En France, le sujet de l’avortement est un tabou. Il s’agit même du tabou politique absolu. «Mon corps, mon choix» n’est pas un simple slogan, c’est un commandement du décalogue progressiste.
Interroger la volonté de la gauche d’assouplir toujours plus le cadre légal de l’IVG est déjà un blasphème. Il ne s’agit plus de débattre sur des arguments politiques mais de bien participer à une compétition de vertus morales. Si vous êtes contre la constitutionnalisation de l’avortement, vous êtes contre la liberté des femmes, ainsi se résument les termes du débat public.
Les sujets dits sociétaux permettent à la gauche d’engranger des victoires politiques sans avoir à livrer bataille, car les opposants ont depuis longtemps baissé les armes par peur ou par démagogie.
Pourquoi s’épuiser sur les questions sociales ou économiques quand la politique outre-Atlantique fournit des idéologies en kit, prêtes à être calquées en France, et qui permettent de diaboliser l’adversaire à peu de frais. L’importation de l’idéologie woke, de ses délires et de sa violence, est un exemple édifiant de cette singerie. Il est tellement plus glorifiant de s’occuper des minorités LGBTQ+, «racisées» ou musulmane, de lutter contre le «patriarcat» que de se soucier du pauvre ou du déclassé. L’occasion était trop belle pour la gauche de sauter sur la retentissante jurisprudence de la Cour suprême américaine pour fabriquer le récit d’un acquis potentiellement menacé en France et souffler sur les braises d’un sujet douloureux et brûlant.
Il est plus facile de revenir en boucle, tel un disque rayé, sur l’avortement que de traiter les problématiques des femmes d’aujourd’hui, de la précarité des familles monoparentales, à la difficulté de concilier vie professionnelle et familiale faute de crèche, en passant par l’insécurité croissante.
Il faut oser le dire: la constitutionnalisation de l’avortement est une aberration politique et juridique.
D’abord, car l’IVG n’est pas un «droit» à proprement parler. Il est une règle dérogatoire au principe de «respect de tout être humain dès le commencement de la vie». Tel était l’esprit de la loi défendue par Simone Veil.
L’ériger en droit opposable à tous, c’est condamner le principe même de limites et de garde-fous comme, par exemple, la liberté de conscience des personnels de santé ou le délai légal. Fixé aujourd’hui à trois mois et demi, alors que le passage de l’embryon au fœtus humain est déjà opéré, pourquoi ce «droit» ne pourrait-il s’exercer jusqu’à la veille de la naissance comme cela fut déjà proposé par amendement il y a quelques mois?
Ensuite car il est légitime de rechercher un équilibre dans cette situation très particulière qui implique une femme, sa liberté et ses choix, mais aussi une vie humaine en formation. Ces deux corps distincts qui exigent de nous le respect de leur dignité intrinsèque.
Il est certain que la ligne est floue entre la dimension personnelle et intime de cet acte et ce qui relève de nos valeurs collectives en tant que communauté politique, que le chemin est escarpé entre la rationalité scientifique et la conscience, que la frontière est difficile à tracer entre les critères de qualification juridique d’une personne et la réalité biologique de son existence.
Ne soyons pas dupes, le retour de ce sujet à l’Assemblée n’a pas pour objectif de servir la cause des femmes. Il est utilisé comme arme de division massive des Français, pour servir l’agenda politique des uns et diaboliser les autres.
Voilà une raison supplémentaire de ne pas l’inscrire dans la Constitution. La provocation ne peut être le moteur d’une réforme de notre pacte social. Il contient les règles essentielles de la vie politique, du fonctionnement de nos institutions mais aussi les droits fondamentaux qui permettent une vie en société selon les principes de la démocratie et de l’État de droit.
Il n’a pas vocation à être le réceptacle de coups politiciens, des revendications individuelles du moment ou le terrain de jeu de l’activisme des minorités.
Chacun doit mesurer les dérives potentielles contenues dans cette démarche de constitutionnalisation de l’IVG. Graver aujourd’hui dans le marbre de la Constitution un «droit» à l’avortement, ou simplement la loi actuelle, c’est ouvrir la porte à tous les excès, comme demain la demande d’inscrire le «droit» à la PMA sans père ou encore, pourquoi pas, celui de changer de sexe.
Un responsable politique digne de ce nom et tendu vers le bien commun ne peut que réfléchir et agir avec prudence dans ce domaine. Et si la droite ne s’interdisait pas, pour une fois, de défendre des convictions et de le faire avec courage ?
Par Marion Maréchal, vice-présidente de Reconquête ! le 24 novembre 2022