mercredi 15 novembre 2023
vendredi 22 septembre 2023
Niger : mémoire en défense de la France et de ses armées
Les critiques vont bon train au sujet des choix politiques de la France au Niger. La crise ne s’est pas apaisée. Les forces françaises stationnées sur place n’auraient, selon certains hommes politiques, dont Eric Zemmour, plus que des rations de combat à manger. L’ambassadeur lui-même, nous apprenait le Canard Enchaîné de cette semaine, serait prisonnier dans sa propre ambassade, par le fait du Prince, alors qu’un simple rappel à Paris pour consultation aurait suffi à le sortir de ce mauvais pas. On n’en finit pas de gloser, à gauche comme à droite, dans les journaux ou sur les plateaux : il aurait fallu faire ceci ou cela, décidément on est mauvais, etc.
Outre que cette auto-flagellation collective ne rend pas vraiment service à la perception de notre pays hors de ses frontières, ce n’est pas très intelligent –ni productif - de mettre dans le même panier le niveau politique et l’appareil d’Etat. La France possède le deuxième réseau diplomatique du monde, et, même s’il lui arrive de s’en servir pour des causes discutables (comme la nomination polémique, souvenez-vous, d’un ambassadeur des droits LGBT), la qualité de ses diplomates et de ses relais d’influence est unanimement reconnue. Peut-être cela ne durera-t-il pas : Emmanuel Macron a supprimé le corps diplomatique en 2022, ouvrant la voie à des nominations népotiques, à l’américaine. Mais pour le moment, la France est loin d’être mauvaise dans ce domaine. Ce ne sont pas les analyses de ses experts qui sont en cause : ce sont les biais idéologiques de ses dirigeants.
De même, si les militaires français sont actuellement enfermés dans leurs bases nigériennes, ce n’est pas à cause d’une hypothétique incapacité à décider. En cette circonstance, les forces françaises ressemblent un peu, dans leur fidélité immobile, aux gardes suisses de Louis XVI, qui se firent massacrer faute d’avoir reçu l’ordre de charger. Notre armée est intervenue au Mali à la demande d’un Etat souverain, elle a repris cet immense pays en une poignée de semaines et l’échec stratégique de ses opérations de rétablissement de la paix (Serval puis Barkhane) ne devrait pas masquer, aux yeux des observateurs objectifs, ses succès tactiques de très haute volée.
Quid des Russes et des Américains?
Les Russes disaient autrefois du tsar que son appareil étatique était défaillant, écrasant, malveillant, mais que « notre petit père le Tsar » n’était pas au courant de tout cela, et que ce n’était pas de sa faute. Staline se servit habilement de ce biais, en faisant assassiner l’immonde Iejov, artisan des grandes purges, qui agissait précisément sur ordre du chef de l’Etat soviétique. Le « petit père des peuples » ne pouvait pas, dans l’esprit de ce peuple meurtri, avoir ordonné de telles horreurs. C’est un peu l’inverse en France : les grands corps du système sont performants, mais on voit bien que le niveau de la décision politique, autant par médiocrité intrinsèque que par aveuglement universaliste, est tragiquement défaillant. Il ne faudrait pas pour autant associer la Macronie à de grands serviteurs de l’Etat qui lui survivront.
Les pays présentés comme modèles à cet égard ne le sont pas toujours. On présente beaucoup, ces temps-ci les Américains comme des petits malins, qui ont toute liberté pour circuler au Niger, parce qu’eux, à notre différence, sont moins frontaux et, en quelque sorte, ont tout compris. On se bornera à rappeler que les Américains, passagers clandestins de l’Occident en Afrique, jouent, malgré leurs protestations d’amitié, une partition totalement égoïste en Afrique sahélienne. Ceux qui fustigent le comportement de la France, pourtant totalement débarrassée de son lourd héritage « françafricain », feraient bien de se souvenir, entre autres choses, que 59 de ses soldats sont morts au Sahel pour la stabilité de pays avec lesquels ils n’avaient aucun lien – tandis que les Maliens ou les Nigériens de France restaient sur notre sol au lieu d’aller se battre pour un pays dont ils se disent si fiers. Cet esprit de sacrifice n’est plus tellement commun. La nullité de certains atermoiements politiques ne doit pas le faire oublier.
Par Arnaud Florac le 22 septembre 2023
mardi 12 juillet 2022
Amélie de Montchalin, bientôt ambassadrice ? Lot de consolation ou reconnaissance de ses compétences ?
Bruissement de rumeurs dans les cercles autorisés : Madame de Lombard de Montchalin, née Amélie Bommier, ancienne ministre défaite aux élections législatives, pourrait être nommée ambassadrice. Sa carrière politique s’étant sérieusement contractée du fait de l’ingratitude populaire, elle en est réduite, pour l’instant, à jouer les utilités au conseil régional d’Île-de-France, dans l’opposition sous l’étiquette « IDF Majorité présidentielle », où comment être en même temps dans l’opposition et la majorité.
Un article de Marianne, dans la rubrique « Indiscrétions » révèle, ce 11 juillet, que la très éphémère ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, « serait pressentie à un prestigieux poste d’ambassadrice dans un pays européen ». Le très informé Jean-Dominique Merchet, journaliste à L’Opinion et « pacha » du blog Secret-Défense, twittait lundi « Amélie de Montchalin pourrait être nommée ambassadeur à Rome » avant de corriger le tir, deux heures plus tard : « Une source proche du dossier assure à L’Opinion qu’Amélie de Montchalin ‘‘n’est pas candidate au poste d’ambassadrice à Rome et ne le sera donc pas’’. Dont acte. J’utilisais le conditionnel ».
Deux remarques sur cette info donnée à L’Opinion par cette « source proche du dossier ». Premièrement, on déduit que l’on peut être candidat à une ambassade lorsqu’on est ancien ministre. Deuxièmement, si l’hypothèse romaine est évacuée, cela ne signifie pas que Madame de Montchalin ne concourt pas pour une autre ambassade… Par exemple, la place d’ambassadeur auprès de la cour de Saint-James est libre depuis la nomination de Catherine Colonna aux Affaires étrangères. N’oublions pas que l’ancienne ministre n’a jamais renié son attachement à « la grande famille jésuite et ignatienne », pour rependre ses propres mots prononcés dans un discours, alors qu’elle n’était que députée, le 30 juillet 2017 à Namur à l’occasion de la naissance de la nouvelle Province d’Europe occidentale francophone de la Compagnie de Jésus…
Certes, ce ne serait pas la première fois qu’un ancien ministre est « recasé » à un poste d’ambassadeur. Passons sur la très exotique ambassade des Pôles (dans le texte « chargée de la négociation internationale pour les pôles arctique et antarctique ») qui n’est que la partie émergée de ces « ambassades thématiques », nées au début des années 2000, sous Chirac. Une sorte de liste à la Prévert qui va de la gestion des crises à l’étranger aux migrations en passant par le numérique ou encore la science, la technologie et l’innovation. Comme on sait, Ségolène Royal fut une ambassadrice des pôles très active, ou tout du moins, très médiatique.
On pourrait évoquer ces nominations d’anciens ministres comme ambassadeur auprès d’instances internationales. Une façon de renvoyer poliment l’ascenseur sans que l’exil ne soit trop douloureux. Ainsi, Rama Yade, débarquée du gouvernement, fut nommée déléguée permanente de la France auprès de l’UNESCO. C’est pratique : le siège de l’UNESCO est à Paris. Un poste que Catherine Colonna avait occupée en 2008 au sortir du gouvernement Villepin. Mais elle, au moins, était diplomate de métier. L’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) n'est pas mal non plus, d’autant que le siège est aussi à Paris. Xavier Darcos, après avoir été ministre de l’Éducation nationale sous Fillon, y fut nommé de 2005 à 2007 avant de prendre la fonction d’ambassadeur thématique pour la politique culturelle extérieure de la France.
Quant à la nomination d’anciens ministres à des postes d’ambassadeur auprès d’États souverains, reconnaissons que cela a toujours existé. Evoquons Talleyrand, nommé à Londres de 1830 à 1834 ou encore le maréchal Pétain, ancien ministre de la Guerre en 1934, nommé à Madrid le 2 mars 1939. Mais on était là, non pas dans une logique de récompense mais dans un contexte particulier pour lequel le gouvernement estimait devoir nommer une personnalité de grande stature. On n’en dira pas autant de la nomination de Jean-Pierre Jouyet, ancien secrétaire général de l’Élysée sous Hollande, ancien secrétaire d’Etat sous Sarkozy, nommé par Macron en septembre 2017, à l’ambassade de Londres.
Mais avouons que cette rumeur de nomination de Montchalin tombe bien mal, quelques mois à peine après qu’Emmanuel Macron a supprimé le corps diplomatique, réforme à laquelle, du reste, Montchalin mit la main à la pâte. N’oublions pas qu’elle fut secrétaire d’État aux Affaires européennes de 2019 à 2020 puis, de 2020 à 2022, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques. Une réforme faite au prétexte du « décloisonnement de l’administration » qui passe très mal dans l’administration du quai d’Orsay. Décloisonner pour mieux permettre ce genre de nomination ?
Par Georges Michel le 12 juillet 2022