Emmanuel Macron vient de nous refaire le coup de Tintin. Comme l’explique le ministre Taillard de Vorms, alias Thierry Lhermitte, dans le film Quai d’Orsay, « Tintin, c’est le rythme… Le rythme “Tac tac tac tac tac”. Une case en amène une autre (tac tac tac), quand vous arrivez au bord de la page (tac), on vous emmène à la case du dessous (tac)… jusqu’en bas de la page… Et la page se tourne ! Vous êtes pris par la musique ! Vous ne pouvez pas faire autrement. Et là… plaf ! Sur toute la page, vous voyez une fusée… Gigantesque. » Mardi, ce n’était pas une fusée mais « Air France one », l’avion présidentiel qui, s’il n’a pas décollé des Champs-Elysées mais d’Orly, a, en quelque sorte, été la star de la pub à bon compte pour un président en campagne électorale.
Et puis, nouvelle séquence surprise : plus d’avion mais le train. La prochaine fois, il fera ça en montgolfière. Un train, donc, qu’Emmanuel Macron a pris en Pologne, à proximité de la frontière avec l’Ukraine, à son retour de Moldavie. Pour ainsi dire, quasiment sous les bombes. Enfin, presque, à quelques centaines de kilomètres près... Et ce train, il l’a pris avec « ses homologues » allemand et italien, le chancelier Scholz et Mario Draghi, président du Conseil italien. Direction Kiev, pour rendre visite et soutenir l’Ukraine en guerre.
Ce train, en plus, ce n’était pas n’importe quel train : pas une banale rame hyper moderne genre TGV avec tout plein de gens à la suite, en costumes gris pour les hommes et tailleurs noirs pour les femmes perchées sur leurs talons de 10. Non, ça c’est nul. C’était un train spécialement affrété par l’Ukraine et « ultra-sécurisé », nous rapporte TF1. Les photos sont dans la presse de ce jeudi : les trois chefs d’Etat se sont retrouvés pour travailler et discuter tout au long de la nuit – parce que, bien évidemment, c’était un train de nuit, c’est tellement plus romanesque – dans le wagon restaurant qui aurait pu tourner en personne dans La madone des sleepings ou Le crime de l’Orient-Express.
Ah, le charme de ces trains noctambules où il se passe tout plein de choses entre le wagon-restaurant et les wagons-couchettes au rythme incessant et lancinant du tac-tac-tadoum-tac-tac-tadoum. « Rendez-vous dans la baie, cabine 13 » et toutes ces sortes de choses. Tout plein de choses aussi à l’extérieur : les chiens policiers qui aboient sur le quai à la halte dans une gare blafarde pour faire de l’eau ou du charbon. Pire, car nous sommes en guerre, les risques d’attaque de l’ennemi. D’ailleurs, « l’ensemble des délégations et les journalistes présents sur place ont été équipés de gilets pare balles pour l’occasion », nous narre la journaliste. On imagine les Russes assez stupides pour attaquer ce train et qu’ils n’ont pas été prévenus par la France, l’Allemagne et l’Italie de cette expédition… Ils ont donc embarqué à partir d’« un quai au bout d’un chemin de terre… en partie en terre battue grignotée par les mauvaises herbes », toujours selon la journaliste de TF1 qui, pour l’occasion avait peut-être coiffé une casquette à carreau et revêtu un grand imperméable par-dessus ses pantalons de golf.
Et puis, enfin, après une courte nuit et un long voyage dans la campagne ukrainienne, l’arrivée, au petit matin blême, dans la gare de Kiev, le Président rasé de frais, comme si de rien n’était. Franchement, de bien belles images cinématographiques pour les actualités, même si Emmanuel Macron n'a pas fait son entrée par la grand porte de Kiev aux accents de la musique de Modeste Moussorgsky. Faute d’avoir entendu siffler les balles, il aura au moins entendu siffler le train. Mais aussi ses oreilles. Ses opposants lui sont aussitôt tombés dessus à bras raccourcis, lui reprochant d’exploiter son image de chef de guerre à trois jours des élections législatives.
Les gens sont méchants.
Par Georges Michel le 16 juin 2022
Boulevard Voltaire