On ne sort de l’ambiguïté qu’à ses dépens, dit le proverbe mais ce n'est pas vrai pour LR... Le parti n’en finit plus de payer le prix de ses ambiguïtés et de ses flottements actuels et passés, assortis de psychodrames et de brouilles publiques. Dernière victime en date, Aurélien Pradié, dont les dents rayent efficacement le parquet du siège de LR depuis des mois, démarre la semaine délesté de sa casquette de vice-président. Les applaudissements des députés de… la NUPES, qui se sont levés à l’Assemblée nationale ce 18 février, ont fait déborder le vase Pradié déjà bien plein et fulminer le président Ciotti, chargé de garder les brebis LR au bercail.
Lourde tâche. L’ancien député Bernard Carayon, joint par BV, rappelle un mot de Clemenceau : « Quand je me fais applaudir par mes adversaires, je sais que j’ai dit une connerie. » En virant Pradié des instances du parti, Ciotti tente de simplifier et d'assainir la ligne du parti. « LR conserve les valeurs de la droite, c’est le parti du travail, de la responsabilité sociale contre la démagogie, de l’ordre contre le désordre », rappelle Bernard Carayon. Tant pis pour ceux qui s'y opposent.
Mais voilà, cette mini-purge suffira-t-elle ? Car le désordre s’accroche. Ce psychodrame risque de brouiller encore un peu les cartes. Orgueilleux, ingérable, assoiffé de médias et de lumière, Pradié, arrivé troisième lors de la désignation du président de LR, avait insisté auprès de Ciotti pour être nommé numéro deux. Cette alliance d’une ligne conservatrice et d’une ligne progressiste avait surpris et agacé le camp plus conservateur de LR. Cela sentait la paix précaire et les concessions lâchées pour faire une fin. Pradié partageait jusqu’ici son banc de numéro deux du parti avec François-Xavier Bellamy, proche de Retailleau. À Éric Ciotti de tenir le balancier sur la corde raide entre les deux personnalités et les deux lignes. Pas confort. D’autant que Pradié s’opposait franchement à la réforme du très progressiste Macron, tandis que les ciottistes de LR la soutiennent. Chassé-croisé. Où est la droite, où est la gauche ? On avait un peu le tournis jusqu’à ce que la NUPES désigne le vrai gauchiste par ses applaudissements. Du pas vu depuis longtemps... Mais le paysage évolue vite.
LR présente de plus en plus nettement les défauts du… PS, ce qui n’a rien d’enviable. Comme le PS, le parti de droite devient un concentré instable d’histoire, de tendances, de baronnies et d’ambitions. Comme au PS, il ne lui manque que… les militants et les électeurs. Comme au PS, LR semble virer à la bataille de lignes.
Chaque jour qui passe pousse le parti vers les cauchemars groupusculaires des mouvements d’extrême gauche. Ces partis dont on dit que, lorsqu’ils parviennent à se réunir à trois, émergent aussitôt quatre courants…
Il reste à LR une dernière carte pour espérer rebondir, celle de Laurent Wauquiez qui ne fait pas la moindre entorse à sa diète médiatique. Cette statue du commandeur ménage-t-elle Pradié ? Pousse-t-elle Ciotti ? Quoi qu'il en soit, une seule carte, c’est peu. Et le défi lancé à Wauquiez semble chaque jour un peu plus élevé que la veille.
Par Marc Baudriller le 20 février 2023