France-Liban : une amitié historique qui oblige
La France et le Liban entretiennent un lien ancien et ininterrompu depuis la charte du 24 mai 1250 dans laquelle Saint-Louis se proclame protecteur des chrétiens maronites. Ce lien fut renforcé au XIXe siècle lorsque la France intervint pour faire cesser les affrontements entre Druzes et Maronites et connaît même son apogée au lendemain de la Première guerre mondiale lorsque le Liban fut « sous mandat français », c’est-à-dire une forme de protectorat français au Moyen-Orient.
En tant que parlementaire, français et chrétien, il me semble naturel et impérieux d’entretenir et de consolider l’amitié avec le Liban en y rencontrant notamment les acteurs institutionnels et religieux ainsi bien-sûr que les dirigeants et députés des partis politiques (Courant patriotique libre, Kataeb et Forces Libanaises).
J’ai également pu longuement m’entretenir avec le président de la République sortant, le général Michel Aoun. Son mandat s’est achevé il y a déjà plusieurs mois maintenant mais il n’a toujours pas de successeur. Une vacance qui illustre, sinon l’instabilité, du moins l’incertitude politique qui frappe le pays.
Un pays en crise(s)
Le pays du cèdre subit une grave crise économique depuis plusieurs années, aggravée par l’explosion du port de Beyrouth en 2020, mais, surtout, le pays fait face à une arrivée massive de déplacés syriens depuis 2013.
Ils sont à présent plus de deux millions dans un pays qui compte à peine quatre millions de Libanais ! Certains sont arrivés pendant la guerre, mais beaucoup d’autres sont arrivés bien après et continuent d’affluer. Ces déplacés représentent désormais plus du tiers de la population actuelle du Liban et ce chiffre s’accroît quotidiennement en raison des nombreuses naissances dans les camps et villages qu’ils occupent.
Les organisations internationales (l’ONU via le HCR) mais aussi l’Union européenne et de nombreuses ONG sont présentes sur place, et apportent des aides financières et matérielles aux Syriens ce qui incite ceux qui sont au Liban à y rester et pousse ceux qui n’y sont pas encore à y venir. Cette politique qui vise à fixer durablement les populations syriennes au Liban est totalement irresponsable et dangereuse.
Il en résulte en effet un Liban asphyxié dont les services publics, sociaux, scolaires et sanitaires sont saturés, dont les infrastructures sont insuffisantes et les ressources énergétiques en pénurie.
Cette grave crise migratoire atteint même l’équilibre religieux du pays. Les chrétiens sont de moins en moins nombreux, représentant sans doute à peine 25% de la population. Pire, ils sont déclassés et les aides apportées par les ONG vont prioritairement aux déplacés syriens.
Rien ne justifie aujourd’hui le maintien de ces déplacés sur le sol libanais : à l’exception du secteur d’Idlib au nord du pays, la Syrie n’est plus en guerre. Les aides internationales, humanitaires et caritatives doivent donc y être déployées pour faciliter le retour des déplacés sur leur terre natale. La politique actuellement menée aboutit à déraciner deux peuples : des Syriens entassés dans un territoire libanais exigu sans perspective d’un avenir meilleur, et des Libanais dépossédés de leur propre pays après tant d’épreuves et de guerres qui les ont meurtris ces dernières décennies.
Entraide et solidarité entre chrétiens d’Orient et d’Occident
J’ai pu échanger avec des représentants d’associations sur place qui viennent spécifiquement en aide aux chrétiens. Parmi elles, SOS Chrétiens d’Orient qui intervient pour les aider à vivre dignement. Les bénévoles réalisent ici un travail admirable. Ils incarnent cette belle jeunesse française engagée qui refuse de céder à la fatalité et qui se bat, concrètement et humblement, pour préserver le berceau de notre civilisation.
Les Libanais ne peuvent hélas plus se contenter d’aides d’urgence. Des solutions pérennes doivent être trouvées pour leur permettre de vivre décemment sur leur terre.
L’urgence de rétablir le dialogue avec la Syrie
Il est temps que l’Union européenne mette fin aux sanctions économiques contre la Syrie (qui touchent en réalité davantage la population que le pouvoir) et que nous privilégions à nouveau la voie diplomatique avec le gouvernement de Damas. Il est en effet illusoire de penser que le retour des Syriens puisse avoir lieu dans des conditions humaines satisfaisantes sans un rétablissement des liens politiques avec la Syrie.
L’Europe et la France ne peuvent détourner le regard et doivent prendre part à ce processus d’apaisement. Nous le devons aux Libanais au nom de l’amitié historique qui unit nos pays bien-sûr, mais n’oublions pas aussi que l’instabilité du Liban aurait des répercussions sur l’ensemble de la région et conduirait à des flux migratoires massifs qui atteindraient nécessairement le continent européen.
Par Nicolas Bay, Vice-Président de R! le 27 septembre 2023