Fabien Roussel s’est rendu au Salon de l’agriculture, comme tout le monde. C’est un passage obligé de la communication politique. Il est de bon ton, dans certains cénacles de droite, de le considérer sympathique parce qu’il affirme apprécier le bon vin, la gastronomie et le bœuf. Ce qui fait s’étrangler de rage ou d’indignation certains écologistes, mais qui est un peu court pour délivrer un brevet de bienséance politique au patron du Parti communiste français.
La déambulation du chef des camarades a été suivie par les médias. Apparemment tout content de sa trouvaille, il a souvent rappelé que « notre symbole, c’est la faucille et le marteau » (CLPRESS 29/2/2024), en insistant sur le premier outil pour indiquer la proximité naturelle du parti pour la paysannerie. Il avait même déclaré au Figaro, en janvier : « Nous avons toujours défendu les travailleurs de la faucille et du marteau. »
Il semble nécessaire de rappeler à M. Roussel quel fut le sort réservé aux paysans par le système communiste lorsqu’il détenait le pouvoir. Le délicieux Lénine n’avait-il pas considéré la terrible famine de 1921-1922, qui causa environ cinq millions de morts, « socialement utile » car elle faisait disparaître la paysannerie. Avec le cynisme qui lui était propre, il en profita pour exterminer le clergé orthodoxe : « Avec tous ces gens affamés qui se nourrissent de chair humaine, avec les routes jonchées de centaines de milliers de cadavres, c’est maintenant et seulement maintenant que nous pouvons (et par conséquent devons) confisquer les biens de l’Église avec une énergie farouche, impitoyable. » Et d’ajouter, dans une lettre à Trotski : « Plus nous fusillerons de clercs, mieux ce sera » (lettre du 19 mars 1922). Alors même que l’Église orthodoxe venait en aide de façon massive aux affamés.
Une décennie plus tard, son successeur et fidèle héritier, Staline, organisa la « dékoulakisation », c'est-à-dire l’extermination des petits paysans propriétaires d’Ukraine, de Biélorussie et du centre de la Russie, du Don, de la Volga, du Kouban, du sud de l’Oural, du Kazakhstan et de la Sibérie occidentale par une famine orchestrée par les communistes à l’occasion de la collectivisation des terres. Cet « Holodomor » (extermination par la faim) fit entre cinq et huit millions de morts et peut être rapproché de la Shoah en nombre de victimes.
Ce si bel exemple fut suivi par Mao, grand héros communiste lui aussi, avec le « grand bond en avant », politique de collectivisation des terres dans les années 60 qui causa 50 millions de morts, des Khmers rouges (1975-1979), deux millions de morts, ou de la Corée du Nord, avec la famille Kim dans les années 1990, où la famine causa entre un et trois millions de morts. Les références « agricoles » du communisme sont en effet exemplaires.
M. Roussel aime bien le symbole de la faucille et du marteau. Or, ce symbole est dégoulinant du sang de plus de 100 millions de victimes depuis 1917. Il est le symbole de la nuit totalitaire qui s’est abattue sur des dizaines de millions d’êtres humains pendant des décennies et les a privé des libertés les plus fondamentales : liberté religieuse, liberté de pensée, liberté d’expression, liberté politique, liberté d’entreprendre, liberté d’éduquer ses enfants… Symbole d’un système qui se voulait une science économique et a plongé les peuples dans la ruine matérielle et morale.
Le PCF n’étant plus grand-chose dans le paysage politique français, personne n’a prêté grande attention à la venue de Fabien Roussel au Salon de l’agriculture, mais cette bonne conscience communiste a quelque chose de proprement écœurant. Tout comme le fait que, de la droite à la gauche, tout le monde semble considérer que les communistes français font partie de « l’arc républicain » alors même que les régimes communistes, dont ils furent les alliés, ont été parmi les régimes les plus criminels de notre époque ! Et le sont encore en Chine, en Corée, au Vietnam, au Laos ou à Cuba.
L’explication tient en partie à l’entrée en résistance des communistes quand l’Union soviétique fut attaquée par Hitler. Mais plus profondément, la Révolution française est le mythe fondateur de la République et, en même temps, la mère des révolutions. Lénine y faisait souvent référence. Condamner les révolutions marxistes-léninistes, c’est, d’une certaine façon, condamner notre Révolution qui ne fut pas avare de massacres et d’exterminations.
Un tabou impensable !
Par Stéphane Buffetaut le 9 mars 2024