« Nuit blanche, nuit sombre ».
Ce 6 novembre au matin, alors que les premières estimations sur le résultat de l’élection présidentielle nous parviennent des Etats-Unis, la gauche française se réveille avec une « grosse gueule de bois ».
Ces élus, du Parti socialiste à la France insoumise, qui, pendant des mois ont brossé un portrait diabolique de Donald Trump, peinent à comprendre qu’une majorité d’électeurs américains aient pu voter en faveur du candidat républicain. Pire, l’annonce définitive du résultat, aux alentours de 11 heures 30 (heure française), donnant la victoire électorale et populaire au camp MAGA, a fini par agacer cette gauche bien-pensante qui refuse de saluer la victoire démocratique du candidat.
Amère face au come-back historique de Donald Trump, la gauche française s’enferre dans des reductio ad hitlerum. En vain, l’argument ne fonctionne plus.
« Backlash climato-sceptique, masculiniste et raciste »
« Grosse gueule de bois ce matin ». Yannick Jadot, à peine réveillé, n’en revient pas. Donald Trump, que la gauche française n’a cessé de conspuer depuis des mois voire des années, est donné gagnant par les principaux analystes et semble en passe de remporter à la fois une majorité de grands électeurs, mais aussi le vote populaire.
Au lieu de saluer ce résultat historique et cette élection démocratique, le sénateur écologiste choisit de revenir encore et toujours à la diabolisation du candidat républicain. « Tous les pouvoirs fédéraux (présidence, Sénat, Cour Suprême) aux mains de Trump, s’inquiète l’élu français. Je pense aux futures victimes des délires trumpistes, du fond des Etats-Unis au front ukrainien ».
Même son de cloche du côté de Marine Tondelier. Sur X, la patronne d’Europe Ecologie les Verts, abonde : « Cet enfer qui se profile… Courage aux Américaines et Américains qui seront en première ligne des politiques de Trump. » Oublie-t-elle que ce sont ces Américaines et Américains qui, dans leur majorité, ont voté en faveur de Donald Trump ? Toujours dans les rangs des écolos, Sandrine Rousseau, connue pour son manque de mesure, ne fait pas défaut à sa réputation.
« Les Etats-Unis sont les théâtre d’un backlash climatosceptique, masculiniste et raciste, soutenu et encouragé par les acteurs d’une économie libérale avides de profits. Angoisse. » écrit-elle sur son compte X. Sa collègue, Marie Toussaint, surenchérit : « Cette nuit, c’est la brutalité, le mépris, le chaos. Tenons-nous prêts à nous battre pour la démocratie, la justice et l’égalité ».
Surenchère insoumise
Chez les Insoumis aussi, le réveil semble avoir été difficile. Malgré l’écrasante victoire populaire et électorale de Donald Trump, la France insoumise continue de rabâcher les mêmes arguments. Chacun y va ainsi de son superlatif pour s’alarmer du résultat de l’élection américaine. « C’est un drame, commence Clément Guetté, députée LFI. […] Notre pays doit se tenir auprès de celles et ceux qui souffriront de sa politique ». « Victoire de Donald Trump, ennemi des femmes, des personnes racisées, de la liberté de la presse et du climat. J’ai une pensée pour toutes celles et ceux qui subiront les effets de ses politiques dévastatrices » ajoute Manon Aubry, eurodéputée insoumise. Et Carlos Bilongo, député insoumis, de qualifier Donald Trump de « très dangereux ». « Son premier discours laisse déjà présager les pires scénarios possibles pour l’avenir et l’écologie » poursuit-il.
Jean-Luc Mélenchon craint, quant à lui, que « le monde monte en tension » tandis que Raphaël Arnault déclare être dans « une colère immense ». Mais la palme de la surenchère revient sûrement à Clémentine Autain qui va jusqu’à parler de « catastrophe planétaire ». D’autres, à l’instar d’Aymeric Caron ou encore Raphaël Arnault et Manon Aubry, tentent une analyse du scrutin et expliquent la défaite de Kamala Harris notamment par son manque de soutien à la cause ukrainienne ou palestinienne…
Côté socialiste, on ronge son frein en silence. A la surenchère des Insoumis, des élus du Parti socialiste préfèrent l'absence de commentaires ou la prise de recul. Pierre Moscovici, ancien ministre sous François Hollande, choisit quant à lui, l'option pseudo-poétique avec un commentaire laconique : « Nuit blanche, nuit sombre ». Histoire, peut-être, donner l'illusion qu'il reste dans sa réserve de Premier président de la Cour des comptes.
Plutôt que de se fourvoyer dans la dénonciation (facile) d'un fascisme qui n'existe pas, la gauche française devrait plutôt écouter les conseils de l'un des ses siens, Julien Dray, ancien député socialiste : « Quand le peuple vote, on commence d’abord par le comprendre, et donc qu’une partie de la gauche bien pensante prenne enfin le temps de réfléchir et se garde de voir le fascisme partout lui fera le plus grand bien… ».
Par Clémence de Longraye le 6 novembre 2024