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jeudi 4 janvier 2024

Beatrice Venezi conspuée à l’opéra de Nice, ou le fascisme des antifascistes



Lors du concert gratuit du Nouvel An donné à l’Opéra de Nice, le chef d’orchestre italien Beatrice Venezi a essuyé quelques lazzis. Ce n’était évidemment pas sa direction d’orchestre dans l’exécution de valses viennoises qui était en cause : au cri de « Pas de fascistes à l’opéra, pas d’opéra pour les fascistes », une poignée de militants ont ressorti de la naphtaline des slogans des années 1980 et tenté d’importer à l’opéra le petit théâtre antifasciste.

Quelques jours auparavant, une cinquantaine de militants de la CGT s’était élevés contre la venue de la belle musicienne italienne pour le concert de Noël, concert qui fut un vif succès. Sachons gré au directeur général de l’Opéra de Nice, Bertrand Rossi, d’avoir maintenu ces deux représentations malgré la pression de la gauche : « En tant qu'institution culturelle, notre rôle est de favoriser la libre expression artistique et de créer un environnement où chacun peut se sentir à l'aise et respecté, indépendamment de ses affiliations politiques », expliquait-il sur Radio France.

En avril, déjà, à Limoges, une poignée de militants dits « antifascistes » s’était opposés à la venue de Beatrice Venezi, véritable star internationale de la musique classique et de la direction d’orchestre : « Nous sommes là pour interpeller la profession, les personnes qui vont au spectacle, mais aussi la mairie qui doit prendre ses responsabilités lors de la venue de ce type de personnalité, expliquait Cyril Cognéras, ancien conseiller municipal de Limoges et responsable associatif. Nous devons défendre la démocratie. »

Beatrice Venezi, un danger pour la démocratie ?

Elle a l’immense tort d’être une artiste classée à droite, avec des opinions résolument conservatrices. Elle est la fille de Gabriele Venezi, très actif dans le parti post-fasciste Forza Nuova. Qu’en dit-elle ? Dans un entretien accordé au journal conservateur Il Secolo d’Italia, elle remercie son père de lui avoir transmis « le sens critique ». Elle poursuit : « Dans notre famille, nous avons tous toujours été amoureux de l’art et de la culture, avec une grande curiosité. Bref, l’exact contraire de ce qui est décrit aujourd’hui comme "fascisme". »

Beatrice Venizi est aujourd’hui, entre autres activités, conseillère du ministre de la Culture italien Gennaro Sangiuliano pour la musique et directrice artistique de la fondation Taormina Arte au théâtre antique de Taormina. Elle a, par ailleurs, occupé le poste de chef d’orchestre invité principal de l'Orchestra della Toscana, elle fut chef d’orchestre principal de l’Orchestra Milano Classica et chef invité principal du Festival Puccini à Torre del Lago.

Cumulant distinctions et reconnaissances mondiales, le jeune chef d’orchestre qui refuse la féminisation de son titre - elle rêve d’être appelée Maestro ! - a également été membre du Groupe de consultation des femmes du Conseil pontifical pour la culture de 2019 à 2022.

Un grave danger pour la démocratie

Ce que ne supportent pas nos gauchistes de sous-préfecture, c’est, bien plus que le parcours brillant d’une artiste de droite, de voir l’hégémonie culturelle de la gauche vaciller - au moins un peu. S’exprimant quelques mois avant les élections italiennes, Beatrice Venizi affirmait : « Il y a un grand travail à accomplir dans notre pays […], surtout du point de vue culturel : remettre la culture au centre et faire en sorte que la culture soit vue par la politique comme un atout très important pour notre pays. »

Et tandis qu’on l’interroge sur les valeurs qu’elle revendique publiquement (Dieu, famille, patrie), elle répond sans faux-semblant : « Ce n’est pas un slogan, ce sont des valeurs à la base de toutes les sociétés qui ont une orientation conservatrice, je ne vois rien de fasciste à dire que j’aime ma patrie, que j’aime viscéralement l’Italie et que j’aimerais qu’elle soit reconnue dans le monde pour la grande valeur qu’elle a et pas seulement pour des phénomènes négatifs. Les politiciens italiens eux-mêmes devraient tout faire pour ramener notre pays aux splendeurs antiques. »

La beauté comme programme, la transmission pour objectif, voilà le péril dénoncé par les paladins de l’intolérance antifasciste. Comme le dit dit justement Alessandro Gnocchi dans les colonnes d’Il Giornale : « Derrière cette fausse bataille idéologique, il n’y a que la vraie peur de perdre de l’influence, donc des places et du pouvoir, dans tous les secteurs de la culture. » Avec cette pantomime de l’antifascisme, « nous sommes dans une parodie grotesque du tragique XXe siècle », conclut Gnocchi.

Par Marie d'Armagnac le 3 janvier 2024

Boulevard Voltaire

jeudi 10 novembre 2022

L’attitude de blocage de la CGT nous rappelle l’impérieuse nécessité de réformer le syndicalisme français

 

C’est une actualité dont les Français se seraient bien passés. Alors que notre pays fait face à une grave crise énergétique, doublée d’un risque de récession, un autre choc, résultant d’une volonté délibérée, est venu encore aggraver les difficultés des Français ; pour une fois ce n’est pas l’incompétence du gouvernement qui est en cause. La grève préventive engagée à l’initiative de la CGT révèle, une fois de plus, un pouvoir de nuisance inversement proportionnel à sa représentativité. Une centaine de grévistes ont suffi à limiter l’approvisionnement en carburant de l’ensemble du pays.

En instrumentalisant une controverse sur les « superprofits », la CGT s’est de facto positionnée en tant que profiteuse de guerre, son pouvoir de négociation étant évidemment décuplée par les crises en cours ; nous la savons coutumière du fait… On se souvient des nombreuses grèves au sein de la SNCF, opinément positionnées avant les départs en vacances ou encore la façon dont la CGT Dockers mine la compétitivité du port du Havre par des opérations « port mort » et dont les motifs sont parfois sans rapport avec leur métier, comme l’exigence en 2020, du retrait de la réforme des retraites.

La radicalité devient alors un moyen d’exister politiquement et médiatiquement pour faire oublier leur déficit de représentativité auprès des salariés.

Ce chantage syndical et ces blocages sont d’autant plus inacceptables que moins d’un salarié du privé sur dix est syndiqué, soit le taux le plus faible des pays riches de l’OCDE. En 70 ans, le nombre de syndiqués a chuté de plus de 70%.

À cela, ajoutons qu’environ les deux tiers des salariés du privé, 12 millions, travaillent dans des déserts syndicaux, tandis que le noyau militant et sociologique du syndicalisme français contemporain est constitué des salariés ayant un statut particulier et travaillant dans des grandes entreprises nationales (SNCF, EDF, GDF, RATP, Aéroports de Paris, Arsenaux…), des agents des fonctions publiques d’Etat et territoriale ou encore des salariés des sociétés d’économie mixte. En clair, ce sont avant tout les catégories de salariés les plus protégées qui constituent l’essentiel des militants syndicaux.

Tout naturellement, leurs préoccupations et leur vision du monde imprègnent l’ensemble du mouvement syndical. Ainsi, la CGT préfère par exemple défendre la régularisation des sans-papiers plutôt que de lutter contre le chômage et pour le plein emploi. Non contents d’abandonner les chômeurs qui ne sont ni adhérents ni une clientèle rentable, la CGT alimente le dumping social en défendant les sans-papiers dont la venue sur le sol français fait pression à la baisse sur les salaires des salariés. Mais après tout dans leur esprit, il ne s’agit que des salariés du privé…

Cette situation nuit profondément à la qualité du dialogue social de terrain : les négociations s’en trouvent déséquilibrées et les accords passés ont une moindre légitimité. Pas surprenant que, dans ces conditions, près de 6 Français sur 10 considèrent que les syndicats de salariés sont davantage un élément de blocage que de dialogue.

Cette situation interroge d’autant plus que les syndicats disposent en France d’un pouvoir considérable au travers du paritarisme qui leur permet de participer à la gestion des caisses de sécurité sociale, des retraites ou encore des allocations chômage. Est-il normal que la protection sociale, publique ou privée, soit assise sur le paritarisme, qui est de moins en moins représentatif, alors que son poids économique constitue plus du double de celui de l’État qui, lui, repose sur la représentation nationale ?

Cette situation est encore aggravée par le fait que les syndicats de salariés ne sont que très minoritairement financés par les cotisations de leurs adhérents, la plupart de leur fonds provenant des subventions publiques massives et des contributions obligatoires payées par les entreprises ; c’est d’ailleurs bien là qu’est le scandale.

En 2020, ce sont plus de 81,5 millions d’euros qui leur ont ainsi été versés par ce biais. De cette manne financière colossale, la seule CGT a reçu 18,1 millions d’euros. Ce modèle de financement massif des syndicats par le contribuable et les contributions des entreprises est une exception française en Europe. En effet, là où les adhésions représentent près de 80% des ressources des syndicats dans certains pays, en France elles ne pèsent que pour moins d’un tiers  du financement des organisations syndicales comme la CGT ou FO. Et c’est sans compter sur la manne issue de la gestion de la formation professionnelle, dont l’attribution est particulièrement opaque et qui pourrait représenter 10% du budget des grandes centrales syndicales.

Ce déséquilibre et cette opacité budgétaire, mis en lumière par le rapport Perruchot en 2011, en font des rentiers, plutôt que des outils au service de l’intérêt collectif des salariés, à qui ils n’estiment la plupart du temps n’avoir aucun compte à rendre.

L’intérêt des salariés est donc de moins en moins le moteur de l’action syndicale, mais un prétexte, un marche pied, pour défendre un agenda politique et non syndical. On peine en ce sens à comprendre l’hommage rendu par Philippe Martinez, Président de la CGT, à Yasser Arafat ces dernières semaines. Quel est le rapport avec le syndicalisme ? Les salariés français ont-ils voté pour cela ?

Dès lors, l’objectif le plus immédiat est de réduire drastiquement les sources de financement hors adhésions aux syndicats. Un syndicat doit pouvoir subvenir seul à ses besoins en se finançant grâce à l’adhésion qu’il suscite chez ceux qu’il aspire à représenter. L’indépendance est aussi à ce prix.

En outre, une réforme syndicale digne de ce nom doit rechercher davantage de pluralisme afin de ne plus laisser la place principale à quelques bastions ultra-politisés, une autre regrettable spécificité française.

Pour cela, il faut revenir sur le monopole dont disposent les syndicats représentatifs au premier tour des élections professionnelles. En l’absence de candidats syndiqués, c’est uniquement au second tour que les salariés retrouvent une véritable liberté de choix, avec la possibilité pour des salariés non syndiqués de se déclarer candidat. Dans nombres d’entreprises, la mise en concurrence avec de nouvelles listes permettra une émulation salutaire, une meilleure prise en compte des besoins du terrain, voire l’apparition de nouveaux syndicats plus représentatifs.

Nous devons également obliger les responsables syndicaux à maintenir une activité de salarié, pour éviter la multiplication des apparatchiks syndicaux et afin qu’ils conservent le contact avec le terrain. Il pourrait être envisagé en ce sens de diminuer les heures de délégations dans certaines situations, d’élargir le non-cumul des mandats et de limiter les mandats successifs à deux pour une même personne.

Enfin, pour compenser la perte de la manne non issue des adhésions, la généralisation du chèque syndical au-delà d’un certain seuil d’effectif pourrait être une piste. Il s‘agit d’une somme qu’une entreprise alloue chaque année à ses salariés pour qu’ils puissent avoir le choix d’adhérer ou pas à un syndicat et qui, si elle n’est pas utilisée, retourne dans les caisses de l’entreprise.

Toujours dans l’esprit d’inciter davantage les salariés à s’impliquer dans le dialogue social, il pourrait être imaginé d’importer un modèle pratiqué dans certains pays étrangers : à savoir, que les décisions obtenues à l’issue des négociations ne s’appliquent qu’aux salariés syndiqués et non à l’ensemble des salariés. De cette façon, les syndicats seront incités à négocier des accords gagnant-gagnant, plutôt que d’adopter des postures idéologiques et de faire le choix du blocage par principe. En outre, les salariés trouveraient un véritable intérêt à adhérer.

Une économie ne peut fonctionner sans un dialogue social constructif. Trop souvent en France, les syndicats contribuent à jouer sur les oppositions : employés contre chefs d’entreprise, ou encore actionnaires contre salariés. Pourtant, ces catégories n’ont pas  vocation à s’opposer mais ont, au contraire, un intérêt commun à ce que l’entreprise réussisse.

Pour briser la culture syndicale contestataire et contre-productive, il est impératif que les travailleurs français réinvestissent le champ syndical dans un système réformé, indépendant et pluraliste.

Par Marion Maréchal, vice-présidente de Reconquête ! le 10 novembre 2022

Marion Maréchal