Le jour où Dassault disparaîtra, je pleurerai. Jeune ingénieur chez Dassault Systèmes, son émanation, nous allions aux "zazas" déjeuner … Il y avait des photos, l’histoire industrielle de notre pays. Il y avait le récit, celle d’un homme, Marcel Bloch et de ses hommes et femmes qui ont fait rêver des enfants avec leurs machines d’acier … n’en déplaise à la maire de Poitiers.
Surtout, ça serait le passé. Le repli. Il faudrait "décarboner", "démétaliser", dériveter même ? Le français d’aujourd’hui doit être un citoyen "vert", retenu, immobile, consommateur raisonné, arraisonné comme un bateau-ivre ? Américanisé, digitalisé … uberisé. Les vols en jet privé, en Falcon, c’est irresponsable, la défense c’est diabolique, l’industrie c’est moche.
Tout ce qui est fumée … c’est le mal. Le vent c’est bien.
On dit qu’une entreprise ne vit que le temps de trois ou quatre générations humaines …
Le mariage forcé de Dassault avec les allemands, pour le projet Scaf, est calamiteux, politiquement avant tout. Comme Gaia-x l’est pour un cloud souverain européen !
Bref.
Mais parfois on tue une entreprise dès sa nécessité de la renommer avec un joli nom qui finit par un "a" ou avec un "n" nasal pour prendre un nom à consonnance anglo-saxonne afin de faire "international" … DCN devint Naval Group, France Telecom, Orange, GDF Suez, Engie , EDF découpée en Enedis, le GIAT devint Nexter … Avec le nom , le récit disparaît et l’absorption à venir passe mieux.
Et puis, il y a les sous-traitants car la financiarisation rend nécessaire de sécuriser une entreprise et de faire des économies d’échelles, de diminuer les risques par le recours à la délégation de service … de rentabiliser, de produire du dividende.
Exxelia, une société française, est actuellement menacée du rachat par les américains, Heico Corporation.
Alors, bien ou mal ?
Exxelia est déjà sous fonds britanniques. Elle est sans doute une brique de l’histoire électromécanique française qui subsiste. Elle est implantée à l’étranger aussi.
Cette société équipe nos Rafales et les Falcons de Dassault aviation, nos sous-marins et bâtiments de la marine, la fusée Ariane ...
Qu’un grand tycoon, magnat français, déjà internationalisé, hors-sol, rachète Exxellia n’y changerait pas grand-chose sans doute.
Comment protéger des filières d’exception et d’indépendance ? Quelle est notre stratégie nationale ou que n’est-elle pas plutôt ? Peut-être même qu’Exxellia est déjà dépendante de fournisseurs asiatiques pour ses matières premières : le monde est poupée … russe.
Pendant ce temps dans nos grandes écoles, comme Polytechnique, les lobbies agissent pour faire changer de cap nos jeunes élites qui dirigeront, ou pas, les grands établissements de l’état, dans le public ou dans le privé, les grandes entreprises … que ce soit l’énergie, l’automobile, l’aéronautique, le constat est le même, il faut muter, démonter, … Il y aura deux mondes : la sphère d’influence américaine, forte de ces entreprises leaders et décomplexées, la sphère "orientale" avec les équivalents avec une frontière bien loin de la France totalement astreinte au mondialisme atlantiste occidental.
Alors oui, nos financeurs Caisse des Dépôts – Bpifrance, des fonds français, pourraient-ils mettre les quelques millions nécessaires plutôt que de soupoudrer des startups qui ne rêvent que d’une seule chose, être rachetées par un GAFAM ? Ces deux organismes de l’état français pourraient-ils jouer leurs rôles souverains et patriotiques ? Le gros mot est lâché.
Photonis, fabricant d’équipement de vision nocturne, qui avait défrayé la chronique il y a trois ans, a échappé au rachat américain, par son entrée, en février 2021, dans un fond français nommé HLD, déjà investisseur dans MVG et Rafaut (renommé en Aresia), fournisseur du Rafale.
HLD a été fondée par un X-Mines, comme quoi, il existerait une rémanence et une résonnance particulière des grands corps de l’état … français …
Rêvons d’un tel sursaut inespéré pour Exxelia. Il nous reste quelques mois.