Bruissement de rumeurs dans les cercles autorisés : Madame de Lombard de Montchalin, née Amélie Bommier, ancienne ministre défaite aux élections législatives, pourrait être nommée ambassadrice. Sa carrière politique s’étant sérieusement contractée du fait de l’ingratitude populaire, elle en est réduite, pour l’instant, à jouer les utilités au conseil régional d’Île-de-France, dans l’opposition sous l’étiquette « IDF Majorité présidentielle », où comment être en même temps dans l’opposition et la majorité.
Un article de Marianne, dans la rubrique « Indiscrétions » révèle, ce 11 juillet, que la très éphémère ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, « serait pressentie à un prestigieux poste d’ambassadrice dans un pays européen ». Le très informé Jean-Dominique Merchet, journaliste à L’Opinion et « pacha » du blog Secret-Défense, twittait lundi « Amélie de Montchalin pourrait être nommée ambassadeur à Rome » avant de corriger le tir, deux heures plus tard : « Une source proche du dossier assure à L’Opinion qu’Amélie de Montchalin ‘‘n’est pas candidate au poste d’ambassadrice à Rome et ne le sera donc pas’’. Dont acte. J’utilisais le conditionnel ».
Deux remarques sur cette info donnée à L’Opinion par cette « source proche du dossier ». Premièrement, on déduit que l’on peut être candidat à une ambassade lorsqu’on est ancien ministre. Deuxièmement, si l’hypothèse romaine est évacuée, cela ne signifie pas que Madame de Montchalin ne concourt pas pour une autre ambassade… Par exemple, la place d’ambassadeur auprès de la cour de Saint-James est libre depuis la nomination de Catherine Colonna aux Affaires étrangères. N’oublions pas que l’ancienne ministre n’a jamais renié son attachement à « la grande famille jésuite et ignatienne », pour rependre ses propres mots prononcés dans un discours, alors qu’elle n’était que députée, le 30 juillet 2017 à Namur à l’occasion de la naissance de la nouvelle Province d’Europe occidentale francophone de la Compagnie de Jésus…
Certes, ce ne serait pas la première fois qu’un ancien ministre est « recasé » à un poste d’ambassadeur. Passons sur la très exotique ambassade des Pôles (dans le texte « chargée de la négociation internationale pour les pôles arctique et antarctique ») qui n’est que la partie émergée de ces « ambassades thématiques », nées au début des années 2000, sous Chirac. Une sorte de liste à la Prévert qui va de la gestion des crises à l’étranger aux migrations en passant par le numérique ou encore la science, la technologie et l’innovation. Comme on sait, Ségolène Royal fut une ambassadrice des pôles très active, ou tout du moins, très médiatique.
On pourrait évoquer ces nominations d’anciens ministres comme ambassadeur auprès d’instances internationales. Une façon de renvoyer poliment l’ascenseur sans que l’exil ne soit trop douloureux. Ainsi, Rama Yade, débarquée du gouvernement, fut nommée déléguée permanente de la France auprès de l’UNESCO. C’est pratique : le siège de l’UNESCO est à Paris. Un poste que Catherine Colonna avait occupée en 2008 au sortir du gouvernement Villepin. Mais elle, au moins, était diplomate de métier. L’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) n'est pas mal non plus, d’autant que le siège est aussi à Paris. Xavier Darcos, après avoir été ministre de l’Éducation nationale sous Fillon, y fut nommé de 2005 à 2007 avant de prendre la fonction d’ambassadeur thématique pour la politique culturelle extérieure de la France.
Quant à la nomination d’anciens ministres à des postes d’ambassadeur auprès d’États souverains, reconnaissons que cela a toujours existé. Evoquons Talleyrand, nommé à Londres de 1830 à 1834 ou encore le maréchal Pétain, ancien ministre de la Guerre en 1934, nommé à Madrid le 2 mars 1939. Mais on était là, non pas dans une logique de récompense mais dans un contexte particulier pour lequel le gouvernement estimait devoir nommer une personnalité de grande stature. On n’en dira pas autant de la nomination de Jean-Pierre Jouyet, ancien secrétaire général de l’Élysée sous Hollande, ancien secrétaire d’Etat sous Sarkozy, nommé par Macron en septembre 2017, à l’ambassade de Londres.
Mais avouons que cette rumeur de nomination de Montchalin tombe bien mal, quelques mois à peine après qu’Emmanuel Macron a supprimé le corps diplomatique, réforme à laquelle, du reste, Montchalin mit la main à la pâte. N’oublions pas qu’elle fut secrétaire d’État aux Affaires européennes de 2019 à 2020 puis, de 2020 à 2022, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques. Une réforme faite au prétexte du « décloisonnement de l’administration » qui passe très mal dans l’administration du quai d’Orsay. Décloisonner pour mieux permettre ce genre de nomination ?
Par Georges Michel le 12 juillet 2022