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lundi 16 octobre 2023

École : ce qui nous menace, ce n’est pas l’islamisme, c’est l’extrême droite !


Le jeudi 12 octobre, La Voix du Nord publie un article, sous le titre « Pour les profs, un manuel "d'autodéfense intellectuelle" contre l'extrême droite ». Le vendredi 13 octobre, un professeur d'Arras est sauvagement assassiné par un jeune Tchétchène fiché S pour islamisme radical. De quel côté vient le danger ? La réponse devrait être évidente pour tous. Ce n'est apparemment pas le cas.

Le collectif CAALAP (Coordination antifasciste pour l'affirmation des libertés académiques et pédagogiques), emmené notamment par Sophie Djigo, engagée dans le soutien aux migrants à Calais, s'inquiète de voir l'extrême droite « en train d'infiltrer les établissements scolaires via les élections [de parents d'élèves] organisées ces 13 et 14 octobre ». L'appel de ce collectif, qu'on peut lire sur Internet, est éloquent : « Dans un contexte général de montée en puissance de l’extrême droite en France, une offensive fasciste frappe actuellement violemment l’enseignement […]. Il nous semble crucial de faire front ensemble, à tous les niveaux de l’enseignement et de la recherche, tou.te.s visé.e.s de manière violente par le négationnisme d’extrême droite. »

La FSU-SNUipp, syndicat majorit gaucaire dans les écoles primaires, a, de son côté, dans un communiqué publié le 6 octobre, dénoncé l'« offensive de l’extrême droite sur l’école », visant notamment le réseau national des Parents vigilants, créé à l'initiative d'Éric Zemmour, accusé de « surveiller au plus près les projets pédagogiques ainsi que la mise en place des programmes d’éducation à la vie affective et sexuelle ». Cette offensive serait « à corréler directement à sa haine des luttes pour l’égalité des sexes ou contre les discriminations et toutes les formes de racisme ». Vous l'aurez compris, la menace pour nos écoles et pour la France, ce n'est pas l'islamisme, c'est, comme le dit Mathieu Bock-Côté sur CNews« l'extrême drouate » !

On trouve des journaux comme Libération pour abonder dans ce sens. Le 10 octobre, sous le titre « Les profs face à l’entrisme de l’extrême droite à l’école : il ne faut absolument pas céder », il dénonce « une pression couplée à une désinformation massive que les syndicats observent avec inquiétude ». Son analyse est la même que celle du collectif CAALAP, dont il fait la promotion, la même que celle de la FSU-SNUipp, qui veut faire croire aux professeurs des écoles et à l'opinion publique que l'extrême droite s'infiltre insidieusement dans les établissements scolaires.

Une même idéologie les anime, qu'on l'appelle « l'idéologie woke » ou « l'islamo-gauchisme ». Des militants aguerris, qui se font passer pour des lanceurs d'alerte, cherchent, en dignes héritiers de Big Brother, à subvertir les capacités de discernement et à imposer leurs normes. C'est ainsi qu'on peut lire, dans la profession de foi du CAALAP, qu'« enseigner la réalité des faits sur l’histoire coloniale, sur la Shoah, les questions migratoires ou encore la théorie du genre devient une prise de risques, et l’enseignement, un métier dangereux ». On croit rêver : ce n'est pas l'islamisme qui conteste ces enseignements, c'est l'extrême droite !

Force est de constater que ces militants déploient toute la panoplie des minorités révolutionnaires qui veulent imposer leur idéologie à la majorité et attribuent à leurs adversaires les méthodes totalitaires qu'ils emploient eux-mêmes. Ils prétendent « expliquer la différence entre savoirs et opinions » mais confondent leurs propres opinions avec la vérité. Ils dénoncent le réveil de « l'hydre fasciste » alors qu'ils sont eux-mêmes des collaborateurs objectifs de l'islamisme, qui est le fascisme d'aujourd'hui.

Par Philippe Kerlouan le 16 octobre 2023

Boulevard Voltaire


samedi 15 avril 2023

La victoire et le malaise



C’est une victoire politique indiscutable et pourtant elle a un goût amer. Peut-être parce que la sage décision du Conseil constitutionnel ne dissipera pas le malaise qui traverse le pays. Elle ne fera malheureusement pas disparaître les cortèges, les casseurs, les banderoles syndicales. La défiance est là et ne va pas s’évaporer par enchantement. Et puis quel gâchis collectif ! On est pris d’une sorte de vertige quand on mesure tout ce que ce psychodrame laisse derrière lui. La remise en cause de l’autorité légitime, d’abord. Le président largement élu conspué dans les manifestations, les ministres pris de nervosité, les députés sous la menace. Le Conseil constitutionnel protégé de murs antiémeutes, tristes signes d’une fébrilité d’État. Tout démocrate sincère devrait s’inquiéter de ce vacillement. Comment les opposants à Emmanuel Macron ne voient-ils pas qu’ils peuvent être, demain, pour d’autres ré- formes, d’autres lois, à leur tour pris en tenailles entre l’activisme de l’extrême gauche et une hostilité temporaire de l’opinion? Si la France est ingouvernable, tout le monde, et les Français d’abord, sera perdant.

A ce tourment en répond un autre en miroir : comment croire que la seule élection permet de gouverner durablement et sereinement contre deux tiers de la population ? On trouve dans une part de nos élites une suf- fisance qui, non contente de contraster avec l’état déplorable du pays, finira par décourager les plus fidèles soutiens. La morgue du sachant chargé de faire accepter à un peuple un peu « arriéré » des évolutions inéluctables hérisse désormais la plupart de nos concitoyens. Les Français voient bien que l’affaissement généralisé vient moins de leur réticence supposée à la « réforme » que d’une impuissance de plus en plus sidérante de la performance publique. École, santé, sécurité : impôts partout, service nulle part. La faille qui provoque toutes les secousses est là.

Après les retraites, pour apaiser les Français, il faudra leur donner beaucoup de preuves concrètes sur ces sujets majoritaires, sinon, Emmanuel Macron sera contraint, par les urnes, de leur rendre la parole. 

Par Vincent Trémolet de Villers le 15 avril 2023

Le Figaro

samedi 8 avril 2023

«Vous ne verrez pas ma binette sur CNews!»



La CGT en a fini avec l’ère du patriarcat moustachu à la papa. Fini Philippe Martinez, place à la jeune et séduisante Sophie Binet. Le militantisme syndical s’est professionnalisé en élisant une femme à peine quarantenaire, connue pour son engagement à gauche toute depuis plus de quinze ans. Sophie Binet fut en effet l’une des figures de la contestation contre le Contrat Première Embauche, mouvement lors duquel elle était alors à la tête de l’UNEF, longtemps centre de formation des caciques du Parti socialiste. En 2016, celle qui était devenue permanente de la CGT s’opposa au gouvernement socialiste et à la loi travail de Myriam El Khomri.

Un CV vide

Cette ancienne adhérente du PS coupait le cordon avec la maison mère, au moment où la synthèse issue du congrès d’Epinay s’effondrait sous le poids de ses propres contradictions, faisant des alliés d’autrefois des ennemis pour la vie, l’aile réformiste reprise par Valls et Macron entrant officiellement en conflit ouvert avec les socialistes canal historique toujours fidèles aux idéaux marxistes. On se doute d’ailleurs que les petits jeux politiques ont dû plus passionner Sophie Binet que le travail en bonne et due forme, son parcours professionnel présentant quelques absences…

La première femme à diriger la CGT depuis sa formation en 1895 a un CV vide. Etudiante en philosophie, militante à l’UNEF et un temps CPE, elle a été très vite détachée pour prendre la direction de l’Union des ingénieurs, cadres et techniciens (UGICT-CGT). On se demande bien pourquoi cette branche n’a pas pris un véritable ingénieur ou technicien pour la représenter, mais soit. Son prédécesseur fut quant à lui un véritable travailleur, technicien métallurgiste aux usines Renault de Boulogne-Billancourt, mais à l’heure où le nombre de cadres a dépassé le nombre d’ouvriers en France, la nomination de Madame Binet doit être dans l’air du temps de notre économie post-industrielle…

Une gauche intolérante

Dogmatique, très concentrée sur les enjeux de société, Madame Binet a fait la première démonstration de son sectarisme en refusant de répondre aux questions de CNews, invoquant sa défense du « pluralisme » que la chaine ne garantirait pas. On peut pourtant y apercevoir parfois Antoine Léaument ou Sandrine Rousseau… Sophie Binet a-t-elle compris que la CGT est un syndicat représentant les travailleurs et non un parti politique, du moins en théorie ? C’est tout le problème des « partenaires sociaux français » qu’on devrait renommer « partenaires socialistes ».

Ils sont uniquement dans l’opposition et peu enclins au dialogue, rêvant toujours de grands soirs et de « blocages infrastructurels » !


La nouvelle patronne de la CGT s’embrouille bêtement devant le micro de CNews, après qu’un de ses sbires lui ait sommé de ne plus répondre.
Par Gabriel Robin le 7 avril 2023
Causeur

lundi 27 mars 2023

Retraites et chaos social : l'étonnante déconnexion de la Macronie, Nicolas Vidal sur Radio Courtoisie le 27 mars 2023

 

Exigeons un Référendum !



Un président élu deux fois par défaut, la première fois grâce à un coup d’Etat médiatico-judiciaire, la seconde dans l’abrutissement post-covidien qui lui a permis d’éluder la campagne, un homme dénué d’expérience politique, sorti de l’Ena et inspecteur des finances comme tous les politiciens qui ont coulé notre pays, un banquier éphémère dont le seul et douteux exploit se réduit à une vente entre deux grandes entreprises internationales, un copain protégé par des parrains à la fois socialistes et amis des milliardaires, adeptes du mondialisme et de la mort de notre civilisation comme Attali, un mari au sein d’un couple improbable dont l’image a été fabriquée par la sulfureuse Mimi Marchand, l’un de ces personnages qui comme Benalla n’ont rien à faire à l’Elysée, mais qui y sont depuis qu’il y est, un grand causeur et un petit faiseur, dont le bilan est en tous points calamiteux, voilà donc le chef que les Français, dupés et pour certains heureux de l’être, se sont donné.

Il est hélas trop facile d’aligner les attendus du réquisitoire : élu dans une vague d’antiparlementarisme moralisateur, Macron a depuis été entouré par des affaires qui ont touché ses amis et qui le rattraperont à la sortie. Qu’est devenue la fortune acquise rapidement chez Rothschild ? Le mot de haute trahison est-il excessif lorsqu’un détenteur du pouvoir au plus haut niveau brade des fleurons industriels français comme Alstom ? Que sont devenus et que deviendront les nombreux chefs de parti, parlementaires transfuges de droite et de gauche, ministres, et jusqu’au secrétaire général de l’Elysée auxquels la Justice demande des comptes ? Mais il suffit de voir dans quel état se trouve la France pour que le mot de trahison devienne le fil conducteur du scénario depuis qu’un certain Macron a pénétré à l’Elysée comme secrétaire général adjoint de la présidence sous Hollande ! Un pays déclassé, qui a perdu son industrie, qui bat des records de déficits et de dette, qui obéit à l’Allemagne, et à travers elle aux Etats-Unis, un pays humilié par une politique de repentance injustifiée qui nous soumet à nos ennemis et fait fuir nos amis, un pays qui a cessé de compter sur la scène internationale où les leçons débitées sur un ton précieux par un ignorant malhabile ne peuvent plus susciter que le mépris, un pays vérolé par la drogue, les trafics et la délinquance, un pays dont l’identité prestigieuse s’efface avec une langue envahie par le sabir anglo-saxon et une population submergée par les vagues migratoires, un pays dont les piliers s’effondrent avec la chute vertigineuse de l’éducation et de la santé, tel est l’état de la France après six ans de macronie !

Mais au coeur de ce noir bilan, il y a une autre victime que la France, c’est la démocratie. Cette caricature de la caste politicienne qu’est Jean-Pierre Raffarin a avoué le crime dont il s’est fait le complice fervent : dans un tweet, il affirme que la démocratie, c’est l’Etat de droit, vieux sophisme qui fait passer le légal pour le légitime, la forme pour le fond, le pouvoir d’une oligarchie astucieuse pour celui du peuple. Non, la démocratie, c’est le régime soumis à la souveraineté du Peuple, au travers de ses représentants, certes, mais aussi directement par l’usage du référendum. Cette double voie fait d’ailleurs partie de notre “Etat de droit”, lequel n’est que l’ensemble des règles qui canalisent la volonté populaire pour qu’elle respecte les minorités et les individus, non pour qu’elle se soumette au bon vouloir de groupes de pression, de factions ou de coteries. Lorsqu’on remet à leur place respective la démocratie et l’Etat de droit dans la situation que le pouvoir a créée dans notre pays à l’occasion de la réforme des retraites, la réalité devient claire : la France n’est plus une démocratie !

En 2022, les Français, épuisés par la crise du covid, ont choisi Charybde-Macron pour éviter Scylla-Le Pen. Beaucoup de ceux qui ont fait ce choix ne partageaient nullement les idées de l’élu, mais refusaient davantage celles de son adversaire. Le niveau d’abstention a atteint un record pour une élection présidentielle. Surtout, contrairement à l’habitude, et malgré l’effet de levier du mode de scrutin, les électeurs n’ont pas offert de majorité parlementaire au président. L’Etat de droit de notre république n’est pas le régime présidentiel, mais un régime parlementaire rationalisé où l’exécutif prend le pas sur le législatif, le président ou le premier ministre quand ce dernier est l’expression d’une majorité parlementaire. Le premier déni de démocratie du pouvoir actuel est de considérer que la France est un régime présidentiel sans contre-pouvoir puisque grâce à l’usage immodéré du “droit” le président impose sa volonté au Parlement. Le choix de faire passer une loi aussi importante par le biais d’une loi rectificative du budget de la sécurité sociale est dès le début une entorse à l’esprit de la loi : son sujet est trop important et de trop longue durée pour entrer dans un processus législatif voué à l’urgence et au détail. Mais il autorise l’usage du 49/3, soit l’approbation sans vote, donc sans l’avis des représentants d’un peuple qui, d’après les sondages vomit très majoritairement le projet de loi ! Le cirque déployé par l’extrême-gauche à l’Assemblée a permis de donner le beau rôle au Sénat dont la représentativité est contestable : des notables élus par de grands électeurs qui forment une majorité “en retard” sur la réalité du pays auront pesé davantage sur le vote de la réforme que les députés élus au scrutin direct ! Encore ce vote aura-t-il été obtenu en utilisant des procédures inusitées qui ont amputé le débat sénatorial. Quant à la rue qui mobilise sans cesse, quant aux mouvements lancés par des syndicats unis comme jamais, le mépris souverain les accueille : le président après sa soirée-bière en Afrique refuse de recevoir les représentants syndicaux. Il continue à prétendre que les Français ont choisi cette réforme en le réélisant, alors qu’il avait d’abord proposé une vraie réforme, fondée sur un système comparable à celui réalisé en Suède. Il avait d’ailleurs lui-même dénoncé le caractère injuste de l’augmentation des années de cotisation. 

Mépris de la colère populaire, désinvolture par rapport à ses propres positions : comment et pourquoi les Français ne se révoltent-ils pas ? Le marteau-pilon de la stratégie anti-covid, dont on découvre maintenant les errements et les fautes, les a habitués à la soumission à d’autres intérêts que les leurs. Les difficultés de la vie quotidienne avec l’obsession légitime du pouvoir d’achat, et l’affaiblissement de la solidarité familiale, rendent plus pénible la participation à des grèves ou à des manifestations. Avec un rare cynisme, le pouvoir actuel en joue, en espérant le pourrissement avec la lassitude des usagers et comme d’habitude les exactions des blacks-blocs, plus utiles que jamais. Après le consensus obtenu au sein d’une commission mixte paritaire qui donne artificiellement une large majorité aux partisans de la réforme, le gouvernement a néanmoins eu recours à l’article 49/3 pour éviter d’être battu. Entre voter un texte et entraîner une dissolution de l’Assemblée, il y a un Rubicon que des députés refuseront de franchir : la peur, à défaut des cadeaux promis à certains d’entre eux, figure le dernier déni de démocratie que le pouvoir inflige à la France : imposer à un peuple réticent, par un vote négatif,  la volonté d’un homme dénué de toute légitimité politique ou morale !

La conclusion s’impose : l’intérêt supérieur de la France, comme aurait dit de Gaulle impose que le spectacle cesse, que l’histrion bavard quitte la scène ! 

Mais, auparavant, la survie de la démocratie dans notre pays implique qu’un référendum soit organisé sur la réforme des retraites : cela est possible grâce à la révision constitutionnelle de 2008. Il se trouve que j’ai été l’auteur d’un des amendements qui ont abouti à ce dispositif référendaire. Il faudra que plus de quatre millions de Français l’exigent par pétition, un électeur sur dix, et un parlementaire sur cinq. Ce qui paraissait impossible devient accessible avec les syndicats, les partis politiques et la masse des opposants motivés ! 

Certes, le pouvoir pourrait néanmoins se contenter d’un nouveau débat à l’Assemblée, mais, cette fois, on peut penser qu’il n’osera pas !

Par Christian Vanneste le 17 mars 2023

Le blog de Christian Vanneste

France révoltée : pourquoi Macron a perdu



Emmanuel Macron a perdu. Persister dans sa réforme des retraites s’annonce explosif. La colère ne se calmera plus de si tôt. Dans le rapport de force engagé par l’Elysée, le déséquilibre joue en sa défaveur. Le gouvernement ne pourra tenir par la seule répression policière. En effet, l’exaspération populaire n’est plus seulement sociale et syndicale. Elle est devenue démocratique, en protestation contre la relégation des citoyens ordinaires. Jeudi dernier, les manifestations massives ont été rejointes par des gens qui récusent l’autoritarisme d’Etat et la pente despotique d’un pouvoir personnel et solitaire. La présence remarquée de la jeunesse apporte également une nouvelle dimension à la contestation d’un système oligarchique. La somme de maladresses accumulées par le chef de l’Etat et son gouvernement a porté le pays à ébullition. 

Macron a d’ailleurs eu raison d’annuler in extrémis la venue du roi Charles III, en l’honneur de qui un dîner officiel était prévu ce lundi au château de Versailles. La promesse d’Elisabeth Borne, hier, de ne plus avoir recours au 49-3 en dehors des textes financiers laisse voir une légitime inquiétude du pouvoir. Reste que, comme le constate ce lundi Henri Guaino dans Le Figaro, « une limite a été franchie » : la révolte, qui traverse toute la société, oblige Macron à oublier son orgueil et sa posture de chef prétendument éclairé. En 1984, face à l’ampleur des manifestations en défense de l’Ecole libre, François Mitterrand avait renoncé à son projet d’harmonisation éducatif. Macron serait bien inspiré d’en faire autant.

La choix présidentiel du pourrissement et du parti de l’ordre a peu de chance de fonctionner à nouveau. Cette stratégie a été gagnante lors de l’épisode des Gilets jaunes. Mais c’est précisément parce qu’aucune leçon n’a été tirée de cette première alerte démocratique que cette même issue semble improbable. Certes, les scènes spectaculaires de guérillas rurales qui ont eu lieu, samedi, autour de la retenue d’eau de Sainte-Soline (Deux Sèvres), ont permis à l’Etat de s’affirmer en rempart d’une extrême-gauche écologiste, fanatisée et hyper-violente. Mais la macronie est elle-même comptable de ces factieux qu’elle a protégés. Selon le discours officiel, seule « l’extrême droite » était sensée être le danger pour la République. Le récent procès des Barjols, groupes soi-disant terroriste, a pu montrer la réalité du profil de ces Pieds-Nickelés bas du front. 

Dans son entretien télévisé de mercredi dernier, Macron a mis en alerte contre de possibles épisodes semblables à ceux de la prise du Capitole américain par des partisans de Trump, ou des institutions brésiliennes par des pro-Bolsonaro. Mais ce spectre de l’extrême droite, toujours agité par Macron, aveugle sur la réalité du totalitarisme de l’extrême gauche, coupée du peuple et du monde rural. C’est cette France des Oubliés qui proteste à nouveau. Je la décris et la soutiens ici depuis longtemps. C’est elle qui n’a pas dit son dernier mot.

Par Ivan Rioufol le 27 mars 2023

Le Blog d'Ivan Rioufol

vendredi 24 mars 2023

Macron : la quintuple impasse face à la crise

 


Par Jean-Yves Le Gallou, président de la fondation Polémia le 23 mars 2023 

La Ve République entre dans sa soixante-cinquième année. Bravo ! C’est un régime – mi-présidentiel, mi-parlementaire – qui a montré une grande souplesse d’adaptation. Ainsi, l’histoire politique fournit-elle une multitude de réponses possibles pour sortir d’une crise. Mais toutes sont des impasses aujourd’hui. Revue des options.

La dissolution

Elle a été utilisée à deux reprises. En 1968 par le général de Gaulle et en 1997 par Jacques Chirac.

Grand succès en 1968 avec une « chambre introuvable » mais trouvée contre la chienlit et qui fit… le contraire de ce qu’attendaient ses électeurs, en particulier sur l’école et les universités !

Bel échec en revanche, en 1997, où c’est la gauche qui ramassa la mise… et qui, elle, mit en œuvre son programme avec Jospin.

La dissolution est peu envisageable aujourd’hui car trois forces s’affrontent – NUPES, RN et LREM – et aucune ne semble en passe de l’emporter seule. Dissoudre pour retrouver la même situation rappellerait la République de Weimar.

La cohabitation

Pratiquée par Mitterrand en 1986 et Chirac en 1997, la cohabitation consiste à confier à son adversaire les rênes du gouvernement. Mais cohabiter avec qui ?

Avec Marine Le Pen ? Cela reste toujours impensable après vingt ans de tentatives, souvent pathétiques, de dédiabolisation.

Avec Jean-Luc Mélenchon ? Peu envisageable aujourd’hui sauf si la NUPES devenait majoritaire après une dissolution.

Alors avec qui ? Un LR avec un poids suffisant pour polariser – en bien ou en mal – autour (ou contre) lui ? Mais qui ? Sarkozy ? Difficile tant il est empêtré dans son futur procès libyen et alors même qu’il n’est pas certain que suffisamment de députés LR le suivraient.

Le référendum

Il a été utilisé par de Gaulle en 1969. Encore faudrait-il accepter de démissionner en cas de défaite.

L’annulation de la loi sur les retraites par le Conseil constitutionnel

Il s’agirait d’un tour de passe-passe qui renforcerait la dictature des juges. Mais que deviendrait un Macron encore plus affaibli ?

La démission

De Gaulle le fit en 1969 mais Macron, l’enfant gâté narcissique, y serait-il prêt ? Il est vrai que les oligarques qui l’ont mis en place pourraient être tentés de le débrancher. Déjà les médias sont passés du léchage au lâchage… En attendant le lynchage ?

Alors Macron/exfiltration ? Mais pour mettre qui ? Son camarade – à un an près d’écart – du groupe de Bilderberg et du Forum de Davos, Edouard Philippe ? Mais qui cela fera-t-il rêver ?

Car Macron, fut-il (c’est plutôt flatteur pour lui) comparé à Néron ou à Caligula, voire à Héliogabale, ce n’est pas le seul problème. La vraie question c’est l’inconséquence des choix français.

Nœud gordien

Choix énergétiques (Sarkozy, Hollande, Macron) qui ont mis à bas l’avantage nucléaire de la France.

Choix géopolitiques d’alignement sur l’OTAN et les sanctions contre la Russie : des sanctions qui coûtent beaucoup plus cher aux « sanctionneurs » qu’aux sanctionnés.

Choix migratoires – 500 000 entrées en 2022 – qui plombent les comptes publics, tirent les salaires à la baisse et font exploser le prix des logements.

Choix médiatico-politiques aboutissant à exclure du jeu le RN, c’est-à-dire le tiers des électeurs, rendant impossible de trouver une majorité.

Choix idéologiques consistant à opposer les immigrés aux Français, les femmes aux hommes, les vieux aux jeunes, en détruisant ainsi tous sens du commun.

Au-delà du Grand Remplacement, c’est le Grand effondrement. Un jour viendra où il faudra bien sortir des discours démagogiques – comme les dernières élections présidentielles en ont été l’occasion – et affronter les dures réalités en face.

Un jour viendra où il faudra parler un peu moins de la « planète » ou de la « communauté internationale », faux nez de l‘État profond américain, et se poser la question de l’intérêt national et… des efforts à faire.

Qui dira aux Français que la question du pouvoir d’achat et des retraites n’est qu’une vaste blague tant qu’on ne change pas de politique migratoire, de politique internationale, de politique énergétique ?

Qui tranchera le nœud gordien ? La question avait été posée par Georges Pompidou à l’automne 1968… Elle reste d’actualité à l’heure d’un mars 2023.

Polémia


mercredi 1 mars 2023

Cette colère que Macron ne voit pas venir



En mars 2018, à l’issue d’un périple dans la France profonde, Emmanuel Macron déclarait, à Loches (Indre-et-Loire) : « Je n’ai pas senti la colère ». 

Huit mois plus tard, le chef de l‘Etat était démenti par les Gilets jaunes. Venus des provinces et de leurs ronds-points, ils déboulaient sur les Champs Elysées pour faire voir à tous, à travers le gilet de la sécurité routière, leurs exaspérations face à un pouvoir aveugle et sourd. Samedi, lors de sa visite au Salon de l’agriculture, à Paris, Macron a renouvelé son analyse si peu prophétique : « Je ne sens pas la colère, je sens une inquiétude ». La même cause (le déni) produisant généralement le même effet (la révolte), il faut donc se préparer à une expression de plus en plus radicale de la France d’en bas, en dépit des dénégations présidentielles. Cela fait plus de cinq ans que les Français oubliés subissent l’arrogance de la macronie. Elle se bouche le nez devant des revendications jugées « populistes » au prétexte qu’elles n’entrent pas dans le moule du système voulu par les « élites ». 

Alain Minc, le 21 février sur RTL, a eu l’honnêteté de reconnaître que la réforme des retraites n’avait d’autre but que de rassurer les marchés financiers qui financent les 3000 milliards d’euros de dettes publiques. Ce raisonnement peut évidemment se comprendre : encore faudrait-il qu’il soit assumé par le gouvernement, ce qui n’est pas le cas

Le chef de l’Etat a épuisé depuis longtemps son originalité initiale. « Pensez printemps », lançait-il en 2018 en reprenant la formule du philosophe Alain. « Pensez printemps », a-t-il redit début janvier 2023 en appelant une nouvelle fois à « conjurer les esprits tristes ». Ces mots creux, répétés par un disque rayé, illustrent l’appauvrissement intellectuel du pouvoir. Il tourne sur lui-même, se pousse du col, mais se montre uniquement préoccupé par sa propre survie. Dans ce contexte de fin de règne, la journée du 7 mars fera mesurer le degré d’insurrection qui parcourt la société en colère. Les syndicats veulent faire de cette date un jour de blocage, voire de grève générale. 

Je reste dubitatif sur leur capacité à aimanter tous les mécontentements, d’autant que les leaders de la CFDT et de la CGT persistent à rejeter le Rassemblement National, désormais premier parti ouvrier. Pour autant, les retraites ne sont déjà plus le seul sujet de mobilisation. L’inflation des produits de consommation courante, le déclassement des zones rurales, l’invisibilité de la France périphérique, le sentiment de dépossession culturelle et identitaire qui gagne les classes populaires enracinées sont autant de possibles ressorts, aujourd’hui disparates, pour l’expression d’une colère plus collective. Macron ne voit rien venir ? Aux Français de lui démontrer, une fois de plus, son erreur.

Par Ivan Rioufol le 28 février 2023

Le Blog d'Ivan Rioufol


vendredi 10 février 2023

La résurrection des syndicats est un théâtre de grands boulevards



Cette fois, ce sont les agriculteurs qui débarquent ce mercredi à Paris. Ils entendent protester contre l’inflation des normes phytosanitaires imposées sous la pression des écologistes, notamment aux producteurs de betteraves sucrières qui supportent des importations déloyales. Ce « monde du travail » des champs n’est pas moins respectable que celui des villes qui emplit les médias. L’apparente résurrection de la CGT, de la CFDT ou de Sud dans les manifestations « du peuple » masque l’absence d’une partie des classes populaires. Celles-ci se tiennent à l’écart de ces antiques processions conservatrices. Cette France d’en bas, rappelle le géographe Christophe Guillhuy (1), « ne demande pas la charité, mais un travail correctement rémunéré et encadré par le droit qui lui offre une sécurité ». Le rejet du travail supplémentaire, clef de voute des mouvements qui mobilisent prioritairement la fonction publique et les salariés des grandes entreprises privées, n’est pas une obsession partagée par tous. 

Le « droit à la paresse », revendiqué par Sandrine Rousseau (EELV) en même temps que l’assistanat, est un idéal citadin qui n’est pas celui de la France rurale et travailleuse. Celle-ci est largement plus préoccupée par son effacement politique, l’inflation qui vient, voire la guerre qui se précise. Les agriculteurs mécontents révèlent une partie de cet autre monde oublié. Ils font partie de cette France modeste qui porte un idéal qui dépasse les seules revendications matérialistes ou consuméristes.

A Paris, les défilés de mardi ont rassemblé 57.000 manifestants, dans un rituel syndical immuable depuis des décennies. Reste que ce théâtre de grands boulevards s’essouffle. La CGT menace d’ailleurs de « monter d’un cran » et de radicaliser les oppositions. Les députés de la Nupes ont déjà pris de l’avance en semant à l’Assemblée un désordre qui contraste avec la bonne tenue de la rue.  En réalité, la capitale n’est plus le lieu où se lançaient jadis les grands mouvements de protestation, voire les révolutions. Déjà il y a quatre ans, les Parisiens s’étaient gardés de rejoindre les Gilets jaunes débarqués des provinces pour tenter de réveiller le monde d’en haut. 10.000 «  foulards rouges », bourgeois de Paris affolés par la plèbe, avaient même défilé aux cris  pavloviens de : « Le fascisme ne passera pas ! » (voir mon blog du 28 janvier 2019)

En fait, les plus modestes ont été chassés des grandes métropoles, et de la capitale tout particulièrement, devenue financièrement inabordable. Comme le remarquait Pierre Vermeren dans Le Figaro du 1 er février, « cette situation a contribué à la disparition du peuple de Paris au tournant du XXI e siècle, un des plus grands phénomènes sociologiques de notre temps. Avec lui, la gouaille, l’humour et l’impertinence ont quitté les rues de la capitale ». 

L’OPA des syndicats sur le peuple ne doit pas faire illusion.

Par Ivan  Rioufol le 10 février 2023

Le Blog d'Ivan Rioufol

mardi 24 janvier 2023

Le conflit sur les retraites occulte la vraie guerre qui vient



La tension entretenue par les syndicats et le pouvoir autour des retraites invite à penser petit. Ces vieux acteurs sont à leur aise dans cet énième jeu de rôle. Il permet à la gauche épuisée de se refaire une santé médiatique, et au président immobile de se prétendre réformateur audacieux. Mais ce bras de fer, qui se conclura par des aménagements de la réforme après d’autres processions syndicales, n’est que la perpétuation d’un vieux monde finissant, victime sa mentalité étriquée. 

Seule une extrême légèreté permet de se passionner encore pour savoir s’il faut travailler un peu plus longtemps, tandis que la perspective d’une troisième guerre mondiale se rapproche à grands pas. Cette réforme, contre qui des jeunes sans horizons se sont mobilisés samedi à Paris à l’appel de LFI, occulte les autres grands bouleversements qui ébranlent ce siècle, à commencer par l’irruption de la France oubliée. Dans Le Figaro de ce lundi, le géographe Christophe Guilluy rappelle que la « majorité ordinaire est le seul ensemble socioculturel cohérent, le seul socle sur lequel on puisse reconstruire un dessein politique commun. » Selon Guilluy, la société s’est engagée dans un « mouvement existentiel » qui balaie les seules considérations sociales et matérialistes qui structurent les conflits sociaux habituels. Il explique : « Ce n’est pas seulement son pouvoir d’achat (de cette majorité ordinaire) qui est en jeu mais son être. Il ne manque qu’une étincelle pour qu’elle s’exprime dans la rue ou dans les urnes. Ce n’est qu’une question de temps. » De ce point de vue, il est peu probable que ce mouvement identitaire vienne se joindre à des syndicats déconnectés.

De tous les grands basculements en cours, celui du mondialisme est le plus vertigineux. Le 53 eme Forum économique mondial de Davos, achevé vendredi, a montré l’épuisement de cette idéologie élitiste qui prétendait conduire le monde dans l’indifférence de la vie des gens et du particularisme des peuples. La guerre en Ukraine est venue accélérer la recomposition de cet ordre mondial jadis dominé par seul camp occidental. « La Russie doit perdre », a-t-il été répété à Davos. Reste que les Occidentaux tardent à mesurer le nouvel équilibre qui s’installe autour de la Chine, de la Russie, de l’Inde, de l’Iran, de l’Arabie saoudite et de nombreux pays d’Afrique. 

La course à l’armement de l’Ukraine par ses alliés américains et européens précipiterait une généralisation du conflit. Hier, le couple franco-allemand, qui célébrait son soixantième anniversaire à Paris, n’a pas exclu de fournir à Kiev des chars Leclerc et Léopard 2, en cas de feu vert des Etats-Unis. Or rien ne serait plus dangereux que cette montée aux extrêmes. En réalité, le faux couple franco-allemand ne pèse rien, dans cette guerre, face au couple polono-américain qui entend maîtriser le calendrier d’une défense ukrainienne qui pourrait devenir offensive. 

La France, qui se déchire sur les retraites, avance aveuglement vers une guerre inutile. Ce vieux monde doit dégager au plus vite.

Par Ivan Rioufol le 24 janvier 2023

Le Blog d'Ivan Rioufol

mardi 17 janvier 2023

Retraites : le défilé attendu du vieux monde



Le vieux monde s’accroche. Il fait la une de L’Humanité ce lundi : huit hommes et une femme, dans un montage photographique rétro où le patron de la CGT, Philippe Martinez, semble fédérer les autres leaders syndicaux, unis contre la réforme des retraites. « Les syndicats d’une seule voix », titre le journal communiste. Martinez promet un million de personnes dans les rues jeudi. Mais c’est une voix d’outre-tombe qui résonnera. Il est peu probable que les Français, bien qu’opposés majoritairement au projet du gouvernement, se rallient à des syndicats inconséquents, qui ne représentent plus que 7 à 11% des salariés. C’est le patron de la CFDT, Laurent Berger, qui a appelé en 2022 à voter pour la réélection d’Emmanuel Macron en dépit de sa volonté affichée de repousser l’âge de départ à 65 ans. C’est la CGT qui a appelé, avec d’autres syndicats, à faire barrage à Marine Le Pen et donc à voter pour le président sortant. 

Ces gens-là ne peuvent feindre de découvrir un projet qu’ils ont avalisé, au nom de la lutte contre le « populisme » et « l’extrême droite ». Dans la « guerre » qu’ils ont déclaré à la réforme, ils savent qu’ils ne pourront aller, avec l’appui de grèves paralysantes, jusqu’à la défaite de Macron. Au risque de pousser le président vers la sortie en réactivant la seule solution alternative envisageable actuellement : celle du Rassemblement national. Ces processionnaires, qui avaient montré leur hostilité aux premiers Gilets jaunes venus les défier, illustrent la faillite du progressisme dogmatique.

Les syndicats  ne parlent pas avec les mots des Français. S’ils partagent en apparence un même rejet de la réforme, leur vision est limitée à leur propre survie. La France est traversée par une envie révolutionnaire. Mais celle-ci est portée par un rejet de la gauche et de ses idéologues. La France Insoumise, à cause de ses outrances, a laissé voir sa face répulsive d’une formation clanique et autoritaire. La révolution qui s’observe n’est pas à rechercher chez les vieux acteurs du mouvement social. Ils tentent d’occuper la scène en menaçant de leur pouvoir de nuisance. Ceux-ci n’oseront jamais se rallier au « Tout sauf Macron », au risque de promouvoir Marine Le Pen. 

Même si le mouvement des Gilets jaunes s’est apparemment éteint, les braises demeurent. C’est un monde actuellement silencieux, excédé d’avoir été trahi par ses prétendus porte-parole, qui est prêt à en découdre. La moindre étincelle peut mobiliser une opinion léthargique. L’émotion et l’affect ne sont pas à négliger dans ces révoltes, dont les prémices sont portées par un même sentiment de conservation. Les indignations liées aux atteintes portées aux églises à abattre, aux statues de la Vierge ou de Saint Michel à déboulonner sur l’Ile de Ré ou aux Sables d’Olonne sont des indices. Ils s’ajoutent à la révolte du village breton de Callac, qui a refusé de devenir le laboratoire d’un village multiculturel. 

La société bouillonne, en coulisses pour l’instant. Elle dit : « Touche pas à ma France ! » Gare au réveil. 

Par Ivan Rioufol le 17 janvier 2023

Le Blog d'Ivan Rioufol

jeudi 10 novembre 2022

L’attitude de blocage de la CGT nous rappelle l’impérieuse nécessité de réformer le syndicalisme français

 

C’est une actualité dont les Français se seraient bien passés. Alors que notre pays fait face à une grave crise énergétique, doublée d’un risque de récession, un autre choc, résultant d’une volonté délibérée, est venu encore aggraver les difficultés des Français ; pour une fois ce n’est pas l’incompétence du gouvernement qui est en cause. La grève préventive engagée à l’initiative de la CGT révèle, une fois de plus, un pouvoir de nuisance inversement proportionnel à sa représentativité. Une centaine de grévistes ont suffi à limiter l’approvisionnement en carburant de l’ensemble du pays.

En instrumentalisant une controverse sur les « superprofits », la CGT s’est de facto positionnée en tant que profiteuse de guerre, son pouvoir de négociation étant évidemment décuplée par les crises en cours ; nous la savons coutumière du fait… On se souvient des nombreuses grèves au sein de la SNCF, opinément positionnées avant les départs en vacances ou encore la façon dont la CGT Dockers mine la compétitivité du port du Havre par des opérations « port mort » et dont les motifs sont parfois sans rapport avec leur métier, comme l’exigence en 2020, du retrait de la réforme des retraites.

La radicalité devient alors un moyen d’exister politiquement et médiatiquement pour faire oublier leur déficit de représentativité auprès des salariés.

Ce chantage syndical et ces blocages sont d’autant plus inacceptables que moins d’un salarié du privé sur dix est syndiqué, soit le taux le plus faible des pays riches de l’OCDE. En 70 ans, le nombre de syndiqués a chuté de plus de 70%.

À cela, ajoutons qu’environ les deux tiers des salariés du privé, 12 millions, travaillent dans des déserts syndicaux, tandis que le noyau militant et sociologique du syndicalisme français contemporain est constitué des salariés ayant un statut particulier et travaillant dans des grandes entreprises nationales (SNCF, EDF, GDF, RATP, Aéroports de Paris, Arsenaux…), des agents des fonctions publiques d’Etat et territoriale ou encore des salariés des sociétés d’économie mixte. En clair, ce sont avant tout les catégories de salariés les plus protégées qui constituent l’essentiel des militants syndicaux.

Tout naturellement, leurs préoccupations et leur vision du monde imprègnent l’ensemble du mouvement syndical. Ainsi, la CGT préfère par exemple défendre la régularisation des sans-papiers plutôt que de lutter contre le chômage et pour le plein emploi. Non contents d’abandonner les chômeurs qui ne sont ni adhérents ni une clientèle rentable, la CGT alimente le dumping social en défendant les sans-papiers dont la venue sur le sol français fait pression à la baisse sur les salaires des salariés. Mais après tout dans leur esprit, il ne s’agit que des salariés du privé…

Cette situation nuit profondément à la qualité du dialogue social de terrain : les négociations s’en trouvent déséquilibrées et les accords passés ont une moindre légitimité. Pas surprenant que, dans ces conditions, près de 6 Français sur 10 considèrent que les syndicats de salariés sont davantage un élément de blocage que de dialogue.

Cette situation interroge d’autant plus que les syndicats disposent en France d’un pouvoir considérable au travers du paritarisme qui leur permet de participer à la gestion des caisses de sécurité sociale, des retraites ou encore des allocations chômage. Est-il normal que la protection sociale, publique ou privée, soit assise sur le paritarisme, qui est de moins en moins représentatif, alors que son poids économique constitue plus du double de celui de l’État qui, lui, repose sur la représentation nationale ?

Cette situation est encore aggravée par le fait que les syndicats de salariés ne sont que très minoritairement financés par les cotisations de leurs adhérents, la plupart de leur fonds provenant des subventions publiques massives et des contributions obligatoires payées par les entreprises ; c’est d’ailleurs bien là qu’est le scandale.

En 2020, ce sont plus de 81,5 millions d’euros qui leur ont ainsi été versés par ce biais. De cette manne financière colossale, la seule CGT a reçu 18,1 millions d’euros. Ce modèle de financement massif des syndicats par le contribuable et les contributions des entreprises est une exception française en Europe. En effet, là où les adhésions représentent près de 80% des ressources des syndicats dans certains pays, en France elles ne pèsent que pour moins d’un tiers  du financement des organisations syndicales comme la CGT ou FO. Et c’est sans compter sur la manne issue de la gestion de la formation professionnelle, dont l’attribution est particulièrement opaque et qui pourrait représenter 10% du budget des grandes centrales syndicales.

Ce déséquilibre et cette opacité budgétaire, mis en lumière par le rapport Perruchot en 2011, en font des rentiers, plutôt que des outils au service de l’intérêt collectif des salariés, à qui ils n’estiment la plupart du temps n’avoir aucun compte à rendre.

L’intérêt des salariés est donc de moins en moins le moteur de l’action syndicale, mais un prétexte, un marche pied, pour défendre un agenda politique et non syndical. On peine en ce sens à comprendre l’hommage rendu par Philippe Martinez, Président de la CGT, à Yasser Arafat ces dernières semaines. Quel est le rapport avec le syndicalisme ? Les salariés français ont-ils voté pour cela ?

Dès lors, l’objectif le plus immédiat est de réduire drastiquement les sources de financement hors adhésions aux syndicats. Un syndicat doit pouvoir subvenir seul à ses besoins en se finançant grâce à l’adhésion qu’il suscite chez ceux qu’il aspire à représenter. L’indépendance est aussi à ce prix.

En outre, une réforme syndicale digne de ce nom doit rechercher davantage de pluralisme afin de ne plus laisser la place principale à quelques bastions ultra-politisés, une autre regrettable spécificité française.

Pour cela, il faut revenir sur le monopole dont disposent les syndicats représentatifs au premier tour des élections professionnelles. En l’absence de candidats syndiqués, c’est uniquement au second tour que les salariés retrouvent une véritable liberté de choix, avec la possibilité pour des salariés non syndiqués de se déclarer candidat. Dans nombres d’entreprises, la mise en concurrence avec de nouvelles listes permettra une émulation salutaire, une meilleure prise en compte des besoins du terrain, voire l’apparition de nouveaux syndicats plus représentatifs.

Nous devons également obliger les responsables syndicaux à maintenir une activité de salarié, pour éviter la multiplication des apparatchiks syndicaux et afin qu’ils conservent le contact avec le terrain. Il pourrait être envisagé en ce sens de diminuer les heures de délégations dans certaines situations, d’élargir le non-cumul des mandats et de limiter les mandats successifs à deux pour une même personne.

Enfin, pour compenser la perte de la manne non issue des adhésions, la généralisation du chèque syndical au-delà d’un certain seuil d’effectif pourrait être une piste. Il s‘agit d’une somme qu’une entreprise alloue chaque année à ses salariés pour qu’ils puissent avoir le choix d’adhérer ou pas à un syndicat et qui, si elle n’est pas utilisée, retourne dans les caisses de l’entreprise.

Toujours dans l’esprit d’inciter davantage les salariés à s’impliquer dans le dialogue social, il pourrait être imaginé d’importer un modèle pratiqué dans certains pays étrangers : à savoir, que les décisions obtenues à l’issue des négociations ne s’appliquent qu’aux salariés syndiqués et non à l’ensemble des salariés. De cette façon, les syndicats seront incités à négocier des accords gagnant-gagnant, plutôt que d’adopter des postures idéologiques et de faire le choix du blocage par principe. En outre, les salariés trouveraient un véritable intérêt à adhérer.

Une économie ne peut fonctionner sans un dialogue social constructif. Trop souvent en France, les syndicats contribuent à jouer sur les oppositions : employés contre chefs d’entreprise, ou encore actionnaires contre salariés. Pourtant, ces catégories n’ont pas  vocation à s’opposer mais ont, au contraire, un intérêt commun à ce que l’entreprise réussisse.

Pour briser la culture syndicale contestataire et contre-productive, il est impératif que les travailleurs français réinvestissent le champ syndical dans un système réformé, indépendant et pluraliste.

Par Marion Maréchal, vice-présidente de Reconquête ! le 10 novembre 2022

Marion Maréchal