Rarement une rentrée scolaire aura été aussi incertaine. Aux contraintes habituelles auxquelles les chefs d'établissement sont confrontés (confection des services, emplois du temps, répartition des élèves, professeurs non encore nommés...), s'ajoutent, cette année, de nouvelles réformes, notamment au collège, et une singularité peu commune : la rentrée pourrait bien se dérouler sans ministre de l'Éducation nationale.
Sans doute Nicole Belloubet expédie-t-elle les « affaires courantes », elle va même tenir, le 27 août, à 10 heures, une conférence de presse de rentrée. Avec quelle légitimité, peut-on se demander, puisqu'elle fait partie d'un gouvernement démissionnaire et qu'elle fera ses valises dans quelques jours, quand Emmanuel Macron se sera enfin décidé à nommer un nouveau Premier ministre. Alors qu'ils ont été fortement désavoués aux élections législatives, Macron et sa clique continuent de jouer la comédie du pouvoir.
Selon Libération, « à une semaine de la rentrée scolaire, les chefs d'établissement sont en souffrance ». Et ils ne sont pas les seuls ! Les professeurs, les parents, les élèves ne savent pas à quelle sauce ils seront mangés. Le fameux « choc des savoirs », décidé par Gabriel Attal, doit en principe s'appliquer, mais on ne sait exactement sous quelle forme. Les « groupes de besoins » au collège sont censés être mis en place, mais les moyens horaires n'ont pas suivi et les chefs d'établissement ont dû se débrouiller comme ils pouvaient, déshabillant Pierre pour habiller Paul, rognant sur les options et les langues anciennes. Sans compter le risque d'emplois du temps démentiels pour les élèves comme pour les professeurs.
La réforme de la formation initiale et du recrutement, elle, est restée en suspens. Figurez-vous que, pour rendre le métier plus attractif, Macron avait lancé l'idée géniale de recruter les professeurs des écoles, des collèges et des lycées en troisième année de licence. Cette réforme, Nicole Belloubet n'a pas osé la promulguer avant la démission du gouvernement. Ce serait la faute à Bruno Le Maire ! Le décret était tout prêt, mais le ministre de l’Économie aurait refusé de le signer, compte tenu du coût financier de son application. Le 17 juillet, sur RMC, le squatteur de la rue de Grenelle avait dit regretter que cette réforme n'ait pas pu « aller jusqu'à son terme ». Comme si on pouvait rehausser le niveau de l'enseignement en diminuant les exigences disciplinaires !
On ne se plaindra pas de cet ajournement, bien sûr, mais ces tergiversations provoquent des dommages collatéraux. Les nouveaux ministres chargés de l'Education et de l'enseignement supérieur seront-ils d'accord pour poursuivre une réforme quasi unanimement contestée ? S'inscriront-ils dans le courant antérieur ou choisiront-ils une autre voie ? En attendant, les universités, qui avaient dû modifier précipitamment leurs maquettes pour s'adapter aux nouvelles modalités de la formation, ne savent pas, à ce jour, ce qui les attend. Il faudra sans doute improviser. Les inscriptions aux concours de recrutement ont traditionnellement lieu en octobre : encore faudrait-il savoir quels seront ces concours et où ils se situeront dans le parcours des étudiants.
Bref, dans l'enseignement comme dans les autres domaines, on n'est pas sorti de l'auberge. Force est de constater que Macron, qui se présente comme le parti de l'ordre et de la raison, a semé une belle pagaille. On saura bientôt quelles leçons il a tirées des derniers scrutins électoraux, mais il est à parier qu'il n'en tirera aucune, tant il est imbu de lui-même et croit avoir raison contre tous.
Le président de la République joue avec la démocratie comme avec un hochet, les Français trinquent.
Par Philippe Kerlouan le 26 août 2024