Petit à petit, la France se fait expulser du continent africain. Dans de nombreux pays, le ressentiment à notre égard s’accroît et l’on ne sent pas le gouvernement français capable d’inverser cette lourde tendance.
Chacun peut facilement voir l’importance des enjeux que représente le continent africain pour les années à venir, et s’inquiéter de voir la Russie, la Chine et, dans une moindre mesure, les États-Unis y prendre de solides positions à notre détriment – alors que nous sommes de moins en moins capables d’y faire face.
Les causes sont nombreuses et le constat quasi unanime. L’accroissement spectaculaire – prévisible, en tout cas – de sa population, une stabilité politique et économique qui tarde à s’affirmer dans beaucoup d’endroits, la présence de l’islam conquérant qui gangrène l’Afrique noire, le cancer de la corruption, le pillage plus ou moins ouvert des ressources, les migrations qui privent de nombreux pays africains de leurs forces les plus vives : tout cela prive l’immense majorité des peuples africains des moyens indispensables à leur développement et à leur prospérité.
Se pose alors la question de savoir à qui en revient la responsabilité. Une forme de facilité gauchère et très française continue d’entretenir cette idée simple selon laquelle le colonialisme est responsable de tous les maux, même encore aujourd’hui soixante ans après que les dernières colonies françaises sont devenues indépendantes. C’est cette idée qu’Emmanuel Macron a essayé de combattre lors de la désormais fameuse conférence de presse commune avec le président de la République démocratique du Congo en l’invitant à ne pas chercher sans cesse des responsables à l’extérieur de ses propres frontières. En passant, on aurait aimé un discours équivalent à l’égard de l’Algérie, mais il est vrai que Brazzaville est plus loin de Paris qu’Alger.
Pour une fois, le problème posé par la déclaration d’Emmanuel Macron n’est pas le fond. Que la France ait des torts, y compris depuis que les pays africains sont indépendants, c’est un fait. Si nous étions un pays adulte, nous serions capables de regarder en face ces responsabilités sans pour autant, jusqu’à la fin des temps, nous couvrir la tête de cendres et n’avoir que honte de l’histoire de notre présence sur ce continent. C’est la forme du discours d’Emmanuel Macron, à ce moment de cette visite officielle, qui est inacceptable. Aucun chef d’État ne peut tolérer de recevoir la leçon publique sur la façon dont il conduit les affaires de son propre pays. Emmanuel Macron s’est fait rabrouer, comme un adolescent mal élevé qui met les pieds sur la table où il est invité à dîner. Quelques jours auparavant, le roi du Maroc lui-même avait tenu à préciser que, contrairement à ce qu’affirmait le Président français, les relations entre le Maroc et la France n’étaient ni bonnes ni amicales ! On cherchera en vain des précédents dans l’histoire des relations entre nos deux pays.
Après l’épisode de Kinshasa, si humiliant pour notre peuple, plutôt que de se faire discret et de revenir tranquillement en France, le président de la République a été filmé en fête et en sueur, une bière à la main dans une boîte de nuit à la mode, comme un vulgaire ministre de l’Intérieur de son gouvernement, un soir de manifestations de gilets jaunes !
De tels épisodes montrent que ce qui se joue en ce moment sur le continent africain n’est pas seulement la fin de la « France Afrique » mais le début de la fin de la présence de la France en Afrique, et de son influence. Inutile, dans ces conditions, d’expliquer que la vivacité du ressentiment anti-France est due à la déloyauté et à la brutalité des Russes, aux mauvaises manières d’on ne sait qui. Un jour viendra, sans doute, où les chefs d’État africains qui ont expulsé la France pour accueillir à bras ouverts d’autres grandes puissances le regretteront. Ce ne serait, de toute façon, pas réjouissant. Mais il reste notre incapacité à entendre les aspirations profondes des peuples africains, à aider les forces vives des peuples plutôt que soutenir des dirigeants profiteurs, à inventer de réelles politiques de codéveloppement plutôt que de soutenir, volens nolens, des pratiques ploutocratiques.
Tout cela signe notre faillite, faute que la France ait un chef d’État qui la dirige, parce qu’il a visiblement la tête ailleurs. Il en est de notre relation avec l’Afrique comme de la puissance maritime française, de l’outre-mer, de notre souveraineté, de notre Défense et de tant d’autres choses qui détruisent la réputation de notre pays dans le monde : un fiasco supplémentaire. Non, décidément, un Président ne devrait pas faire tout ça.
Par Jean-Frédéric Poisson ( Via) le 11 mars 2023