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vendredi 16 juin 2023

Quand Louis XIV prend le métro



En la circonstance, la campagne visée ici est à porter au (douteux) crédit du Musée de l’Histoire de l’Immigration. D’emblée, une question pointe son nez. Une nation fière de ce qu’elle est dirigée non pas par des élites confites en autoflagellation, mais par des guides confiants en eux-mêmes et dans les peuples qu’ils gouvernent, n’aurait-elle pas préféré se doter d’un musée, non pas de l’immigration, mais de l’identité, ou à tout le moins, pour ne froisser personne, de l’intégration. 

D’ailleurs, très vraisemblablement à « l’insu du plein gré » de ses promoteurs, c’est bel et bien cet axe-là qui se trouve mis en avant dans cette campagne. Venons-en à l’affiche. Elle représente Louis XIV en majesté, assorti de cette légende qui se voudrait explicative : « C’est fou tous ces étrangers qui ont fait l’histoire de France. » Étranger, le Roi-Soleil, né en France, le serait parce que sa mère était Espagnole et sa grand-mère Autrichienne. 

Soulignons quand même que l’Espagne n’est pas le Bénin, ni l’Autriche, l’Afghanistan. Passons. Rappelons aussi que le grand-père n’est autre qu’Henri IV, ce franchouillard mâtiné béarnais, trousseur de jupons et génie fondateur du rite de la poule au pot. Et le père, Louis XIII d’une moindre ardeur, dit-on, pour ce qui est de trousser. Le tempérament français est dans ce domaine aussi très riche en nuances.

Cela dit, acceptons un instant de délirer avec les grands inspirés dudit musée et voyons en Louis XIV un étranger. Étranger donc ce roi sous qui Colbert géra et réforma, Pascal pensa si puissamment et si loin, La Fontaine, Corneille, Molière, Racine, et tant d’autres créèrent, inventèrent, composèrent, exhaussant au plus haut l’art, l’esprit à la française, oui, faisons de ce roi un étranger. 

Alors, une seule évidence s’impose : quel magnifique exemple d’intégration ! Le summum de l’assimilation, parfaitement accomplie, aboutie. Merci, oh oui, merci aux gens du musée mentionné ci-dessus de livrer aux foules cette belle leçon ! Ainsi, un étranger, rejeton d’étrangères, peut devenir non seulement plus Français que Français, mais, infiniment mieux encore, il peut devenir la France ! La France rien de moins. La grande leçon est bien là : être Français, qu’on soit roi ou manant, c’est, au fond, « être la France ». Cela relève moins d’une affaire de génétique que d’âme, d’esprit et de cœur ! On connaît le poignant aveu de Romain Gary : «  Je n’ai pas une seule de goutte de sang français, mais la France coule dans mes veines. » 

Eh bien, c’est cela, avant tout, être français, avoir la France au cœur. Respirer France, penser France, rêver France. Au risque de nous répéter, sachons gré aux gens du Musée de l’Histoire de l’Immigration de mettre si bien en exergue une intégration si parfaitement achevée que celle de notre grand roi. Telle n’était pas leur intention initiale, sans doute, mais, comme dirait l’autre, on n’est jamais à l’abri d’un malentendu. Grâce à eux, on peut espérer que les paumés-camés de migrants de la station Porte de La Chapelle s’arrêteront devant l’affiche. Il ne leur restera plus alors qu’à suivre l’exemple. Malin, non ? 

On peut rêver… Et on en viendrait presque à ne pas trop regretter que tout cela se fasse, comme d’usage, avec nos sous.

Par Dominique Labarrière le 16 juin 2023

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