lundi 29 janvier 2024
samedi 15 avril 2023
La victoire et le malaise
C’est une victoire politique indiscutable et pourtant elle a un goût amer. Peut-être parce que la sage décision du Conseil constitutionnel ne dissipera pas le malaise qui traverse le pays. Elle ne fera malheureusement pas disparaître les cortèges, les casseurs, les banderoles syndicales. La défiance est là et ne va pas s’évaporer par enchantement. Et puis quel gâchis collectif ! On est pris d’une sorte de vertige quand on mesure tout ce que ce psychodrame laisse derrière lui. La remise en cause de l’autorité légitime, d’abord. Le président largement élu conspué dans les manifestations, les ministres pris de nervosité, les députés sous la menace. Le Conseil constitutionnel protégé de murs antiémeutes, tristes signes d’une fébrilité d’État. Tout démocrate sincère devrait s’inquiéter de ce vacillement. Comment les opposants à Emmanuel Macron ne voient-ils pas qu’ils peuvent être, demain, pour d’autres ré- formes, d’autres lois, à leur tour pris en tenailles entre l’activisme de l’extrême gauche et une hostilité temporaire de l’opinion? Si la France est ingouvernable, tout le monde, et les Français d’abord, sera perdant.
A ce tourment en répond un autre en miroir : comment croire que la seule élection permet de gouverner durablement et sereinement contre deux tiers de la population ? On trouve dans une part de nos élites une suf- fisance qui, non contente de contraster avec l’état déplorable du pays, finira par décourager les plus fidèles soutiens. La morgue du sachant chargé de faire accepter à un peuple un peu « arriéré » des évolutions inéluctables hérisse désormais la plupart de nos concitoyens. Les Français voient bien que l’affaissement généralisé vient moins de leur réticence supposée à la « réforme » que d’une impuissance de plus en plus sidérante de la performance publique. École, santé, sécurité : impôts partout, service nulle part. La faille qui provoque toutes les secousses est là.
Après les retraites, pour apaiser les Français, il faudra leur donner beaucoup de preuves concrètes sur ces sujets majoritaires, sinon, Emmanuel Macron sera contraint, par les urnes, de leur rendre la parole.
Par Vincent Trémolet de Villers le 15 avril 2023