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mercredi 30 novembre 2022

Muselier rejoint Renaissance : « Bon débarras ! »



Lundi soir, Renaud Muselier siégeait donc au bureau exécutif de Renaissance à Paris, présidé par Richard Ferrand, aux côtés de Stéphane Séjourné, Aurore Bergé, Darmanin, Montchalin, Dussopt, Keller, Riester et autres macroniens passionnés et fidèles depuis des années. Il a plongé après une longue carrière consacrée à la droite, des déclarations à l’emporte-pièce comme s’il en pleuvait, des protestations de fidélité innombrables… Mais, pour le carriériste aveugle, tout passe. Et comme disait le regretté Edgar Faure, « Ce n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent ». Le vent a tourné. Renaissance, l’ex-LREM ? « C’est le seul parti raisonnable », explique Muselier à Nice-Matin.

Le choix de Muselier, président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, n’aura surpris personne. C’est l’aboutissement d’un cheminement, comme on le dit des grandes conversions. En l’occurrence, l’aboutissement de l’abandon des dernières convictions du personnage au profit de son intérêt personnel et électoral. Il avait à peine surpris, Renaud Muselier, lorsqu’il avait quitté les Républicains en novembre 2021. Il avait surpris moins encore lorsqu’il avait appelé à voter Macron lors de l’élection présidentielle en février. Comme la candidate LR au soir du premier tour.

Sa décision n’a de quoi sidérer personne, et pourtant, ses anciens amis LR ne le ménagent pas. À l’image de Retailleau : « Voir Renaud Muselier siéger au bureau politique de Renaissance au milieu d’un parterre d’anciens socialistes me fait de la peine pour lui. »

Ou de son ancien compagnon de route, comme on disait au PC, Éric Ciotti, qui tire à vue : « Le mot traître a un nouveau synonyme : Muselier […] Méprisable et ridicule », exécute celui qui a de bonnes chances de prendre la présidence du parti des Républicains.

Les deux hommes ont pourtant été proches longtemps. Ciotti a contribué à faire élire Muselier à la tête de la région. Une nouvelle fois confronté à ses démons tentateurs, ceux de la gamelle macroniste, LR veut tourner la page. « Bon débarras », exécute l’ancien député Bernard Carayon, homme de droite et soutien de Ciotti, qui connaît Muselier depuis plusieurs décennies. À BV, Carayon confie : « C’était un jeune homme sympathique et doué qui a grandi dans l’ombre de Jean-Claude Gaudin [l’ancien maire de Marseille, NDLR], mais il aime trop le confort et pas assez le combat. C’était prévisible. À chaque fois qu’il recevait le président de la République, c’était en grande pompe. Il a voulu sauver sa peau et ménager sa clientèle. Mais la politique, ce n’est pas le commerce. » Pour les cadres de LR, ce mouvement ne change rien à la course qui oppose Ciotti, Retailleau et Pradié pour le fauteuil de président du parti.

Mais ce transfert attendu révèle une fois encore l’inconfort extrême et l’ambiguïté consubstantielle d’une partie de cette droite qui fut en réalité macroniste avant Macron et se laissa dévorer peu à peu par le macronisme… d’après Macron. Certains de ses caciques font carrière depuis des années au sein du gouvernement, comme Bruno Le Maire ou Gérald Darmanin. Et Sarkozy soutient désormais au grand jour son ami Macron. La droite de Ciotti, de Wauquiez et de Retailleau aura fort à faire pour se débarrasser du vieux piège usé, rouillé, couinant, si commode pour les démolisseurs du pays, ce piège grossier de « l’alliance avec l’extrême droite ».

Une rengaine reprise une fois encore par Muselier. La droite doit choisir, explique Muselier dans un court texte, entre « l’addition des raisonnables avec une culture de gouvernement », soit ceux qui ont jeté la France dans le mur avec application, et « l’union des droites extrêmes, sur fond de populisme, de nostalgie ou de peur ». La baudruche de carnaval de l’antiracisme ressort lorsqu’il s’agit de laisser la France aux mains du mondialisme destructeur. Mais derrière les grands mots perce le souci du carriériste : « Perdre trois présidentielles, passer de 350 députés à 60 et ne plus tenir aucune ville de 100.000 habitants aurait dû calmer les stratèges du repli sur soi », explique Muselier. Le mot est lancé. Sa stratégie, c’est donc celle de la soumission au plus fort. Celle des compromissions. « La survie de la droite française en dépend, sinon elle se dissoudra dans le Rassemblement national », écrit-il. Tout sauf l’intérêt de la France et des Français… Sur le fond, il n'a pas tort. À droite, il faudra bien s'allier, disparaître ou trahir...

Mais voilà, Muselier fait ce choix honteux à un drôle de moment. Précisément au moment où le macronisme faiblit, perd son assiette. Les Français ouvrent les yeux, le Président n’est plus soutenu que par un Français sur trois. Les mécontents culminent à 62 %.

Muselier rejoint le confort du navire amiral au moment précis où il commence à prendre l’eau, quand la réalité des faits, la réalité de la crise migratoire, énergétique, scolaire, crise de la dette, du pouvoir d’achat, crise sanitaire, crise sociale, crise industrielle, crise agricole, où cette réalité déchire le voile de baratin, d’assurance et de mondialisme aveugle qui font la colonne vertébrale du macronisme. Ce geste quasi suicidaire est celui d’un homme dos au mur, assis sur un socle électoral de droite qu’il a trahi. Il sait que toute trahison se paie un jour. Il ne lui reste plus qu’à espérer un maroquin. À tenter le coup de la séduction auprès du prince qu’il combattait hier. Avec ce transfuge, la droite patriote, celle de Le Pen et de Zemmour, la droite réaliste depuis si longtemps, a encore gagné quelques points. 

Il reste à Muselier à vivre avec le supplice de Caïn si bien décrit par Victor Hugo, celui de la conscience : « Quand il se fut assis sur sa chaise dans l'ombre et qu'on eut sur son front fermé le souterrain, l'œil était dans la tombe et regardait Caïn. »

Par Marc Baudriller le 30 novembre 2022

Boulevard Voltaire