Une remise en cause inattendue de ce côté-là de l'échiquier politique. L'ex-ministre socialiste Ségolène Royale, invitée de BFMTV jeudi soir, a dénoncé haut et clair la «propagande de guerre par la peur» menée par Kiev. «Ne serait-ce que le premier événement, la maternité bombardée», explicite l'ancienne candidate à la présidentielle.
Le 9 mars à Marioupol, des frappes sur une maternité à Marioupol, dans le sud de l'Ukraine, avaient suscité l'émotion internationale. Sur l'un des clichés des photographes de l'agence américaine Associated Press, on voyait une femme enceinte grièvement blessée, gisant sur un brancard. Ni elle ni son bébé n'ont survécu. Ségolène Royale y voit pour sa part une instrumentalisation de l'opinion publique. «Le nom des victimes est resté inconnu, alors qu'à l'heure des téléphones portables, on les aurait eus», fait-elle valoir.
Et la socialiste de déplorer la communication du chef d'État ukrainien sur l'événement : «M. Zelensky a fait le tour des parlements européens» alors qu'«il a été incapable de donner le nom de cette femme». «Et c'est là que le processus de paix s'est interrompu», accuse-t-elle. L'ancienne candidate à la présidentielle de 2007 condamne également les réactions au massacre de Boutcha, théâtre du plus vaste massacre de civils encore documenté depuis le début du conflit. «Les récits de viols d'enfants pendant sept heures sous les yeux des parents. C'est monstrueux de propager des choses comme ça juste pour interrompre les processus de paix», pointe-t-elle sur le plateau de BFMTV.
Considère-t-elle ces événements comme des fake news (fausses informations) ? «Je pense qu'il y a une propagande de guerre», rétorque Ségolène Royal. «Quand Zelensky dit : nos soldats sont torturés, ça remobilise des troupes, ça empêche les processus de paix, et je pense qu'il y a eu suffisamment de victimes pour interdire et empêcher, sous l'égide des Nations unies et des associations de journalistes, de véhiculer des horreurs (...) qui font la propagande de Zelensky».
«Philippot “de gauche”»
La séquence de Ségolène Royal sur BFMTV a fait vivement réagir sur les réseaux sociaux, notamment dans son propre camp politique. «Les crimes de guerre sont documentés, le nier est une insulte aux assassinés, aux violées, aux torturés ! Dire le contraire est de la propagande !», a réagi sur Twitter Olivier Faure, premier secrétaire du PS.
«Naufrage. Total», a commenté de son côté l'eurodéputé Raphaël Glucksmann, qualifiant l'ex-ambassadrice des Pôles de «Philippot “de gauche”». «Je ne savais pas qu'on pouvait se vautrer aussi profondément dans l'immonde», a abondé l'eurodéputée Nathalie Loiseau. «Son négationnisme est révoltant».
De multiples rapports
Ce que Ségolène Royal qualifie de «propagande» a fait pourtant l'objet, depuis plusieurs mois, d'enquêtes minutieuses de la part d'ONG et instances internationales. Dès début mars, la Cour pénale internationale ouvrait, avec une rapidité inédite dans un conflit encore en cours, une enquête pour documenter les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité commis en Ukraine. Depuis lors, les rapports pleuvent.
À commencer par Boutcha. Dès le départ de forces occupantes russes en avril, une délégation d'enquêteurs des droits humains de l'ONU était dépêchée dans la ville du nord-ouest de Kiev, pour expertiser les cadavres retrouvés dans les fosses communes et jonchant les trottoirs. Au bout de quelques jours, les Nations unies confirmaient l'«exécution sommaire» d'au moins 50 civils.
De son côté, Human Rights Watch (HRW) dépêchait ses propres chercheurs sur place, du 4 au 11 avril. L'ONG parvenait à documenter avec précision 16 homicides de civils commis par des soldats russes, dont neuf exécutions et sept meurtres commis «de manière indiscriminée». Son rapport d'enquête concluait à une «litanie de crimes de guerre apparents» commis par les Russes «entre le 4 et le 31 mars 2022». Des gendarmes français du GIGN ont aussi été envoyés sur place, pour expertiser les corps.
Le 16 mars à Marioupol, au sud du pays, le bombardement d'un théâtre où s'étaient réfugiés des centaines de civils et siglé du mot «enfant» en grandes lettres, a été «clairement» identifié comme crime de guerre par Amnesty International. L'organisation n'hésite pas, toutefois, à remettre en cause la partie ukrainienne, son dernier rapport accusant Kiev d'installer des infrastructures militaires dans des zones habitées, en violation du droit international humanitaire. Un rapport qui avait déclenché l'ire du président Zelensky, sans ébranler Amnesty.
À Kharkiv, dans le Donbass, HRW affirme que l'armée russe a utilisé des armes à sous-munitions, dont l'emploi est condamné par le droit international humanitaire pour leurs frappes aux multiples victimes collatérales. Selon un nouveau rapport le 22 juillet, les forces russes auraient également torturé, détenu illégalement et fait disparaître de force des civils dans les zones occupées de Kherson et de Zaporijjia. Au total, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme recensait début août 12.867 victimes civiles depuis le début de la guerre en Ukraine.
Par le passé, l'ancienne candidate socialiste avait déjà témoigné de sa réserve concernant l'engagement de l'Occident dans le conflit en Ukraine. Le 23 février, veille de l'invasion russe, elle défendait sur le plateau de LCI la solution d'une «médiation», s'alignant sur les positions de Jean-Luc Mélenchon, alors candidat LFI à la présidentielle.
Lire la suite sur Le Figaro