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mardi 7 novembre 2023

Prière musulmane à Roissy : quand P. de Villiers voyait monter l’islamisme



« Pas de vagues. » Ce dimanche 5 novembre, Noëlle Lenoir, ancien ministre aux Affaires européennes, publie sur X (anciennement Twitter) la photo d’une prière collective musulmane au milieu de l’aéroport de Roissy. Agenouillés les uns à côtés des autres, ces voyageurs prient, pieds nus, sur la moquette du terminal d’embarquement. Et ce, alors que des salles consacrées à la pratique des cultes existent. « Que fait le PDG d’Aéroports de Paris quand son aéroport se transforme en mosquée ? » s’interroge Noëlle Lenoir. La réponse du principal intéressé ne se fait pas attendre. S’il « regrette » cette prière et assure que la police aux frontières « va redoubler de vigilance » pour éviter qu’une telle scène ne se reproduise, Augustin de Romanet, à la tête d'Aéroports de Paris, juge surtout qu’il n’est « pas nécessaire de monter cet épisode, inédit, en exergue en ce moment ».

Plus que la prière collective, c’est surtout la réaction du PDG d'Aéroports de Paris qui indigne une partie de la classe politique. « Oh, que si, c’est "nécessaire" d’en parler ! Le "pas de vagues" a assez fait de mal dans ce pays, ça suffit ! »réagit Laure Lavalette, députée (RN) du Var. Un sentiment partagé par le président des Républicains, Éric Ciotti : « La réaction d’Augustin de Romanet est insupportable. Le "pas de vagues" nous plonge dans l’inaction ! » « Cette atteinte grave à la laïcité est banalisée, poursuit-il, mais ce sont ceux qui dénoncent cette situation qui sont pris à partie ! »s’agace le député des Alpes-Maritimes. Et la sénatrice (LR) Valérie Boyer d'ajouter : « Même si je doute que ce soit un fait isolé, pourquoi, dans ce cas, la police aux frontières n'est-elle pas intervenue ? Peut-être au nom du "pas de vagues", surtout "en ce moment", pour reprendre les mots d'Augustin de Romanet ? » Seul Clément Beaune, ministre des Transports, salue la « fermeté » du PDG d'Aéroports de Paris.

Un livre prophétique ?

Au-delà de la polémique déclenchée par Augustin de Romanet, la scène étonne bon nombre d’internautes. À tort. Déjà, en 2004, un directeur de la police aux frontières de Roissy adresse un rapport à sa hiérarchie dans lequel il s’inquiète de la « pratique de l’islam sur la plate-forme aéroportuaire ». Il écrit alors : « Certains agents se sont livrés sur leurs lieux de travail à des manifestations favorables aux auteurs des attentats du 11 septembre. » Deux ans plus tard, en 2006, Philippe de Villiers, alors pressenti pour être candidat à l’élection présidentielle, publie Les Mosquées de Roissy.

Dans ce livre qu’il présente comme une « enquête », le fondateur du Puy du Fou entend alors révéler l’emprise de l’islamisme sur certains lieux stratégiques, à commencer par l’aéroport de Roissy. Documents officiels à l’appui, Philippe de Villiers dénonce un réseau de cooptation sur la base de la religion, « le noyautage des syndicats par les islamistes » et la présence « de salles de prière clandestines sur l’aéroport de Roissy ». Il conclut : « Islamistes et délinquants des cités œuvrent de concert pour placer l’aéroport sous la loi de la charia. » À l’époque, son livre est moqué. Ses sources sont jugées peu fiables. Son diagnostic sur « l’islamisation de la France » est peu repris.

Dix-sept ans plus tard, les faits semblent lui donner raison, au moins en partie. Dès août 2006, Libération, qui avait pourtant jugé contestable l’essai de Philippe de Villiers, annonce que toutes « les salles de prière musulmanes clandestines des aéroports de Roissy et Orly ont été fermées ». Preuve que ces lieux de culte illégaux, installés la plupart du temps dans des vestiaires, existaient bel et bien. La fermeture des salles de prière clandestines ne semble pas avoir mis un terme à l’islamisation du lieu. En 2011, un des restaurants d’entreprise de l’aéroport de Roissy se retrouve au cœur d’un scandale. La cantine est soupçonnée d'être passée au halal sans en informer les usagers. Derrière cette affaire, la CGT est accusée d’avoir voulu imposer la consommation de nourriture halal au personnel. Une accusation réfutée par le syndicat, mais qui laisse planer un doute sur l’ampleur de l'entrisme islamiste. En 2015, après les attentats de Paris, la direction d'Aéroports de Paris décide de faire le ménage parmi ses employés et sous-traitants. Près de 70 badges sont alors retirés à des agents « pour des phénomènes de radicalisation ». En cause, notamment, une main-d'œuvre embauchée « dans le bassin d'emploi local ».

Ces différents éléments semblent accréditer la thèse de Philippe de Villiers. Mais, dix-sept ans plus tard, si les attentats ont permis d'améliorer sensiblement la situation sécuritaire, « il reste une problématique non encore résolue : la présence d’islamistes radicaux au sein du personnel », note, en 2016, Éric Denécé, directeur du Centre français de recherche sur le renseignement, interrogé par Atlantico. Cette prière musulmane d'une dizaine de minutes pourrait être une nouvelle preuve de cette islamisation. « À l'époque, hélas, on ne m'a pas cru... », réagit, aujourd'hui, Philippe de Villiers.

Par Clémence de Longraye le 6 novembre 2023

Boulevard Voltaire