuves d'amour, la France a fait un geste - un geste de plus, s'entend. La frontière de la co-belligérance ne cesse d'être repoussée. Paris avait déjà annoncé la fourniture de chars AMX 10 RC, des blindés légers employés pour des missions de reconnaissance. Mais ce n'est pas tout ! Pour le même prix, la France va évidemment former les équipages. Jusque-là, c'est du service après-vente bien compris. On conviendra que former des équipages à utiliser des matériels que l'on donne, ce n'est pas uniquement de la guerre par proxy interposé : c'est tout de même du sérieux.

Dans les autres domaines annoncés, on note la défense antiaérienne : la France a déjà donné, nous apprend La Croix, des systèmes Mistral (courte portée), Crotale (moyenne portée), et l'Elysée annonce que notre gouvernement réfléchirait, en compagnie de l'Italie, à une proposition conjointe pour la livraison de systèmes plus perfectionnés. Des avions de chasse pour un euro de plus ? « La question est un peu prématurée », répond le Château. Entre les lignes, on comprend que, dans les bases aériennes de France, on doit être en train de passer un coup de chamois sur le cockpit des Mirage 2000 avant livraison. Ça ne saurait tarder.

On passe sur les éléments de langage tout faits, concernant le cheminement européen de l'Ukraine et sa place toute trouvée « dans la famille euro-atlantique ». Ces déclarations-là ne coûtent pas cher... à la notable différence de tous les moyens que vient d'engager le gouvernement français pour aider l'Ukraine. Quel que soit l'avis du quidam de base sur la réforme des retraites, il ne pourra s'empêcher de faire un bien désagréable lien entre l'argent qui, parce qu'il manque dans les caisses, justifierait le report de l'âge légal de départ à la retraite, et l'argent qui, parce qu'on en a plein, nous permet de distribuer, avec flamboyance et bénignité, des blindés, des heures de formation ad hoc pour les mettre en oeuvre, des systèmes de détection et, peut-être, demain, des avions de chasse. On croyait la France aux abois, sa démographie en berne, ses caisses vides (malgré l'enrichissement continuel de l'immigration extra-européenne surqualifiée et prête à s'intégrer), la hausse de ses impôts nécessaire, le travail de ses anciens également. On découvre un pays de cocagne, où l'unité de compte est le char de bataille, où on distribue des systèmes antiaériens comme la caravane du tour de France sème des bonbons, où l'idée de fourguer des avions à plusieurs millions d'euros est « un peu prématurée », mais pas complètement absurde.

Au fond, la visite de Zelensky est peut-être comparable à ce personnage du Dîner de Cons, joué par Daniel Prévost, qui croit débarquer dans un appartement pauvre et, se trompant de porte, découvre des tableaux de maître. Sauf que le con, ce n'est pas lui : c'est nous.

Par Arnaud Florac le 15 mai 2023




dimanche 30 avril 2023

Bruno Le Maire fait dans l’érotique : notre nouveau SAS ?



Bruno Le Maire n'a pas seulement fait Sciences Po et l'ENA : il est aussi normalien et major de l'agrégation de lettres modernes. Il aime la littérature. Il aime l'art en général : n'a-t-il pas consacré un livre au chef d'orchestre Carlos Kleiber - et ne consacre-t-il pas, aujourd'hui, un autre livre au pianiste Horowitz ? Fugue américaine, qui sort ces jours-ci, est étonnant à bien des égards. Une élogieuse critique de l'académicien Marc Lambron (normalien et énarque, lui aussi), dans Le Point, assimile la construction de l'intrigue de ce livre au « mentir-vrai aragonien ». Ce n'est peut-être pas faux, quoiqu'un peu flagorneur.

Les mauvais esprits critiquent le fait qu'un ministre ait le temps d'écrire pendant qu'il travaille. Ce reproche sent un peu l'aigreur, car bien peu des détracteurs de Bruno Le Maire seraient capables d'écrire tout court. Certains seraient même incapables de bosser tout court. Ne soyons donc pas injustes. Bruno Le Maire écrit bien, son style est fluide, ses histoires intéressantes. Certains passages sur le monde politique (dans Jours de pouvoir ou Des hommes d'État, par exemple) sont brillants et profonds. Bruno Le Maire est bon, il va vite et il a du talent. Le seul problème, c'est qu'il le sait. Par conséquent, il s'écoute parfois écrire, au point que certains passages de ses livres empruntent malheureusement à l'emphase chocolatée de l'auteur Harlequin qu'il fut jadis (sous le nom de Duc William). Ainsi de l'incipit de Jours de pouvoir dans lequel Le Maire parle de Macron : « Il se tut, me fixa de son regard bleu sur lequel glissaient des éclats métalliques comme un lac accablé de soleil dont il aurait été impossible sous le scintillement des reflets de percer la surface. » C'est beau comme du Musso.

Pourtant, ce n'est pas dans la lucidité politique, ni même dans la métaphore poussive, que Bruno Le Maire commence à se faire un nom. C'est dans la scène érotique. Son point C (« C » comme « commun ») avec Marlène Schiappa. Il ne s'agit pas ici de se moquer lourdement et par principe des passages grivois, ce qui serait une sorte de pudibonderie mal exprimée. Simplement, on peut s'interroger sur la récurrence de ces scènes au fil des romans de l'ancien Républicain. Dans Le Ministre, une autofiction prémonitoire parue en 2004, il racontait une scène intime dans laquelle, à Venise, il passait du bon temps dans un bain avec sa femme. Dans Fugue américaine, son narrateur, Oskar, rencontre une certaine Julia, apparemment insatiable au lit.

Le député RN du Gard Nicolas Meizonnet partage malicieusement un extrait sans équivoque, avant de conclure que ces scènes « cochonnes » n'ont pas suffi à inspirer confiance à l'agence Fitch, qui vient de dégrader la note de fiabilité financière de la France sur les marchés internationaux. Ce qui fait ricaner les gens, outre le fait qu'il ait besoin d'écrire, c'est probablement le décalage entre son air sérieux et ses propos qui le sont un peu moins. On peut le comprendre.

Finalement, Bruno Le Maire, malgré son profil de premier de la classe, c'est peut-être notre Gérard de Villiers moderne. Peut-être retrouvera-t-il le ton décomplexé de la série SAS dans ses prochains ouvrages : « Alors, Malko, n'y tenant plus, déchargea en elle dans un râle de fauve blessé. » Déroute à Bakhmout ne sonnerait pas si mal. Imaginons.

« Comment comptez-vous être à Moscou avant l'hiver ? » murmura la troublante Irina dans un souffle rauque qui projeta la fumée de sa cigarette au visage de Bruno. En savourant sa septième vodka frappée dans le hall de l'hôtel Azov, le ministre de l'Économie, malgré l'importance de sa mission secrète, ne put s'empêcher de se dire, à la vue de la Russe aux yeux de feu, qu'il n'y avait pas que la table des négociations qui était grande ouverte. « Nous travaillons d'arrache-pied à vous faire rendre gorge, Irina », répliqua-t-il dans un sourire entendu, en jetant un regard aux jambes interminables de l'experte financière. L'idée de mettre l'économie russe à genoux ne lui était jamais apparue de manière aussi allégorique - et cette fois, ce ne serait pas Fitch qui lui mettrait une note. Il y avait des missions plus pénibles.

Ça ne réglerait pas le problème de la crise économique, mais ce serait toujours mieux que la collection Harlequin.


Par Arnaud Florac le 29 avril 2023


Boulevard Voltaire


lundi 6 mars 2023

Quand la majorité présidentielle donne à Louis Boyard des leçons de dignité médiatique…



 aime le buzz. Souvenir, sans doute, de ses années de chroniqueur chez Hanouna, cet « élu de la République », qui se définissait jadis plutôt comme dealer, ne cesse de chercher des moyens de provoquer. L'agit-prop est, certes, une constante chez les communistes : il n'y a qu'à voir pour cela les insultes qu'a essuyées Olivier Dussopt depuis les bancs de La France insoumise pendant le débat sur la . Chez les enfants, on appellerait ça « faire son intéressant ». Chez les grandes personnes, on en fait une technique de combat politique.  a donc dénoncé Bolloré sur une chaîne du groupe Bolloré, enregistré un clip de rap minable dont il a été brièvement question dans les colonnes de BV, et il vient à présent de publier une vidéo tout à fait dans l'air du temps, pour qu'on ne l'oublie pas.

Dans cette brève prise de parole, le député insoumis lance un « Blocus Challenge » : il demande à tous les lycéens et étudiants qui participeront à la manifestation du 7 mars de se prendre en photo devant leur établissement bloqué, sous forme de concours TikTok. L'équipe de bloqueurs gagnante, tirée au sort parmi les clichés numériques, bénéficiera d'une visite de l'Assemblée nationale. Ce défi audacieux a immédiatement suscité une levée de boucliers du côté des bourgeois : la région Île-de-France, dirigée par Valérie Pécresse, a porté plainte contre le député LFI. Quant à , elle a réagi par un tweet sans équivoque : « L’Assemblée n’est pas un prix de concours. La politique n’est pas un challenge TikTok. Vous devriez les servir, vous leur faites du mal. Respectez votre fonction, respectez votre institution, respectez les Français ! »

Voilà une indignation comme la Macronie sait les faire : surjouée, ronflante, avec les valeurs, le respect, etc., mais surtout, une indignation sans la moindre crédibilité. Alors, comme ça, « l'Assemblée n'est pas un prix de concours » ? Même pas pour les gagnants du « nouveau monde », à peine sortis d'école de commerce, pour les vieux tocards du PS ou de LR qui ont trahi au bon moment, ou pour les ambitieux diversitaires ? « La politique n'est pas un challenge TikTok » ? 

Mais alors, pourquoi  a-t-il reçu à l'Élysée Mcfly et Carlito, youtubeurs stars, et a-t-il accepté, en guise de « gage », de poser avec une photo des deux amuseurs grimaçants ? Pourquoi n'a-t-il cessé, par médias interposés, de mettre à bas l'image de la présidence de la République ? Tantôt dans les bras de délinquants ultramarins à moitié nus, tantôt accueillant des travestis dans la cour de l'Élysée, ici parlant au monde de la culture de Robinson Crusoé qui prend « du jambon et du fromage », là courant derrière Joe Biden pour lui cirer les bottes devant les caméras, un jour au bureau en sweat-shirt de commando et mal rasé (« Nous sommes en guerre »), un autre commandant une mini-série à sa gloire pour l'élection présidentielle (Le Candidat)... Le Président de cet État dont  est le quatrième personnage n'a fait que cela, de la mauvaise com' racoleuse, du TikTok et du YouTube, des coups d'éclat infantiles et des selfies douteux (dont le dernier, halluciné, attablé en boîte de nuit à Kinshasa, une bière à la main, avec un chanteur local).

Les utilisateurs de Twitter n'ont pas manqué de citer la phrase (apocryphe) de Bossuet sur les effets et les causes. Il est vrai que quand on a transformé la noble et difficile tâche de gouverner en un happening permanent, en un histrionisme de Narcisse que l'on dirait sous psychotropes, il ne faut guère s'étonner que l'opposition joue sur le même registre. À force de tout salir et de tout hystériser, il ne restera peut-être plus rien, après dix ans de macroneries, de ce qui fut jadis la Ve République. Il ne restera que les petites combines et les scandales, les photos et les coups de com', un déficit record aussi.  ne mérite pas tant d'honneur : il ne représente pas une menace pour quoi que ce soit, il est bien trop ridicule. 

Il n'est que le symptôme d'une dégénérescence généralisée, le ganglion un peu pourri qui confirme le diagnostic du cancérologue.

Par Arnaud Florac le 6 mars 2023

jeudi 2 février 2023

« Woke est le nom d’un fantasme réactionnaire » : heureusement que France Culture est là !



On dit beaucoup de mal du service public, mais honnêtement, heureusement que les radios d'État sont là pour nous informer. Sans , tenez, on croirait encore que le  existe. On serait tenté de penser que la promotion des minorités aux dépens d'une majorité qui ne lui a rien fait prend des allures agressives. On se dirait presque (mais on aurait bien tort) que l'invasion du champ médiatique par des activistes énervés, qui font taire à grands cris toute forme de débat raisonnable ou d'opposition à la destruction (pardon, la déconstruction) est généralisée. Non seulement on aurait tort, mais on serait dans un discours de haine.

Heureusement pour nous, la radio la plus cultivée de France a décidé de « débunker », comme on dit, ce mythe réactionnaire. Elle offre pour cela une tribune à François Cusset, historien des idées et professeur de civilisation américaine (deux mots qui ne vont pas très bien ensemble) à l'université de Nanterre. François Cusset, qui vient de publier La Haine de l'émancipation. Debout la jeunesse du monde, chez Gallimard, a un avis très clair sur la question du , ou de ce que l'on appelle l'islamo-gauchisme. Il y voit une forme de haine contre tous les combats d'émancipation, comme une manière de faire taire les revendications légitimes des minorités. Pour le dire avec ses propres mots, « il est la marque d'un chantage moral à visée politique ». Peut-on aller plus loin ? Bien sûr ! Citons  : « La violence, l'intolérance, le "cancel", observe François Cusset, s'expriment là où on fait la guerre aux minorités, où l'on hurle au racisme anti-blanc, à l'hystérie féministe et où l'on moque les actions des militants écologistes. » Pour le dire simplement : l'oppression est décidément du côté de ceux qui n'approuvent pas les activistes woke.

Il est surprenant que François Cusset ne dise pas un mot sur la réécriture de l'Histoire, sur la culpabilisation systématique de l'Occident, sur la chasse aux mâles blancs hétéros de plus de 50 ans, sur les interdictions de conférences, sur le financement public de reportages ou d'expositions très orientés. Il semble ne pas voir que l'idéologie dominante, dans les médias, la politique, l'Éducation nationale, le monde associatif, le monde de la culture... est la sienne. Il se pense encore comme défenseur des minorités sans voir que la gauche détient toujours, bien qu'elle se soit trompée sur absolument tout, un magistère moral qui tétanise la droite classique. Il est également surprenant qu'il voie, dans cette lutte des minorités, une forme renouvelée de lutte contre le capitalisme. N'est-ce pas un peu tout mélanger ? L'identité de l'Occident doit-elle être foulée aux pieds tous les matins pour mettre un terme aux dérives de l'économie de marché ?

Si l'on essaie de théoriser ce qui est en train de se passer dans la tête des gauchistes de la vieille école, qu'ils s'appellent François Cusset ou Libération (à l'occasion de la sortie de Vaincre ou mourir), on voit d'abord qu'ils ont perdu pied. Ce qui est à l'œuvre en Occident (le retour de boomerang de la French Theory exportée aux États-Unis dans les années 70-80) n'a rien à voir avec les vieilles grilles de lecture du marxisme historique. Les historiens de Libé qui en appellent au « sens de l'Histoire » ou François Cusset qui s'accroche à la lutte contre le capital sont à la dérive, ils ont des décennies de retard. Ils seront dévorés par ce monstre qu'ils soutiennent aveuglément - car, oui, il y a bien ce que Cusset appelle, pour rire, un « monstre woke », un monstre protéiforme, qui agglomère tout et son contraire avec un seul ciment : la haine de ce qui est sacré (c'est-à-dire de ce qui légitime le sacrifice et interdit le sacrilège). Haine de la religion, haine de la civilisation, haine de la loi naturelle, haine de la patrie, haine de la famille, haine de l'Histoire, haine de la filiation, haine de la beauté, haine de l'harmonie : comme beaucoup de gens qui, à travers les âges, ont travaillé pour le même patron, l'objectif des militants woke n'est pas appuyé sur un contre-projet mais uniquement sur la division du monde.

Pour opérer une telle inversion accusatoire, il faut en tout cas un certain aplomb. Saluons au moins cela chez ... en attendant, on l'espère, la privatisation bienheureuse de cette officine de propagande.

Par Arnaud Florac le 2 février 2023

Boulevard Voltaire

samedi 7 janvier 2023

Ultra-moderne solitude : La Poste expérimente la fin des tournées du facteur

 

France Info à relayé cette assez triste nouvelle :  va expérimenter, dans plusieurs communes de ce qu'il est convenu d'appeler la France périphérique, la disparition des tournées quotidiennes du facteur. D'un point de vue strictement rationnel, cette disparition, pour le moment expérimentale, rassurons-nous, va de pair avec la suppression, depuis le 1er janvier 2023, du timbre rouge, jadis réservé aux courriers urgents. Il n'y a plus que des timbres verts. Et, donc, moins de facteurs.

Ce changement n'est pas seulement rationnel. Il est aussi - allons-y d'un mot ronflant - ontologique. La lettre est désormais au courriel ce que la nationale est à l'autoroute : d'un côté, il y a le chemin de traverse, la lenteur sympathique, le temps consacré à profiter des choses, à former les lettres comme à la communale sur du beau papier, ou à prendre les virages, la vitre entrouverte sur la campagne en été ; de l'autre, l'ordre de la vitesse, les lignes droites, les fibres optiques, les télépéages et les boîtes saturées d'informations. Georges Pompidou aurait écrit quelque part, en marge d'une note officielle, qu'à côté des autoroutes des Trente Glorieuses, il faudrait laisser de la place aux petites routes et à la flânerie. En tout cas, il s'était ému que l'on abatte les arbres au bord de nos vieilles routes de France. Il aurait sans doute salué la survie de , pourtant de plus en plus anachronique.

Et les facteurs, alors ? On les supprime ?

Dans l'imagerie populaire, le facteur assure le lien social, par exemple avec le chien qui lui mord les mollets ou avec l'épouse volage (qui donne tout naturellement naissance au « fils du facteur »). Il était le prolongement naturel du colporteur d'autrefois, qui donnait des nouvelles, qui en prenait aussi. En certaines occasions, il découvrait même les petits vieux, morts seuls, dans des maisons loin de tout. Il arrivait à vélo, dans le temps, avec le bruit familier de la sonnette, puis en voiture (comme le facteur antillais des Visiteurs, dont la 4L sera massacrée par un Godefroy de Montmirail en grande forme). Aujourd'hui, c'est souvent en triporteur ou en fourgonnette qu'il apporte les colis. Point de camion blanc antédiluvien comme ceux de nombreux livreurs Amazon, point de colis fragile balancé par-dessus le portail ou carrément volé : le facteur est bien élevé et, surtout, il représente, dans les petits villages, une survivance de l'État, bien peu jacobin quand il s'agit de lien social.

Yves Montand ne pourrait plus faire la course à bicyclette avec la fille du facteur. L'expérience sera un succès, on l'étendra à tous les jours de la semaine. Puis on n'enverra plus de lettres. Et chacune et chacun, toutes et tous, enfermé.e.s dans l'ultra-moderne solitude que chanta Alain Souchon, mourra seul dans sa petite bulle. Peut-être créera-t-on, pour recycler les postiers, selon une tradition tenace de ce gouvernement, un numéro gratuit pour faire passer la mesurette. 

Souhaitons seulement que, pour une fois, il ne soit pas vert mais jaune. Ce sera toujours ça.

Par Arnaud Florac le 7 janvier 2023

Boulevard Voltaire