Le président de la République vient de passer deux jours à Tirana, la capitale albanaise, les lundi 17 et mardi 18 octobre, dans le cadre du 9e sommet du processus de Berlin où se rassemblent les dirigeants des pays des Balkans. À l’issue de cette rencontre, il a ouvert grand les bras de l’Europe à l’Albanie, pays réputé très corrompu de trois millions d’habitants à 60 % musulmans et à 16 % chrétiens. Cette ouverture provoque la colère et l’opposition de Nicolas Bay, député européen, président de groupe au conseil régional de Normandie et vice-président exécutif de Reconquête, qui s’exprime au micro de BV.
Marc Baudriller. Dans le cadre de ce sommet, Emmanuel Macron a été très clair : « L’avenir de l’Albanie est pleinement européen, a-t-il dit, c’est l’intérêt des Albanais tout comme celui de notre union. Car une Europe puissante dans un monde de rivalités est une Europe qui rassemble le plus grand nombre autour de valeurs et d’un projet commun. » Êtes-vous en accord avec cette affirmation présidentielle ?
Nicolas Bay. Macron exprime ce que le gouvernement albanais a envie d’entendre, c’est-à-dire que leur pays a vocation à intégrer l’Union européenne (UE). C’est à la fois extrêmement injurieux pour les pays voisins - je pense à la province serbe du Kosovo et aux Serbes envahis par l’Albanie depuis des années et à d’autres pays voisins comme la Macédoine. La Macédoine est passée sous le contrôle de l’Albanie. C’est donc très insultant pour ces peuples balkaniques qui subissent de plein fouet la brutalité de l’Albanie. On voit bien qu’Emmanuel Macron tient ces propos par lâcheté, finalement. Quand il parle de valeurs européennes, on se demande bien de quoi il peut s’agir, car l’Albanie est un pays majoritairement musulman, comme vous l’avez souligné, c’est un pays notoirement corrompu, un État mafieux, un pays envahisseur des pays voisins et totalement sous domination et sous influence de la Turquie. On ne voit pas bien quelles valeurs nous pourrions partager avec le gouvernement albanais. En tout cas, rien ne justifie d’intégrer ce pays dans l’UE. On voit de surcroît que l’UE, au gré des élargissements successifs, s’est plutôt affaiblie, que beaucoup de pays n’ont pas les mêmes niveaux économiques, sociaux et même démocratiques que les pays d’Europe de l’Ouest et qui ont intégré très vite l’UE, quitte à la fragiliser. La Serbie aurait pu intégrer l’UE mais elle est tenue à la porte car on veut d’abord la forcer à reconnaître l’indépendance du Kosovo, ce qui est un véritable scandale. Derrière tout cela, il y a beaucoup d’hypocrisie. Emmanuel Macron tient une position irresponsable. Cela pourrait affaiblir un peu plus l’édifice européen au lieu de le renforcer.
M. B. Pour Emmanuel Macron, il faut « accompagner ce chemin avec respect et avec des preuves d’amour, c’est-à-dire des investissements ». L’Europe doit-elle investir en Albanie ?
N. B. On ne voit pas bien quels seraient les avantages, pour l’Europe et pour les Français, d'une intégration de l’Albanie dans l’Union européenne. Si, dans la foulée, l’Albanie intégrait l’espace Schengen, cela apporterait des trafics en tous genres, la criminalité et la corruption. Ce sont des propos irresponsables. Emmanuel Macron en est malheureusement coutumier sur la scène internationale. Lorsqu’il s’était rendu en Algérie, il avait expliqué que la culture française n’existait pas et que la colonisation française était un crime. Ce ne sont pas des déclarations de nature à renforcer le prestige et la puissance de la France sur la scène mondiale. Lorsqu’il explique à l’Albanie qu’on partage les mêmes valeurs, c’est un mensonge grossier. Nous ne partageons pas les mêmes valeurs. L’Albanie est un pays sous domination turque, et majoritairement musulman. Ce n’est pas un pays européen, ni historiquement, ni culturellement. Cela ne signifie pas que nous ne pouvons pas avoir de relations diplomatiques convenables ou des relations économiques. Mais il y a un fossé dans les valeurs. Vouloir intégrer l’Albanie à l’Union européenne, c’est affaiblir l’Europe.
M. B. Emmanuel Macron veut trouver un « schéma de réunification ». Faut-il l'interpréter comme un appel à un nouvel élargissement de l'Europe ?
N. B. Emmanuel Macron voudrait intégrer à l’Union européenne tous les pays balkaniques, en niant leurs particularités. Les représentants de Bruxelles se sont précipités pour dire que l’Albanie devait intégrer l’Union européenne. Derrière tout cela, il y a beaucoup d’arrière-pensées politiques et un irréalisme incroyable. Ces pays ne respectent pas du tout les mêmes règles que les nôtres. Leur organisation politique, économique et sociale n’est pas compatible avec les normes actuellement en vigueur dans le marché européen. Leur intégration précipitée aboutirait à un affaiblissement collectif de toute l’Europe. C’est peut-être l’objectif de certains, qui ne veulent pas d'une Europe puissante, d'une Europe civilisationnelle. Ceux-là ne conçoivent l’Europe que comme une sorte de terrain de jeu aux mains de ceux qui ont une conception purement financière de l’économie. Ils considèrent que les nations sont un cadre dépassé et que les peuples sont interchangeables.
Par Marc Baudriller le 19 octobre 2023