Entre cinq et dix mois de prison ferme : c'est ce qu'a requis le parquet contre les sept hommes qui comparaissaient, ce mardi 7 février, devant le tribunal correctionnel de Valence pour « participation et préparation à un groupement formé en vue de commettre des dégradations et des violences », le 25 octobre dernier, dans le quartier de la Monnaie après la mort de Thomas à Crépol. Ils seront fixés sur leur sort le 21 février.
« Des réquisitions extrêmement sévères, réagit, auprès de BV, Maître Alain Belot, bien connu de nos lecteurs et avocat de deux des prévenus, au mépris de la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle "aucune disposition légale ou réglementaire n'incrimine le seul fait de participer à une manifestation non déclarée" et rejette "toute idée de responsabilité pénale collective". C'est bien la démonstration d'une politique pénale extrêmement répressive lorsqu'il s'agit de l'extrême droite. »
« Il s'agissait de manifester leur soutien à Thomas »
Rappel des faits : en réaction au meurtre de Thomas, le 25 novembre dernier, un groupe de jeunes (entre 50 et 100, selon Maître Belot) se donne rendez-vous dans le quartier de la Monnaie. Leur but ? « Pour l'immense majorité d'entre eux, il s'agissait de manifester leur soutien à Thomas », nous précise l'avocat. Mais le climat est tendu, les Français sont sous le choc, l'opinion publique inflammable ; c'est « un drame qui nous fait courir le risque d'un basculement de notre société, si nous ne sommes pas à la hauteur » craint alors Olivier Véran. Parmi les manifestants, certains sont armés de bâtons ou bombes lacrymogènes, leur colère est palpable.
La suite nous est racontée par Maître Alain Belot : « La fameuse CRS 83 (créée par Darmanin) est intervenue immédiatement en dehors de tout cadre légal, sans sommation. Les manifestants ont été littéralement pourchassés. Certains ont essayé de s’enfuir en passant au-dessus d’un grillage le long d’un chemin de fer. Le grillage a cédé, certains sont restés accrochés ou se sont retrouvés dessous. Les CRS n’y sont pas allés de main morte, douze d'entre eux nous racontent avoir été blessés (curieusement, leurs « caméras piéton », qui auraient pourtant permis d'identifier les fauteurs de troubles, n'étaient pas en service). D’autres ont été interpellés plus loin alors qu’ils étaient en train de partir. Il n’y avait aucune raison de les interpeller. Enfin, d’autres ont fait l’objet de simples contrôles d’identité et relâchés. »
Six de ces jeunes seront, à l'issue de leur garde à vue, condamnés en comparution immédiate à maximum dix mois de prison ferme avec mandat de dépôt. Ils passeront donc Noël en prison et seront libérés sur demande de leur avocat aux premiers jours de janvier.
Quelques remarques.
Les mêmes peines de prison pour les uns et pour les autres
Entre cinq et dix mois de prison ferme : c'est la peine (huit mois) infligée à un certain Sébastien P. par le même tribunal, en décembre, pour avoir menacé de « décapiter » et « vouloir jongler avec le crâne de Marie-Hélène Thoraval », maire de Romans-sur-Isère. Un individu converti en prison, multirécidiviste, condamné 23 fois, notamment dans le cadre d'un projet d'attentat.
Huit mois de prison, c'est aussi la durée moyenne des peines d'incarcération des 742 personnes arrêtées et condamnées pour les émeutes en juin dernier. Les jeunes manifestants de Romans-sur-Isère sont, eux, « parfaitement insérés et nullement récidivistes », nous précise Maître Alain Belot. Selon une source policière, ce 25 novembre, « rien n'a d'ailleurs été incendié ». Si une seule victime sera à déplorer, tombée dans une embuscade, rouée de coups et grièvement blessée par des jeunes de la cité, elle s'inscrit du côté des manifestants.
Des militants parfaitement identifiés d'un côté, un tueur au mobile passé sous silence de l'autre
Deuxième remarque : une grande lucidité d'un côté : des individus parfaitement identifiés, « des militants d'extrême droite venus en découdre » « ultra-nationalistes », proférant des « slogans nationalistes » tels que « justice pour Thomas » ou « la France, la rue nous appartient » et, de l'autre, cette exaspérante cécité pour des autorités incapables de mettre les vrais mots sur le mobile du meurtre de Thomas.
Pourtant, les témoignages accablants n'ont pas manqué : celui d'Alain, habitant de Crépol, auprès d'Olivier Véran (les parents des agresseurs ont élevé leurs enfants « dans la haine de la France et des Français »), celui de l'ami de Thomas qui se confiait à notre collègue Jordan Florentin, ceux de neuf personnes présentes le jour du bal déclarant, lors de l'enquête, avoir « entendu des propos hostiles aux Blancs », et les alertes multiples de Marie-Hélène Thoraval n'ont, à ce jour, pas suffi à la Justice pour reconnaître le motif raciste de l'agression. Au mépris total des demande des familles de victimes de Crépol.
Pourquoi ?
Par Sabine de Villroché le 7 février 2024