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mardi 28 mai 2024

L’identité ethnique autorisée : l’enviable privilège canaque



Référendums et démographie

En nouvelle Calédonie, trois référendums ont repoussé la solution de l’indépendance de ce territoire d’outre-mer isolé à 17 000 kilomètres de la Métropole. Marine Le Pen, la madone de Mayotte, ne va-t-elle pas jusqu’à en proposer un quatrième ? Et pourquoi pas un tous les 5 ans, dans l’espoir d’une remontée démographique de la composante mélanésienne ? Pourtant, le corps électoral a été bidouillé pour complaire aux indépendantistes canaques (et non pas Kanaks à la mode illettrée), les citoyens français qui ne résidaient pas en Nouvelle-Calédonie avant 1998 étant privés du droit de vote (dans l’attente de leur extinction naturelle selon les indépendantistes). Mais la tentative réitérée de pallier le caractère démographiquement minoritaire de l’ethnie aborigène a encore et encore échoué, les Canaques ne composant pour l’instant que 41 % de la population.

Le retour de la question ethnique

Il est symptomatique de constater que, lorsqu’il ne s’agit pas des droits et de la sauvegarde de l’homme blanc européen, la question ethnique se retrouve miraculeusement libérée des tabous et interdits. Sous l’égide des Nations-Unies, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et de la République, cela ne pose aucun problème de conscience ou de droit. Seul le Blanc a vocation à disparaître dans ce que Jean-Luc Mélenchon appelle avec gourmandise la créolisation.

Il ne s’agit pas de demander que l’on retire au peuple canaque ses droits ethniques, mais que ceux-ci soient également reconnus aux Français de sang, indigènes de l’Hexagone, puisque nous « sommes tout de même avant tout un peuple européen de race blanche, de culture grecque et latine et de religion chrétienne » (De Gaulle, 1959). Mais, chut ! Pour l’heure faute de privilège canaque, les Français de souche européenne doivent se taire, au nom de la Loi (lois Pleven, Fabius-Gayssot, Lellouche et Perben II) et des nouveaux traités inégaux auxquels nous soumettent nos dirigeants.

Libérer la France des confettis de l’empire 

L’époque de la conquête du monde par une Europe puissante et dynamique est révolue. L’expansion impériale avait permis de découvrir le monde et de l’éveiller, avec de belles aventures pour les explorateurs, les missionnaires, les scientifiques et les entrepreneurs. Certains d’entre eux ont certes fait fortune, mais il aura fallu pour cela que les États colonisateurs fassent des dépenses somptuaires pour établir des structures modernes, routes, ports, chemins de fer, hôpitaux, aéroports etc. sans plus de profits pour eux.

Ceux que Jean-Claude Guillebaud a appelé Les Confettis de l’Empire (titre de son livre de 1976) devraient connaître enfin l’heure de cette décolonisation à laquelle aspirent les Canaques, sauf que l’importance de la population non mélanésienne de cet archipel des antipodes devrait dans le cas précis imposer la partition.

Le coût de l’empire, sans la grandeur corrélative de la France, c’est jeter nos impôts dans le tonneau des Danaïdes ! Avec pour seul retour l’envie et l’ingratitude.

Faute de présider la France, Marine Le Pen, qui réfute maintenant le principe de la remigration puisqu’elle reproche ce projet à l’AfD allemande, pourrait prétendre présider Mayotte (ou les Comores en cas de réunification de de cet archipel de l’Océan indien). Sa campagne électorale serait toutefois difficile, faute de pouvoir proposer le maintien ne varietur des allocations familiales, cette ultime colonne de l’Empire…

Par Eric Delcroix le 28 mai 2024

Polémia

jeudi 12 mai 2022

Guerre en Ukraine. L’ombre de Staline

 


Par Eric Delcroix, juriste, essayiste et écrivain, auteur de Droit, conscience et sentiments le 12 mai 2022♦ La guerre russo-ukrainienne, c’est le point Godwin à tout va : la lutte entre le « nouvel Hitler » (Poutine) et les « nazis ukrainiens » d’Azov , héritiers de Stepan Bandera. Une guerre des propagandes aussi ridicule que peu explicative. Pour Eric Delcroix, c’est le souvenir du stalinisme et des morts de la grande famine (Holodomor) qui explique la résistance ukrainienne. Tout comme les possibles crimes de guerre de l’armée russe, héritière des traditions de  violences soviétiques de la seconde guerre mondiale. Un point de vue à (double) contre-courant à prendre en compte dans une analyse plurielle des événements, en gardant en tête qu’il reste difficile d’acquérir une connaissance objective de la situation sur le terrain.
Polémia

 

La Russie de Vladimir Poutine n’a cessé de faire l’objet de provocations, malveillances et humiliations de la part des États-Unis et de leurs vassaux de l’OTAN. Récemment, l’Allemagne, le premier et le plus fidèle de ces vassaux, a cru pouvoir s’offrir une audace sans conséquence morale, savoir établir avec la Russie le fameux gazoduc Northstream II. Se serait-il passé en coulisse à point nommé quelque chose que le public ignore, à l’heure où ce gazoduc allait être mis en service ?

Quoi qu’il en soit, l’armée russe est entrée en Ukraine le 24 février, dressant contre cette agression la population ukrainienne, apparemment composante russophone incluse. Ne réussit pas l’Anschluss qui veut, réalité qui peut échapper à un ancien agent du KGB…

L’hystérie « antinazie » partagée

Avec une déraison très assumée, l’homme qui a fait du 9 mai, commémoration de la capitulation du III° Reich, la fête nationale russe cultive ainsi une mythologie communiste, celle de l’antifascisme moral. Cette mystique, redoutablement efficace, a été créée par le VII° congrès du Komintern (1935) à l’initiative de Staline et répandue par ce génie de la propagande que fut Willi Muezenberg (1989-1940). D’où les « fronts populaires » qu’a connus l’Europe ça et là (en France encore de nos jours avec l’immarcescible le « Front républicain »).

Le succès de ce proto wokisme soviétique fut à long terme fatal à l’URSS, les marxistes eux-mêmes étant passés au fil du temps du matérialisme historique au moralisme idéaliste…

Or que constate-t-on dans le discours de Poutine ? L’omniprésence de la justification suprême, savoir la lutte contre les « nazis » ou « néonazis ». Et, non seulement cette incongruité burlesque ne fait pas rire, mais la rhétorique est reprise par le président ukrainien pour qui ce sont les Russes qui sont des « fascistes » ! Évidemment il n’y a, de part et d’autre ni hitlériens ni fascistes. Et si les nationalistes ukrainiens célèbrent Stepan Bandera (1909-1959), qui lutta un temps contre les communistes au côté de la Wehrmacht, cela n’en fait pas des « nazis ».

De part et d’autre, l’anti-soviétisme ne fait pas recette dans l’élite, alors même que la terre d’Ukraine est remplie des charniers soviétiques et que l’Holodomor (famine provoquée par Staline en 1935) et illustré par le film l’Ombre de Staline[i], avec des millions de morts, paraît très présent dans la mémoire populaire sous-jacente. Itou pour le Goulag…

En l’absence de catharsis, le mensonge perdure

Nombre de chroniqueurs regrettent l’absence de « Nuremberg du communisme », naïveté de ceux qui croient que la justice peut faire bon ménage avec la politique et l’Histoire.

En revanche, il serait temps que toutes les archives soviétiques puissent être ouvertes aux chercheurs. Mais ce n’est pas la voie choisie par Poutine qui, peu avant l’agression contre l’Ukraine a dissout l’association Mémorial, dont c’était l’un des objets. Les anciens soviétiques n’ont pas fait leur catharsis…

Évidemment, il ne serait plus possible de maintenir la fête du 9 mai, si les Russes se voyaient rappeler que leurs ancêtres tombés par dizaines de millions étaient largement mus par la Terreur[ii]. Les vagues d’assauts, mal commandées, étant suivies de troupes dont le rôle était d’abattre les récalcitrants. Le NKVD avait droit de vie ou de mort sur tout militaire quel qu’en fut le grade. Combien des membres du « Régiment des immortel », cher au président russe, ont-ils été tués par les agents staliniens ?

L’Ukraine de Zelensky ne sort pas de ce jeu. Les autorités de Kiev ne rappellent même pas le passé soviétique : saisissant ! Si l’armée russe se comporte si mal, c’est qu’elle est l’héritière de l’Armée soviétique. Tout le reste n’est que propagande.

En conclusion

Cette lutte où chacun voit en l’autre un suppôt de Hitler a quelque chose de grotesque qui devrait modérer l’enthousiasme des tiers observateurs que nous sommes.
Cela étant, il n’est pas possible, à part soi, de ne pas réprouver l’attitude de la Russie en Ukraine et de ne pas avoir de la sympathie pour une population en butte à une soldatesque incorrigiblement néo-soviétique.
Il n’est pas possible non plus de ne pas admirer l’héroïsme des défenseurs de Marioupol, face à une armée sans merci, car historiquement étrangère au sens de l’honneur militaire.

Hitler est mort, pas Staline dont l’ombre plane toujours sur la Russie et l’Ukraine.

[i]       Film d’Agnieszka Holland, 2019.
[ii]      Voyez, la Guerre d’extermination de Staline, par Joachim Hoffman, Editions Akribeia, 2012.