Affichage des articles dont le libellé est Azerbaïdjan. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Azerbaïdjan. Afficher tous les articles

jeudi 2 novembre 2023

Marion Maréchal en Arménie : « J’ai été frappée par leur regard vide »

 


Arrivée samedi 28 octobre en Arménie, Marion Maréchal a passé plusieurs jours auprès des responsables et des populations touchées par la guerre. Visiblement émue, elle dit à BV le contexte, les échanges et les rencontres qui l'ont le plus marquée lors de ce voyage.

Marc Baudriller. La France semble relativement indifférente au sort de l’Arménie, contrairement à celui de l’Ukraine et d'Israël. Comment l’expliquez-vous ?

Marion Maréchal. Il y a plusieurs explications. La première est que Ursula von der Leyen [présidente de la Commission européenne, NDLR] a doublé l’importation de gaz azéri pour pallier la rupture de liens énergétiques avec la Russie. Une partie de ce gaz venu d’Azerbaïdjan est en réalité du gaz russe transitant par l’Azerbaïdjan. Deuxièmement, il y a une crainte à l’égard de la Turquie qui est un soutien de l’Azerbaïdjan dans le cadre de ce conflit de l’Artsakh. Aujourd’hui, comme depuis des années, la Turquie fait un chantage à l’immigration : elle menace d’ouvrir très grand ses frontières et de laisser se déverser potentiellement des millions de personnes. Par ailleurs, il y a aussi un affaiblissement de la voix de la France au sein même de l’Union européenne. Enfin, on connaît les relations privilégiées de l’Allemagne avec la Turquie, en raison de la très grande communauté turque en Allemagne. Et puis, dans le cadre du conflit russo-ukrainien, les tensions avec la partie russe rejaillissent dans ce conflit, car en l’occurrence, les Russes ont longtemps été les alliés des Arméniens face aux menaces de l’Azerbaïdjan. Toutes ces contingences entraînent le silence et l’absence de condamnation.

M. B. Si vous étiez au pouvoir, que demanderiez-vous à l’Azerbaïdjan et à la Turquie ?

M. M. Il faudrait une condamnation de la part de l’Union européenne et de la France à l’égard de l’Azerbaïdjan et de la Turquie. Il n’y en a pas eu. Il y a eu, plutôt, des marques d’amitié et de relations courtoises. Il faudrait demander une sanction pour l’Azerbaïdjan, comme ce fut le cas pour la Russie, en raison d’une violation du droit international. L’Azerbaïdjan a commis des crimes de guerre, une épuration ethnique, cela mériterait a minima une suspension du Conseil de l’Europe et un certain nombre de mesures, y compris économiques.
En ce qui concerne la Turquie, au regard des dernières déclarations extrêmement agressives d’Erdoğan à l’égard de l’Europe - il semble vouloir fédérer tous les pays soutenant le Hamas et superviser ce fameux conflit de civilisation entre ce qu’il appelle « la croix et le croissant » -, il faut définitivement mettre fin au processus de pré-adhésion qui a coûté, jusqu’ici, plus de 15 milliards d’euros aux contribuables européens.
Il faudrait également poser sur la table le débat de l’appartenance de la Turquie à l’organisation militaire de l’OTAN qui est censée garantir la sécurité de l’Europe. La France ne devrait pas remettre intégralement sa sécurité et son indépendance, en matière diplomatique et de défense, à cette organisation. Elle devrait prendre la trajectoire d’une indépendance maximale, sur les plans diplomatique, militaire et opérationnel.

M.B. Quels sont les témoignages qui vous ont le plus touchée parmi les Arméniens que vous avez rencontrés ?

M. M. Nous avons vu plusieurs familles de réfugiés, ainsi que des élus qui ont assuré leur accueil et leur insertion. J’ai le souvenir de cette étudiante qui était restée côté arménien et qui a retrouvé ses parents et ses petits frères. Eux avaient quitté le territoire de l’Artsakh à la fin de l’épuration ethnique. Ses parents étaient en état de sous-nutrition, comme beaucoup de réfugiés, en raison du blocus des aliments et des médicaments. J’ai rencontré un couple d’agriculteurs qui nous racontait être obligé de consommer la nourriture pour les animaux pour se nourrir. Ils ne pouvaient pas, non plus, se chauffer en raison des coupures de gaz et d’électricité. J’ai également été frappée par un témoignage particulièrement bouleversant d’une vieille femme avec ses enfants. Elle avait vu la grande croix de son village abattue par les Azéris. Elle en a pleuré, elle éprouvait beaucoup de difficulté à laisser derrière le monument aux morts de son village qui serait profané. Elle était bouleversée.
Un autre témoignage atroce : des parents, dont les deux petits garçons de huit et dix ans ont été décapités, ont dû repartir avec les corps dans la voiture durant l’exode car ils ne pouvaient plus accéder au cimetière et avaient peur des profanation qui allaient suivre.
J’ai été très frappée par leur regard vide, comme si une partie d’eux-mêmes était restée là-bas. Ils ne se plaignent pas des conditions matérielles mais du fait que, pour la première fois, il n’y aura plus d’Arméniens et de chrétienté sur cette terre de l’Artsakh à cause des profanations de cimetières, des destruction d’églises, de la conversion des églises en mosquées et de la destruction de tout symbole religieux. Pour les Arméniens, c’est très bouleversant.

M. B. Que disent ces Arméniens à la France ?

M. M. Ils conservent une grande affection pour la France, bien que la France n’ait pas été très audible dans ce dossier. Ils sont reconnaissants pour l’aide humanitaire et le partenariat militaire. Ils ont cependant un sentiment d’abandon. Ils nous disent : « Vous avez été présents pour l’Ukraine, soyez là pour nous ! »
Ils éprouvent une grande inquiétude pour l’avenir. Le conflit n’est pas fini. La réalité, c’est que l’Azerbaïdjan, poussé par la Turquie, commence déjà à grignoter des territoires arméniens montagneux. L’ensemble de l’Arménie est menacée.
Par ailleurs, au-delà de ce conflit, on voit se superposer un conflit de civilisation. On le voit dans la rhétorique islamique de la Turquie. Les Arméniens nous disent : « Attention, ce qui nous arrive aujourd’hui pourrait vous arriver demain, donc ne nous oubliez pas ! »

Entretien réalisé au téléphone le 31 octobre 2023

Par Marc Baudriller le 1er novembre 2023

Boulevard Voltaire

vendredi 28 octobre 2022

 


Par Georges Castro, responsable commercial au sein d’une entreprise industrielle française à caractère stratégique, le 23 octobre 2022 ♦ L’urgence climatique, l’accueil des migrants, la solidarité avec le peuple ukrainien, le respect de la condition animale, la lutte contre le racisme, contre l’homophobie, contre la grossophobie, contre la xénophobie… La liste des sujets suscitant la compassion ou l’indignation de l’Occidental contemporain est pléthorique. Les associations qui portent ces causes parviennent à lever des sommes d’argent considérables, leur permettant de les porter jusqu’aux oreilles de nos élus, de les faire résonner dans l’ensemble de la sphère médiatique. En un mot, de toucher l’opinion. Seulement, il semble que cette émotion tous azimuts (et bien orientée par la partialité de nos médias globalisés) connaisse un tout petit trou dans la raquette : le sujet arménien.

Guerre et exactions

Si les drapeaux ukrainiens flottent aux porches de nos mairies, si nos aéroports et nos bâtiments publics s’habillent de bleu et de jaune, le tricolore arménien est absent de ces témoignages de soutien aux peuples qui souffrent (hormis à Marseille). Et pourtant.

En 2020 à la suite d’une guerre de 44 jours contre le voisin azerbaïdjanais, l’armée arménienne se voyait écrasée. Sidérée, dépassée technologiquement et tactiquement, elle n’a pu que subir la loi d’airain des forces azéries soutenues par la Turquie.
Alors que ces affrontements demeurèrent circoncis aux territoires du Haut-Karabakh (qui forme une république non reconnue internationalement), les hostilités qui reprirent entre les 12 et 14 septembre derniers concernèrent, elles, le territoire souverain internationalement reconnu de l’Arménie.

Les exactions perpétrées par la partie azérie sont légion, notamment envers les prisonniers de guerre, torturés, sommairement exécutés, leurs cadavres souvent mutilés. Le tout en totale rupture avec le droit humanitaire international[1] et surtout en butte avec les principes les plus élémentaires de la civilisation.
Car c’est en fait de cela qu’il s’agit. Ce qui se joue dans les vallées et les steppes d’Arménie, dans les contreforts du sud-Caucase, c’est bel et bien une lutte de civilisations. Le croissant contre la croix, toujours.

L’Arménie, premier État chrétien de l’Histoire, fait aujourd’hui face, avec ses quelques trois millions d’habitants, au panturquisme décomplexé du sultan Erdogan et du dictateur Aliyev. La Turquie (84 millions d’habitants) et l’Azerbaïdjan (10 millions d’habitants) ont juré de « chasser les Arméniens comme des chiens »[2] du Haut-Karabakh. Mais jusqu’où iront-ils ? Assisterions-nous là à la disparition discrète, silencieuse, de l’Arménie, déjà génocidée il y a un siècle par ces mêmes Turcs ?

Du sang et du gaz

Un écran de fumée, de gaz azerbaïdjanais, si précieux en cette période de crise énergétique semble, contraindre l’Europe à détourner le regard, à passer son tour pour réagir.

Depuis 2020, les visites d’intellectuels et artistes français de premier rang (de Michel Onfray à Sylvain Tesson et Jean-Christophe Buisson) se succèdent en Arménie, les tribunes de soutien font flores dans nos plus grands journaux. Nos élus, du maire au sénateur, leur emboîtent le pas. L’écho tend à s’amplifier : le Président de la République a dû se prononcer sur le sujet lors de son entretien télévisé du 12 octobre, annonçant que « nous ne lâcherons pas les Arméniens », en réponse à la lettre que lui avait adressée Sylvain Tesson[3].

Mais au-delà des paroles et des manœuvres diplomatiques, dans lesquelles il faut saluer le rôle pionnier de la France, que fait l’Europe pour concrètement inverser le rapport de force ? Fournit-elle des équipements militaires létaux à l’Arménie[4] ? Forme-t-elle ses soldats ? Non, elle envoie une modeste mission diplomatique de surveillance des frontières.

L’Arménie comptait sur le grand frère russe pour la soutenir. Ce dernier, empêtré en Ukraine et peu désireux semble-t-il d’aider l’Arménien face à l’Ottoman, joue les « casques bleus ». La Turquie pendant ce temps-là, fournit moult équipements, personnels et formations aux troupes azerbaïdjanaises.

Vers la disparition de l’Arménie ?

Que Bakou et Ankara décident de refermer leurs mâchoires sur la frêle Arménie et c’en est fini d’elle. Effacée sera son Histoire et son empreinte dans le Caucase. Ce pays où l’on trouve aussi bien des vestiges de temples helléniques datant d’Alexandre le Grand, des ruines romaines, des khatchkars multiséculaires et monastères hors d’âge, témoins uniques d’un christianisme de potron-minet est bien menacé de grand effacement. Car l’Azerbaïdjan ne se contente pas d’occuper le terrain. Il déplace les populations, détruit les cimetières et toute trace qui pourrait attester d’une présence arménienne et chrétienne. Ainsi, le cimeterre des satrapes turcs menace de disparition tout un patrimoine chrétien immémorial.

Au-delà des aspects patrimoniaux et historiques, c’est un peuple avec lequel nous partageons beaucoup qui entrevoit son crépuscule. Des mariages entre la chevalerie franque et la noblesse arméniennes du XIème siècle ont découlé une solidarité quasi anthropologique ou du moins spontanée entre nos peuples.

Qui s’est déjà promené dans Erevan reconnaîtra une ville qui, sous la chaleur estivale, vit aux rythmes de ses terrasses, aussi animées que celles de Paris.
Qui rencontre un Arménien retrouvera en lui bien des traits méridionaux, des tendances latines, semblables à celles de nos concitoyens du Midi, de nos amis italiens ou espagnols.
Qui discute avec un Arménien sera touché au plus profond de son cœur par l’admiration qu’il porte pour la France, unanimement partagée dans ce petit pays.
Qui discute avec un Arménien sera frappé par son opiniâtreté, sa résilience pour employer un terme bien galvaudé chez nous mais qui dans le Caucase reprend tout son sens. Car maintes fois l’Arménie a failli disparaître dans les flots de l’Histoire. Mais à chaque fois son peuple a tenu bon. C’est pour nous un motif d’espoir.

À notre échelle de citoyen lambda, que peut-on faire me direz-vous ?

En parler autour de soi est déjà un acte de résistance au crédit de ces chrétiens menacés par le croissant et son joug. Faire connaître cette cause, se rappeler, dire, raconter que quelque part, aux marches de l’Europe, dans les confins de ce carrefour des civilisations qu’est le Caucase, le peuple arménien, chrétien, fait front face aux musulmans, comme il le fit au cours des siècles derniers.

L’Histoire n’est finalement que bégaiements

[1]« Video shows Azerbaijan forces executing Armenian POWs”, Human Rights Watch, 14 octobre 2022, disponible sur: https://www.hrw.org/news/2022/10/14/video-shows-azerbaijan-forces-executing-armenian-pows
[2] “Haut-Karabakh, le Premier Ministre arménien dit avoir signé un accord pour mettre fin aux combat”, Le Figaro, 24 novembre 2020, disponible sur : https://www.lefigaro.fr/international/haut-karabakh-le-premier-ministre-armenien-dit-avoir-signe-un-accord-pour-mettre-fin-aux-combats-20201109
[3]Sylvain Tesson, « Monsieur le président, l’Arménie est en passe de disparaître », Le Figaro, 13 octobre 2022.
[4] Il serait difficile à la France, en tant que co-présidente du Groupe Minsk, statut impliquant l’impartialité, de livrer des armes à l’Arménie…


Polémia

jeudi 6 octobre 2022

Invasion de l'Arménie par l'Azebaïdjan : la France doit assumer sonn rôle historique de défenseur du peuple arménien



Communiqué du groupe RN à l'Assemblée nationale du 5 octobre 2022

Le groupe Rassemblement National de l’Assemblée nationale exprime son plein et entier soutien à l’Arménie et au peuple arménien.

Depuis la nuit du 12 au 13 septembre, les forces armées azéries ont lancé une offensive de grande ampleur sur un certain nombre de localités du territoire souverain arménien situées près de la frontière, avec notamment d’intenses bombardements d’artillerie, et l’utilisation de drones d’assaut fournis par la Turquie.

Depuis le cessez-le-feu du 9 novembre 2020, Il s’agit de l’agression la plus grave, mais hélas pas la première, sur les frontières internationalement reconnues de la République d’Arménie. En violation de toutes les conventions internationales, l’Azerbaïdjan a bombardé des infrastructures civiles : écoles, hôpitaux, et zones résidentielles. De même des exécutions sommaires de prisonniers de guerre auraient été signalées.

À ce jour, plus de 50 kilomètres carrés du territoire arménien se trouvent de facto sous le contrôle des forces armées azéries, en totale violation du droit international et de l’intégrité territoriale de l’Arménie.

Le gouvernement français, qui s’est toujours dit « ami » de l’Arménie doit aujourd’hui réagir à cette nouvelle agression, et tout mettre en œuvre afin de stopper les velléités de l’Azerbaïdjan. Il est temps de prendre des mesures fortes, telles qu’un embargo sur les ventes de technologies militaires à l’Azerbaïdjan.

107 ans après le début du génocide des Arméniens de l’empire ottoman, ne laissons pas l’histoire se répéter.

RN

Arménie: rompre le silence, ne plus fermer les yeux



Depuis début septembre, le régime azerbaïdjanais a relancé ses attaques contre l’Arménie. Alors que le démembrement territorial de ce pays souverain a déjà été entamé par les premières offensives voici deux ans, c’est la menace d’une épuration ethnique, peut-être même d’un nouveau génocide, qui plane aujourd’hui au-dessus des Arméniens de l’Artsakh.

Relation millénaire. Les liens culturels et diplomatiques entre l’Arménie et la France sont aussi forts qu’anciens. Notre pays a accueilli de nombreux Arméniens, dans les moments dramatiques qui frappèrent ce peuple. Français exemplaires dans tous les domaines, nos compatriotes d’origine arménienne ont su le rendre à notre pays tout en restant attachés à leurs racines, Cette diaspora ne fait que renforcer cette relation si singulière entre nous.

Au-delà, le sort de l’Arménie, qui était déjà intégrée à l’Empire romain au Ier siècle av. J.-C., concerne tous les Européens. Si l’Europe est la terre qui, de Lisbonne à l’Oural et de l’Islande au Caucase, est recouverte d’un « blanc-manteau d’églises » selon la formule du moine clunisien Glaber, si elle est constituée d’un ensemble de nations sœurs à l’origine commune, si elle est la civilisation héritière d’Athènes, de Rome et de Jérusalem, alors l’Arménie est indubitablement et éminemment européenne.

Avant que les Turcs ne conquièrent l’ensemble de l’Anatolie, une partie du peuple arménien y avait fondé, à la fin du XIe siècle, le Royaume de Cilicie, dernier lieu sûr pour les Européens croisés. Plusieurs seigneurs Francs, y compris le futur Baudouin Ier de Jérusalem, épousèrent même des filles de nobles locaux. Et ainsi, si l’Arménie fut la première nation chrétienne au monde, le dernier souverain du royaume arménien de Cilicie fut un descendant de Franc.

Le Pape Grégoire XIII écrira plus tard qu'« aucun peuple ou nation, en ces temps où les princes et guerriers chrétiens allèrent reprendre la Terre Sainte, ne se porta à leur aide avec autant d’enthousiasme, de joie et de foi que les Arméniens. »

Cette enclave chrétienne, dont Lord Byron disait que sa langue était celle qui permettait de parler avec Dieu, située aux confins de notre continent a toujours été encerclée par des pays musulmans conquérants. Ce pays frère est à nouveau menacé, mais l’Occident détourne le regard...

Hypocrisie européenne. L’hypocrisie dont fait preuve la bureaucratie bruxelloise est une parfaite illustration du double discours permanent de l’Union européenne. En effet, en plus d’utiliser des armes interdites, de s’attaquer au patrimoine chrétien en Artsakh, et d’employer des djihadistes pour ses basses œuvres, le dictateur azéri Aliev gouverne en parfaite contradiction avec le fameux État de droit prôné en toutes circonstances par Bruxelles : la liberté d’expression est bâillonnée, les opposants politiques sont traqués et la liberté de conscience violée.

Ces faits, reconnus, n’ont pourtant pas empêché la Commission européenne de signer un accord gazier avec Bakou. Ursula von der Leyen, qui nous avait habitués à une main de fer lorsqu’il s’agit de sévir contre Varsovie ou Budapest au nom des « droits fondamentaux », l’a cette fois-ci gantée de soie, évoquant même un « partenaire fiable ». La fermeté est sélective. De même, l’intransigeance vis-à-vis de Moscou et la complaisance envers Bakou, n’en finissent pas d’interroger les Arméniens, qui se demandent pourquoi leurs vies semblent valoir si peu aux yeux de Bruxelles.

Pour rompre le silence face à cette agression, je me suis rendu en Arménie avec le sénateur Stéphane Ravier. Nous avons notamment été accueillis par le Maire de Kut, village bombardé situé près de Valderis, non loin de la frontière. Je n’oublierai jamais les mots de cet homme face aux murs de sa mairie recouverts d’impacts d’obus : « peu importe si notre sang coule, pourvu que flotte notre drapeau ». Ici, dans ce petit village entouré de vallées arides, le soleil rouge d’Orient illuminait les décombres et la lumière de son crépuscule éclairait la douleur des visages alors que nous traversions des ruines...

Ailleurs, près d’une maison partiellement détruite, nous avons été reçus par une famille endeuillée. Les Azerbaïdjanais venaient de rendre le corps d’un soldat arménien de 36 ans à son épouse et à ses enfants. Face à l’horreur de son corps mutilé, la famille devait entraver la tradition en gardant le cercueil du défunt fermé. Leur deuil était inachevé, leurs yeux noyés de larmes, et ils se sentaient terriblement seuls. Seuls face à l’hypocrisie occidentale, face au cercueil d’un mari, d’un père, tombé pour défendre son pays bien sûr, mais aussi notre mémoire commune.

Partout où nous sommes allés, partout les Arméniens nous ont demandé de rapporter avec nous ce témoignage, de dire et raconter ce que nous avions vu, et l’horreur de la guerre qui leur est menée. Devant cet affrontement inégal, la France ne doit pas se contenter de condamnations formelles tout aussi timides que discrètes et ne doit plus laisser seule l’Arménie. Les Européens doivent comprendre que c’est notre civilisation qui est attaquée par l’impérialisme du Turc Erdogan, armant le bras d’Aliev.

À la France, à l’Europe et aux forces occidentales de se dresser face aux agresseurs, de déployer leur soutien humanitaire et leur force diplomatique. D’agir ! Au-delà de l’abandon de nos frères en civilisation, il ne peut rien sortir de bon de la cécité, encore moins de la lâcheté, face à l’expansionnisme néoottoman. Seul, et si admirable soit-il, le courage des hommes et femmes d’Arménie ne suffira pas à le stopper.

Par Nicolas Bay, député européen, vice-président de Reconquête le 6 octobre 2022

L'Opinion

Voyage en Arménie : quand la réalité de la guerre vous saute aux yeux



Avec mon collègue député français au Parlement européen, Nicolas Bay, nous nous sommes rendus en Arménie, du 30 septembre au 3 octobre, en réaction aux attaques de l’Azerbaïdjan et par solidarité vis-à-vis du peuple arménien.

Je l'avais annoncé à l'issue de ma première visite : à l’invasion de l’Artsakh en 2020 succéderait inévitablement l’invasion du territoire souverain de l’Arménie. L’Artsakh n’était qu’une étape du plan turco-azerbaïdjanais visant à reconstituer l’Empire ottoman qui passe par ces territoires. Depuis deux ans, l’armée azerbaïdjanaise a continué ses provocations en refusant de libérer les prisonniers de guerre, dévastant les sites historiques, culturels et cultuels chrétiens et causant des escarmouches ponctuelles.

105 ans après le génocide des Arméniens, la Turquie d’Erdoğan a décidé de sous-traiter cette fois-ci les basses œuvres à son allié Aliyev en lui apportant un soutien logistique, militaire et humain. Dans la nuit du 12 au 13 septembre, les soldats de ce dernier ont franchi les frontières en plusieurs points, pourtant reconnues inviolables par le droit international, et progressé sur plusieurs kilomètres. Après avoir bombardé les sites militaires, ils ont pris pour cible les civils, causant des dégâts sur des écoles, une mairie, des installations agricoles, des convois de voitures et causant des morts parmi la population.

Comme il y a deux ans, j’ai commencé par me rendre au mémorial du génocide à Erevan en vue de conserver en mémoire ce que le futur pourrait nous réserver si nous n’agissons pas. Le moment de recueillement qui a suivi au cimetière militaire m’a rappelé cette vérité de Garéguine Njdeh, philosophe, militaire et stratège arménien : « Si tu veux connaître et voir l’avenir d'un peuple, regarde sa jeunesse. » Une jeunesse en partie fauchée par la guerre mais une jeunesse qui permet à l'Arménie de croire en l'avenir.

Nous nous sommes ensuite rendus sur la ligne de front à Vardenis, où le maire a exprimé le sentiment d’impuissance face à la violence des bombardements et demandé l’intervention de la communauté internationale. Douze des villages alentour ont été bombardés et nous avons bien vu que l’armée azerbaïdjanaise avait pris position et ne donnait aucun signe de retrait.

La réalité de cette guerre saute aux tripes et au cœur quand vous l’avez devant vos yeux. Un Arménien nous a expliqué avoir quitté sa maison avec sa famille avant qu’un obus ne tombe dans la chambre de son fils. Plus tard, nous avons rencontré un chauffeur de poids lourd qui, s’étant porté volontaire pour aller chercher les blessés, sans arme, a été gravement blessé à la jambe. Voir ses parents et ses enfants, qui auraient pu être orphelins aujourd’hui, ne laisse pas indifférent.

Nous nous sommes également recueillis devant la dépouille d’un soldat arménien dont le corps avait été rendu par ses ennemis vingt jours après sa mort, démembré. Sa famille veillait le cercueil dans son salon sans pouvoir regarder ce corps meurtri, recouvert d’un drapeau arménien et encadré par deux jeunes soldats.

Incontestablement, il y a bien un agresseur, l’Azerbaïdjan, et un agressé, l’Arménie. Nous avons pu constater l’évidence de la guerre, des exactions et des crimes qui l’accompagnent. Un richissime État de onze millions d’habitants menace la première nation chrétienne du monde, quatre fois moins peuplée, avec une disproportion de moyens et humaine criante.

À cela il faut rajouter le désastreux sens du timing de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, qui a choisi de conclure des accords gaziers avec l’Azerbaïdjan, en grande pompe, sans obtenir de garanties de leur part concernant leurs volontés expansionnistes. Elle l’a présenté comme une victoire face à Poutine, mais c’est en réalité une victoire d’Erdoğan et d’Aliyev.

Quand l’Azerbaïdjan utilise des drones à 300.000 euros l’unité pour détruire une position arménienne dans laquelle un soldat est armé d’un simple fusil, c’est nous qui le finançons avec nos impôts. L’Arménie n’a malheureusement pas de pétrole et de gaz dans son sous-sol. Est-ce pour cela qu’elle devrait être abandonnée ?

Sur place, une organisation non gouvernementale, SOS Chrétiens d’Orient, ne les abandonne pas en engageant de nombreux volontaires sur le terrain. Ils sont pilotés par leur chef de mission Corentin, qui fut un guide précieux pour les observateurs que nous étions. Ils mettent en place de l’aide alimentaire, de la formation professionnelle, des ateliers de couture, entretiennent un centre culturel franco-arménien à Goris, donnent des cours de français aux Arméniens, achètent des chalets pour que les agriculteurs puissent vendre leurs produits, fournissent des scanners à l’hôpital ainsi que du bétail aux familles pauvres. Cette jeunesse investie répare également les maisons en piteux état ou les toitures bombardées. Elle restaure notamment les églises, cibles privilégiées de la haine azerbaïdjanaise. On ne peut lister ici les nombreuses actions qui ont permis à l’association de nouer une relation de confiance avec les élus locaux et la population. Il me fallait saluer ceux qui sauvent l’honneur de notre pays en s’engageant à la sueur de leur front dans ce contexte de guerre. Si la France est encore dans le cœur des Arméniens, c’est aussi grâce au courage et aux actions de ces bénévoles de SOS Chrétiens d’Orient.

Inutile de préciser que ce fut un voyage fort en émotion et que ces émotions ne passeront pas tant que rien ne sera fait pour apporter des garanties de paix au peuple arménien. La France, fille aînée de l’Église, a un devoir de soutien envers cette nation éprouvée et son peuple qui demande seulement de vivre sur ses terres ancestrales sans en être chassé et sans voir son patrimoine méthodiquement détruit.

Par Stéphane Ravier, sénateur Reconquête ! des Bouches-du-Rhône le 6 octobre 2022

Boulevard Voltaire

jeudi 22 septembre 2022

L’Arménie est en danger de mort !



« Si personne n’agit, l’Arménie va disparaître. » Les mots de l’ambassadrice d’Arménie en France, Hasmik Tolmajian, sont forts et décrivent bien l’isolement de la République arménienne coincée entre les pinces de Bakou et Ankara et dépendante du bon vouloir russe.

À quelques pas de l’Assemblée, la conférence de presse animée par l’ambassadrice et le représentant en France du Haut-Karabagh, Hovhannès Guévorkian, est le réceptacle de cris d’alarme. Les organisateurs semblent encore sonnés par la retentissante défaite militaire de la guerre du Haut-Karabagh ayant ravagé la région entre septembre et novembre 2020. Une défaite coûteuse qui coûta à l’Arménie et à la petite république d’Artsakh pas moins de sept districts, 4.000 morts et 11.000 blessés. La raison de ce conflit ? La politique expansionniste du président azerbaïdjanais Aliev qui, non content de vouloir reconquérir l’intégralité de l’Artsakh, aurait désormais comme objectif principal la prise d’Erevan, capitale de la République arménienne.

« Il faut reconnaître au président Aliev une totale transparence quant à ses objectifs », constate amèrement l’ambassadrice d’Erevan. Il est vrai qu’il suffit de lire les quelques déclarations d’Ilham Aliev pour s’en rendre compte. « Les Arméniens n’ont ni conscience ni moralité. Ils n’ont même pas de cerveau », s’était-il exclamé, le 17 octobre 2020. « J’avais dit qu’on chasserait les Arméniens de nos terres comme des chiens, et nous l’avons fait » (10 novembre 2020).

Des propos inscrits dans la construction d’une identité nationale profondément arménophobe, un peu plus d’un siècle après le génocide arménien par les troupes turques. « Ce n'est pas juste une politique de haine et de violence, mais une politique froide, réfléchie, de nettoyage ethnique », alerte, pour sa part, Hovhannès Guévorkian, qui pointe les exactions commises par l’armée azérie sur les populations mais aussi sur le patrimoine. « Ils détruisent systématiquement les cimetières ; au fond, ils veulent détruire toute la mémoire arménienne des territoires qu’ils ont conquis. »

Un isolement total

Hélas pour l’Arménie, le récent rapprochement de l’Union européenne avec Bakou dans un contexte de recherche frénétique de gaz censé remplacer celui dont nous privent les sanctions contre la Russie, ajouté à l’enfoncement de cette dernière en Ukraine, a considérablement affaibli une Arménie qui ne peut plus se contenter de soutiens et de pensées. « Nous n’avons aucune profondeur stratégique », admet l’ambassadrice. En d’autres termes, l’Arménie n’aura ni les moyens ni les capacités de battre l’Azerbaïdjan et son allié turc. Symbole cruel de cette défaite, la République d’Arménie n’est plus en mesure de protéger sa sœur de l’Artsakh, une mission dont s’acquitte aujourd’hui l’armée russe. Mais un dispositif qui ne garantit pas la protection du territoire arménien, récemment agressé par une armée azérie violant sans peine un cessez-le-feu fragile, sinon inexistant. 

Du côté d’Erevan, on se rassure en lisant les dernières prises de parole du président Joe Biden qui a déclaré, aujourd’hui, à New York, que les États-Unis soutiendraient la sécurité de l'Arménie. « Mais si Trump est réélu, les USA risquent de laisser la Turquie faire ce qu’elle veut », soupire un journaliste arménien, faisant allusion à la politique non interventionniste du mandat de Donald Trump qui avait avantagé l’expansionnisme turc. En tout cas, les intervenants ne se font aucune illusion : la survie ne dépendra pas d’un agenda géopolitique mais plutôt d’une obligation morale et éthique de la communauté internationale. Dieu sait que c’est mince.

Par Marc Eynaud le 22 septembre 2022

Boulevard Voltaire


"Macron, c'est le gars qui rumine sa crise d'adolescence prépubère depuis 25 ans !" - Nicolas Vidal sur Radio Courtoisie le 22 septembre 2022

vendredi 16 septembre 2022

Laurent Leylekian : « L’objectif, c’est la destruction totale de l’Arménie, c’est un projet génocidaire »



Consultant en géopolitique, spécialiste de l'Asie Mineure et du Caucase, Laurent Leylekian analyse à notre micro l'agression de l'Azerbaïdjan à l'encontre de l'Arménie. La petite république du Caucase pèse bien peu face aux grands enjeux géopolitiques autour du gaz azéri, de la politique russe et de l'Union européenne.

Marc Eynaud. Des affrontements ont éclaté à la frontière de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan. Que se passe-t-il ?

Laurent Leylekian. Cette fois-ci, il s’agit d’une attaque de l’Azerbaïdjan sur le territoire de l’Arménie, dans la région du Syunik, qui relie l’Arménie à l’Iran. Cette région est vue comme un obstacle par l’Azerbaïdjan, dans sa volonté impérialiste de connecter son territoire principal à l’enclave du Nakhitchevan collée entre la frontière turque, iranienne et arménienne.

M. E. Le territoire arménien a été attaqué par l’Azerbaïdjan…

L. L. Oui, et cela montre bien que l’Artsakh n’était qu’un prétexte. L’Azerbaïdjan visait, dans un premier temps, l’Artsakh et, à terme, l’intégralité du territoire arménien, Aliev lui-même le dit, il a des ambitions sur quasiment tout le territoire arménien et même Erevan. La logique est inversée. On pouvait penser que l’Arménie protégeait l’Artsakh ; en fait, on voit que c'est le contraire puisque avec la chute de l’Artsakh, l’Arménie est attaquée.

M. E. Le Premier ministre arménien a annoncé qu’il était prêt à négocier pour la paix. On a l’impression que l’Arménie dépose les armes rapidement...

L. L. Le Premier ministre Pachinian a déclaré devant l’Assemblée nationale qu’il était prêt à reconnaître la souveraineté de l’Azerbaïdjan et de l’intégrité territoriale azerbaïdjanaise contre la paix. Quelques instants après, devant la pression de la population, il a dit le contraire et que que rien n’avait été signé. Pachinian a une attitude plutôt populiste, cela correspond à une vision des choses libérale selon laquelle faire des concessions et échanger avec le pays voisin ramènera la paix. Or, les simples faits démentent cette vision. Quelles que soient les concessions que fait l’Arménie, elle n’en fera jamais assez puisque, en face, l’objectif est la destruction totale de l’Arménie, un projet génocidaire. 

C’est la volonté de la poursuite du génocide de 1915, prorogé cette fois par l’Azerbaïdjan. D’ailleurs, le 30 août, il y a eu un rapport de l’ dénonçant les actions de l’Azerbaïdjan contre tout ce qui est arménien. Nous ne sommes pas, là, dans une affaire purement territoriale. Chaque fois que l’Azerbaïdjan avance, c’est une épuration ethnique. Il n’y a plus d’Arméniens sous occupation azerbaïdjanaise. Les gens, les monuments et les églises sont détruits. C’est une éradication.

M. E. Comment se situe la Russie, dans ce conflit ? On a l'impression qu'elle est inaudible.

L. L. Il y a plusieurs raisons à l’absence de soutien à l’Arménie. L’Arménie est censée être un allié stratégique de la Russie. Mais au début de la guerre avec l’Ukraine, l’Azerbaïdjan a signé des accords de partenariat stratégique avec la Russie. L’équation, pour la Russie, est la suivante. Il y a trois facteurs. L’Arménie est pieds et points liés à la Russie, donc elle n’a plus grand-chose à négocier. Elle est totalement inféodée à la Russie. L’Azerbaïdjan est aussi inféodé à la Russie, mais Aliev a une marge de manœuvre plus grande. Il peut également jouer avec l’influence turque. S’il disparaît, ce serait un risque pour la Russie puisque l’influence turque se renforcerait. Aliev est le plus russophile au sein des élites azerbaïdjanaises. Il peut négocier les choses entre la Turquie et la Russie.

Troisième facteur, Pachinian lui-même, aux yeux des Russes, fait partie du problème car il a une vision libérale, occidentale des choses. Son entourage a été formé dans des universités américaines et quoi qu’il fasse, il sera vu par les Russes comme un homme pas fiable.

M. E. Quel rôle joue l' dans ce conflit ?

L. L. Les démocraties occidentales disent défendre les droits de l’homme et la démocratie, mais en pratique, l' préfère la dictature azerbaïdjanaise pour des raisons d’intérêt. C’est un message dévastateur dans le monde entier pour tous les États qui ne sont pas très démocratiques. Ils se disent : « La démocratie pour quoi faire ? », c’est bien triste. Vu par la Russie, le conflit est le meilleur moyen de maintenir son influence. Elle n’a pas d’intérêt pour l’Azerbaïdjan ou pour l’Arménie, elle a un intérêt pour le conflit car le maintien du conflit, c’est le maintien de sa présence.

Entretien réalisé par Marc Eynaud le 16 septembre 2022

Boulevard Voltaire