Sur le thème de l’immigration, les variations du pouvoir exécutif obligent à un effort surhumain de compréhension. On est presque à en appeler Nicolas Boileau au secours, lui pour qui «ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement».
Si Emmanuel Macron et Gérald Darmanin ne font aucun lien existentiel entre immigration et délinquance, ils reconnaissent qu’à Paris ou Marseille, par exemple, un acte de délinquance sur deux est commis par un étranger. On cherche donc la cohérence du discours. En vain… Mais ce n’est pas tout. Le président et son ministre de l’Intérieur assurent aussi vouloir être intraitables avec les clandestins qui refusent de quitter le territoire.
Louable intention, qui ne sera pourtant suivie d’aucun effet puisque le gouvernement veut, dans le même temps, régulariser ceux qui pourraient travailler dans les secteurs touchés par des pénuries de main-d’œuvre. Résultat, la confusion est totale. On croyait renouer avec la fermeté d’un Charles Pasqua, et ce sont les mânes de François Mitterrand qui reviennent, au galop, hanter le paysage politique!
Sur le front de la délinquance, n’en déplaise aux beaux esprits drapés dans leurs indécrottables tabous, la démonstration n’est plus à faire. Les statistiques suffisent à prouver le fameux lien. Sur celui de l’emploi, les chiffres montrent, cette fois, que la France n’a nullement besoin de renforts. Contrairement à l’Allemagne, elle connaît un chômage important et accueille, chaque année, 70.000 actifs supplémentaires, quand nos voisins germaniques en perdent, en moyenne, 100.000. Si l’immigration est une chance pour la France, comme il est de bon ton de le chanter, c’est très loin d’être flagrant pour la sécurité, et aujourd’hui pour le travail.
Alors pourquoi l’exécutif brouille-t-il ainsi son message? Sans doute Emmanuel Macron pense-t-il qu’au sein du gouvernement - notamment entre Élisabeth Borne et Gérald Darmanin - comme de la majorité toutes les sensibilités doivent être ménagées. Ce cafouillage organisé est pourtant une grossière erreur qui ne contentera personne… et surtout pas l’électeur.
Par Yves Thréard le 3 novembre 2022