Et le vainqueur est…l’indésirable RN.
Le monde politique finissant voulait écarter ce parti trop populaire, en abusant de petits arrangements entre amis. Mais les réalités électorales sont têtues : elles viennent de le consacrer dans son rôle le plus confortable : celui d’arbitre suprême. Le RN n’aura pas même à se colleter avec la situation budgétaire calamiteuse créée par Emmanuel Macron, sinon pour abaisser le pouce quand il lui plaira. La nomination de Michel Barnier comme premier ministre, jeudi, n’a été rendue possible qu’après l’agrément du premier parti de France et l’échec de la tentative de putsch du Nouveau Front Populaire.
Cette dernière formation – assemblage brinquebalant de mélenchonistes, communistes, socialistes, écologistes – se disait partout victorieuse des législatives en dépit des 3 millions de voix qui la séparent du RN.
Samedi, à Paris, cette extrême gauche tonitruante n’a rassemblé que 26.000 manifestants pour protester contre la « trahison démocratique » représentée par la désignation de Barnier. Certes, ce dernier est assurément le produit d’une crise démocratique : son parti, les LR, n’aligne de 47 députés et n’avait pas atteint 5% lors de la dernière présidentielle. C’est un couple d’éclopés qui s’est formé in extremis entre Macron et Barnier, dont le nom était en réserve depuis juillet au moins. Mais cette nomination, fragile dans sa durée, amène à tirer deux premiers constats de décès : celui du macronisme, et celui du front républicain.
En effet, c’est en rupture avec le « nouveau monde » promu par Macron que Barnier s’est inscrit dès ses premiers mots, jeudi face à l’impétueux Gabriel Attal. Quant au cordon sanitaire, il s’est vite retourné contre LFI, son principal promoteur, aujourd’hui considéré comme « dangereux pour la démocratie » par 69% des sondés, soit une hausse de 12 points (Le Monde, 30 août).
Dans la cohabitation qui se dessine, il est un tabou qui pourrait aussi sauter : celui de l’impossible rapprochement entre Les Républicains de Laurent Wauquiez et le RN de Marine Le Pen. Si Barnier veut s’inscrire dans le temps et différer ainsi la possible démission du chef de l’Etat (mon blog du 4 septembre), il doit non seulement tourner la page du macronisme, mais mener une politique en adéquation avec les attentes de la vraie droite, dont 80% des électeurs ont rejoint le RN.
Les LR ont accepté in fine, en avalisant la nomination de Barnier, de revoir leur doctrine qui refusait toute collaboration avec Macron. Ils se sont ralliés au conseil de Nicolas Sarkozy, favorable à une participation gouvernementale. Mais LR se fourvoieraient s’ils devaient devenir la bouée de sauvetage d’un président dont les Français ne veulent plus. S’ils veulent continuer d’exister, les LR vont être contraints de se rapprocher du RN, afin de mener une politique qui lui soit acceptable et le dissuade d’utiliser la censure comme un couperet.
Les sujets liés à l’immigration, à l’insécurité, au poids bureaucratique, à l’endettement, à la proportionnelle sont autant de thèmes qui peuvent devenir des terrains d’entente entre les droites et préparer leurs dirigeants, prisonniers de leurs dogmes, à s’unir contre un système en faillite. Barnier, homme prudent, aura-t-il l’audace d’affronter le politiquement correct macronien, ses médias et leurs grands clercs ?
Samedi, il a consacré son premier déplacement à une visite de l’hôpital Necker, à Paris. L’occasion pour lui de placer la santé parmi ses priorités. Ce terrain est assurément consensuel. Mais c’est la France, malade de sa classe politique démissionnaire, qu’il s’agit de soigner.