Auteur du meurtre de la petite Maëlys en 2017, Nordahl Lelandais est un des tueurs en série les plus marquants de la dernière décennie. Mais aussi étonnant que cela puisse paraitre, cet homme qui a tué au moins deux fois, a incendié volontairement un bar-tabac, aurait trafiqué de la drogue et est poursuivi pour trois agressions sexuelles sur mineures, n’a jamais été considéré comme un « récidiviste » par la justice.
Pourtant, l’état de « récidiviste » peut entraîner beaucoup de conséquences : application des peines planchers (avant leur suppression), possibilité de prononcer une rétention de sûreté, ou encore une vigilance accrue des services judiciaires en général…
Mais comment un profil aussi lourd que celui de Nordahl Lelandais peut-il ne pas être considéré comme récidiviste par la Justice ? C’est mettre là le doigt sur un vrai scandale démocratique : la justice utilise des mots qui n’ont plus rien à voir avec la réalité, pour cacher son laxisme.
Un lexique pénal trompeur pour le grand public
Pour un citoyen ordinaire, un « délinquant multirécidiviste » est un délinquant qui a été condamné de nombreuses fois, peu importe la nature des délits et leur espacement dans le temps. Une personne qui commettrait un vol, une agression, une escroquerie et un viol tous les dix ans est considérée comme un récidiviste…
Mais pour la Justice, ce n’est pas le cas. Pour elle, un délinquant « multirécidiviste » n’est considérée « récidiviste » que s’il commet deux infractions identiques dans un délai donné.
Mais le scandale ne s’arrête pas là.
Ainsi, la peine de prison « à perpétuité » n’est à peu près jamais perpétuelle et n’a pour contrainte que de durer 18 ans au minimum. La création d’une peine de perpétuité dite « incompressible » est d’ailleurs un aveu de cette tromperie. Cette peine de prison incompressible, excessivement peu prononcée, n’est d’ailleurs pas vraiment incompressible puisqu’il existe une possibilité de réexamen après 30 ans…
Le ministère de la Justice comptabilise également comme « écrouées » des personnes qui ne sont pas détenues en prison, ou bien comme des peines de prison « exécutées », des peines effectuées chez soi sous bracelet électronique… Sans parler de l’obligation de quitter la territoire français qui n’est en réalité qu’une invitation à le faire…
En réalité, une simple comparaison entre un dictionnaire de langue française et le lexique pénal démontre à quel point la Justice n’ose pas montrer la réalité de sa situation, ce qui confine presque au mensonge institutionnel.
La démocratie ne se brade pas
Ils le crient à pleins poumons, sondage après sondage : les Français demandent la fin du laxisme et le retour de la fermeté. Cela, les politiques l’ont bien compris.
Mais dans ces conditions, comment continuer à appliquer l’idéologie anti-prison et anti-sanction (qui tient tant à cœur de beaucoup de professionnels de la Justice) sans que cela ne se voit trop ?
Il suffit de simuler la fermeté… d’une part par l’emploi de mots détournés de leur sens, voire franchement dénaturés, et d’autre part par le prononcé de peines sévères dans les tribunaux, avant de détricoter ces peines dans le cabinet du juge d’application des peines. Voilà la stratégie immorale qu’ont poursuivi les pouvoirs exécutifs et législatifs depuis une vingtaine d’années et qui touche (enfin) ses limites.
Rendue au nom du peuple français, et malgré d’ailleurs le fossé qui se creuse entre elle et ce peuple, la Justice mérite-elle encore son nom quand elle se livre à une telle farce démocratique ? Vous avez le droit d’en douter.
Par Pierre-Marie Sève le 1er novembre 2024