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vendredi 18 août 2023

Insécurité : le climat continental sévit en Corse !



L’agression au couteau d’un jeune Calvais, quelques jours auparavant, par Abdel B. et Ilyas S. avait déjà gravement appesanti le climat ambiant. Les menaces de mort proférées contre deux agents municipaux d’Ajaccio par deux dealers, ce 16 août, ont achevé d’acter le changement climatique régnant sur l’Île de Beauté. Ce mois d’août 2023 pourrait bien être une bascule pour les habitants de Corse qui se sont réveillés, pour beaucoup, plus français (dans le mauvais sens du terme) que la veille...

Ils n’avaient jamais vu ça. Déjà, le mois d’avril 2023 a vu, en Corse, une vague de profanations et de dégradations d’œuvres pieuses. Dans la (du moins culturellement) très catholique Corse, la série de dégradations du patrimoine religieux avait scandalisé l’opinion locale et les responsables politiques. « Mais dans quelle société vivons-nous ? » s’était ému le conseiller municipal ajaccien Christian Bacci, en mai dernier, après la décapitation d'une statue de la Vierge.

Après la métropole, la Corse touchée par l'insécurité

La question, née de l’émotion, est en réalité profonde pour nos compatriotes corses : que devient la société corse ? Quel glissement est en train d’opérer ? Pour les différentes voix du nationalisme corse, le diagnostic est clair. « Ceux qui nient nos valeurs et nos codes culturels n’ont pas leur place en Corse. Il n’y a qu’une communauté de droit sur cette terre : le peuple corse ! » avait sèchement réagi « Core in Fronte », dans un communiqué publié le 13 août dernier. Au même moment, le Parti de la nation corse (PNC) affirmait, dans un autre communiqué, que « la Corse ne peut s’inscrire dans une trajectoire de banlieue avec des comportements importés des grandes métropoles ». Le diagnostic est donc clair, pour les locaux : la Corse se francise mais Molière n’a pas grand-chose à voir là-dedans.

« Tout ce qui se passe en France met un peu moins d’une génération à arriver en Corse », affirme Nicolas Battini. Le patron de l’association U Palatinu défendant l’identité corse a décroché son téléphone alors qu’il descendait à Ajaccio pour une manifestation civile protestant contre l’insécurité sévissant sur l’île. « Le trafic de drogue n’a rien de nouveau, en Corse », rappelle Battini, faisant référence au grand banditisme. « Ce qui est nouveau, poursuit-il, ce sont les tentatives de contrôle territorial et de partition qui demeurent un phénomène totalement inédit », conclut-il.

« Passatu u santu, hé compia a festa. » Le proverbe corse qu’on pourrait grossièrement traduire par « l’immédiateté prime, les gens ont la mémoire courte » est plus que jamais utilisé. Après l’agression au couteau ayant envoyé le fils de commerçants réputés de Calvi en soins intensifs, la réaction avait été immédiate. « Une réaction populaire a entraîné immédiatement la destruction du véhicule, du logement et d’un commerce fréquenté par le principal suspect », se remémore Battini, qui « ne cautionne pas de tels actes ».

Tandis que des Corses se rassemblent, ce 17 août, à Ajaccio pour s'opposer au communautarisme et à l'insécurité, on peut craindre - « même si certains l’espèrent plus que le craignent », sourit une source locale - de semblables réactions à celles qui ont enflammé Calvi. Contre cette longue dégradation du tissu social corse, l’enjeu est double, pour les autorités : lutter contre l’insécurité et prévenir les réactions populaires. Mais pour cela, comme en France, ce n’est pas tellement une histoire d’impuissance policière mais plutôt une éternelle affaire de courage politique. « L’affari longhi diventani sarpi » (« Les choses qui traînent s'enveniment », NDLR).

Par Marc Eynaud le 17 août 2023

Boulevard Voltaire

jeudi 29 juin 2023

Quand LFI se brûle à son propre feu !



Les policiers expérimentés sont formels. Les émeutes liées au drame de Nanterre et au décès du jeune Nahel tué par un policier après un refus d’obtempérer ressemblent en tout point aux échauffourées qui ont mis le feu à la France en 2005. L’origine présente d’ailleurs de grandes similitudes. Des jeunes poursuivis ou appréhendés par la Police, avec une issue fatale.

À la différence de 2005 néanmoins, les émeutes ayant éclaté en Île-de-France et ailleurs ont été abondamment filmées et diffusées sur les réseaux sociaux.  On y voit notamment le député LFI Carlos Mertens Bilongo pris à parti par des émeutiers et frappé. Son crime d’après les participants ? Vouloir récupérer à des fins politiques le courroux des dizaines de racailles brûlant et pillant çà-et-là. Un espèce de boomerang de réalité qui revient à la figure du député du Val de Marne. La France Insoumise n’a d’ailleurs pas souhaité commenter cette séquence qui a fait le tour des réseaux sociaux. Suffisamment pour que le député RN Grégoire de Fournas tweete un message de soutien ironique à son collègue de gauche. « J’adresse mon total soutien à Carlos Bilongo pris à parti par les émeutiers. Ensemble, remettons la France en ordre ! »a tweeté le député de Gironde dont la permanence et la voiture ont été dégradé dans la nuit par des émeutiers à Pauillac.

Dans une autre vidéo, datant elle aussi de la soirée de mercredi à jeudi, on aperçoit le maire Génération.s de Trappes, Ali Rabeh, pris à partie par ses propres administrés et mitraillé par des tirs de mortiers d’artifice.

Les pyromanes au service « grands brûlés »

Un déchaînement de violence qui vise donc aussi l’extrême gauche alors même que celle-ci s’évertue à souffler sur les braises. Ainsi, Jean-Luc Mélenchon enchaîne-t-il les tweets à charge contre la Police. Ainsi, le député de Roubaix et Wattrelos David Guiraud a-t-il refusé de lancer un appel au calme sur le plateau de BFM TV, pendant qu'une partie de sa circonscription brûlait. Et le maire de Trappes Ali Rabeh n’avait-il pas affirmé à Jordan Bardella sur le plateau de C8 en février 2022 que « son monde était en train de s’éteindre » ? « Ce monde-là, cette France-là, elle advient de gré ou de force, que vous l’aimiez ou que vous la rejetiez » avait presque menacé le maire de Trappes : « et elle s’imposera parce qu’elle s’impose déjà; et votre vieux monde, votre monde raciste est en train de s’éteindre, vous avez raison, vous le voyez et vous paniquez ». Ce matin, le premier magistrat de la ville des Yvelines était beaucoup moins arrogant : « Tous les appels à la raison ont été inutiles, déplore Ali Rabeh cité par Le Parisien. Je n’ai jamais vu une telle détermination à en découdre, chez des très jeunes. » On ne sait pas si la situation se calmera à Trappes, mais il est intéressant de voir Monsieur Rabeh goûter en avant-première la France qui a remplacé comme il le souhaitait notre « monde en train de s’éteindre ».

De manière presque guignolesque, le député du Nord Ugo Bernalicis s’est quant à lui plaint de la réaction du maire de Mons-en-Baroeul, Rudy Elegeest, à qui le député Bernalicis avait envoyé un message de soutien après les émeutes. Le maire lui a répondu « Arrêtez de faire votre guignol ». Une saillie que le député Insoumis dénonce juste après avoir retweeté les sorties hasardeuses de Jean-Luc Mélenchon sur « les chiens de garde appelant au calme ». C’est au fond tout le problème de la Nupes. Appelant à l’affrontement dans le confort feutré des plateaux télés et s’agenouillant une fois sur le terrain. Si ce n’est pas de l’incitation, cela s’apparente presque, au moins, à de la complicité passive.

Par Marc Eynaud le 29 juin 2023

Boulevard Voltaire

samedi 3 juin 2023

Proposition LIOT sur les retraites : quand la NUPES hurle mais ne vote pas !



C’est un détail, mais qui en dit long. Tandis que la commission des affaires sociales se penchait, ce mercredi, sur la proposition de loi du groupe LIOT visant à ramener à 62 ans l’âge de départ à la retraite, l’ambiance était électrique. Dans une salle trop petite et surchauffée par les passions, la commission a voté à une courte majorité la suppression de l’article abrogatif, vidant ainsi le texte de sa substance. Un vote rendu possible grâce au soutien des députés LR donnant à la majorité relative une courte majorité absolue. « C'est un vote clair et démocratique », s'est réjouie Élisabeth Borne lors des questions au gouvernement au Sénat.

Un vote qui a provoqué la fureur des élus de la NUPES, le chef de file Mathilde Panot en tête, dont les cris s’entendaient depuis le jardin de l’Assemblée nationale. « J’avais physiquement mal », se remémore un député présent.

Une souffrance de courte durée puisque, en protestation, les élus de la NUPES ont quitté à grand bruit la commission, laissant le RN seul avec LIOT pour s’opposer à la majorité. « Ils savent éructer mais sont incapables d’exercer leur responsabilité en votant », s’agace le député RN Emmanuel Taché de La Pagerie.

Certaine de ne pas pouvoir renverser l’issue du vote, la NUPES a donc quitté la salle, misant sur l’obstruction parlementaire lorsque le texte passera dans l’Hémicycle. En déposant plus de 3.000 amendements, la gauche espère donc tuer le texte vidé de sa substance et, par conséquent, réintégrer l’article abrogeant le retour à 62 ans supprimé en commission. « Si on n'a pas le temps de discuter de l'ensemble du texte, il reviendra en l'état initial en séance, il peut y avoir un intérêt à faire ça », déclarait Alexis Corbière à nos collègues de France Bleu.

Les cris contre l’efficacité

Sauf que la NUPES a, en quittant la commission, raté l’occasion de rejeter ce texte dénaturé par la majorité. La quasi-totalité de ses amendements ont été jugés irrecevables et seuls 39 ont été débattus assez rapidement. Les débats se sont poursuivis jusqu’au vote final, qui s’est donc déroulé sans les députés de la NUPES. « Ils ont rejoint l’Hémicycle pour mettre le bazar et nous ont lâchés pour le vote final », regrette le secrétaire de la commission, le député RN Christophe Bentz. D’autant que le député de Haute-Marne peut nourrir des regrets. Quelques minutes après le départ de la NUPES, plusieurs députés de la majorité ont quitté la commission, réduisant donc le nombre de voix et la marge de manœuvre de l’exécutif. « Il y avait un créneau pour rejeter le texte », croit savoir Bentz, qui poursuit : « J’ai interpellé le député LFI Hadrien Clouet en lui disant "Si vous revenez maintenant, on peut rejeter le texte". Mon collègue est allé rameuter les députés de son groupe mais on n’a vu personne revenir », tempête Bentz, qui a vu le texte entériné par la commission.

« S’ils étaient restés, on aurait pu renverser le vote », affirme son collègue des Bouches-du-Rhône Taché de La Pagerie. En bref, avec sa stratégie du coup de communication politique, la NUPES oublie de voter. Pendant que le LFI Boyard présente des lois sur le partage du compte Netflix, la désertion de la commission par la NUPES a permis au gouvernement de se sauver avec la complicité des LR.

Par Marc Eynaud le 3 juin 202

Boulevard Voltaire

lundi 3 avril 2023

Au RN, qui irait à Matignon ? Marine Le Pen tient à se préserver



Il est bien loin et bien éculé, le slogan « Mélenchon à Matignon ». La NUPES se déchire autour de la législative partielle de l’Ariège qui a vu la sortante Insoumise sortie par une dissidente PS, elle-même soutenue par les rebelles du Parti socialiste comme Carole Delga ou Nicolas Mayer. Pendant ce temps, le Rassemblement National fait face au problème inverse. Marine Le Pen l’a répété ce week-end. Elle ne suivra pas les pas d’Édouard Balladur, Édith Cresson ou encore Lionel Jospin. La patronne du groupe RN a été à nouveau catégorique dans une interview donnée au quotidien Ouest-France : en cas de victoire aux élections législatives, elle n’ira pas à Matignon.

« Les conditions présidentielles ministérielles ne sont pas de même nature. Marine Le Pen a une vision stratégique et politique, ce n’est pas une exécutante », explique, au téléphone, son conseiller spécial Philippe Olivier. Ne pas se carboniser à Matignon pour ne pas perdre de vue l’Élysée. L’accession à Matignon du Rassemblement National ne peut arriver qu’avec une éventuelle dissolution (toujours pas à l’ordre du jour) et une victoire écrasante du parti aux élections législatives anticipées. « Si nous gagnons sans majorité absolue, ce sera ingouvernable », nous confie un député RN qui cite en exemple le cauchemar vécu par le groupe Renaissance, trop souvent à la merci d’alliés de circonstance capricieux. « Ils n’auront même pas cette marge de manœuvre, qui voudrait s’allier avec le diable », soufflait, aux Quatre-Colonnes, un élu de la majorité, il y a quelques jours.

La route de l’Élysée ne passe pas par Matignon ?

François Fillon, Dominique de Villepin, Lionel Jospin, Édouard Balladur… L’histoire de la Ve République a démontré que Matignon était plus souvent le tombeau d’une carrière qu’une ultime étape avant l’Élysée. « L’erreur serait de voir l’accession à la fonction présidentielle comme une carrière dont l’étape serait Matignon », analyse Philippe Olivier. « Matignon n’est pas une sous-chefferie avant d’être chef », insiste-t-il. Olivier sait que les procès en amateurisme du RN, s’ils ont pris du plomb dans l’aile, ne sont pas si éloignés. Mais cela n’empêche pas le Rassemblement national de considérer cette hypothèse avec sérieux. Ainsi, le président du RN Jordan Bardella avait tenu, pendant sa conférence de presse de rentrée, à signaler l’existence d’un « Plan Matignon » visant à donner au RN la majorité en cas de dissolution. Mais est-ce un scénario enviable pour le parti de Marine Le Pen et Jordan Bardella ?

Le piège de la responsabilité sans le pouvoir

« Si nous gagnons les élections législatives, nous mettrons en place un gouvernement d’union nationale », assure l’entourage de Marine Le Pen. « Tout dépend des conditions, murmure un député RN. Si on gagne avec une majorité relative, il faudra mettre à Matignon quelqu’un qui accepterait de se cramer... » En d’autres termes, il reviendrait au Premier ministre RN d’essayer de gouverner en alternance avec Emmanuel Macron face à un parti présidentiel hostile et une NUPES qui verrait l’accession au pouvoir du RN comme un produit dopant inespéré, une occasion de rejouer les heures sombres et le bruit des bottes. En d’autres termes, subir les inconvénients sans les avantages. Marine Le Pen avait prévenu : le Rassemblement national « ne jouera pas les pompiers » d’un exécutif et d’une NUPES branchés sur le mode pyromane.

Alors, qui ?

Jordan Bardella, Sébastien Chenu, Louis Aliot, Thierry Mariani, Laure Lavalette, Laurent Jacobelli… Les députés RN contactés ne manquent pas de noms à évoquer. Tout dépend du cas de figure et des conditions mais, au sein du Rassemblement National, on est persuadé d’avoir la ressource humaine nécessaire pour ne pas envoyer Marine Le Pen en première ligne. « Si on a une majorité absolue, le candidat sera assez facile à trouver », juge un élu du groupe. Entre l’Élysée et Matignon, il y a donc la même distance qu’entre le Capitole et la roche Tarpéienne. Au fond, Matignon, c’est un peu le récif : il annonce l’arrivée au port mais est aussi synonyme de naufrage. Et cela, les gars de la Marine le savent.

Par Marc Eynaud le 3 avril 2023

Boulevard Voltaire

mardi 14 mars 2023

Télévision : un public de plus en plus âgé face au prêchi-prêcha politiquement correct



Elles imposent leur doxa, ces émissions au langage résolument moderne et à la nonchalance cool. Elle prêche le politiquement correct à temps et à contretemps, la  publique, mais ses belles années sont derrière elle. Le Parisien publie la moyenne d’âge des téléspectateurs par émission.

Ainsi, l’âge moyen d’un téléspectateur de « Quotidien » est de 47 ans. On pourrait trouver cet âge élevé mais, en réalité, l’émission hébergée sur TMC fait partie des plus jeunes du PAF. TPMP, l’émission phare de C8 animée par Cyril Hanouna, affiche une moyenne d'âge de 50 ans. Une cure de jouvence, là encore, en comparaison avec les autres chaînes et émissions : c’est bien le service public qui bat les records de moyenne d’âge de ses téléspectateurs. Avec une moyenne d’âge de 69 ans, l'émission « Questions pour un champion » de Samuel Étienne bat tous les records, suivie par « C à vous » (67 ans), le JT de 20 heures de France 2 (63 ans) et « N’oubliez pas les paroles » (60 ans). Des données qui donnent à comprendre pourquoi l’exécutif a acté la fin de la redevance télé : l'avenir de la  publique semble compromis.

Un changement d’habitude

Le vieillissement des téléspectateurs est depuis des années un véritable défi pour les chaînes de . C’est pourquoi des groupes comme TF1 ont, dès les années 2020-2021, multiplié les canaux de diffusion et les offres. Fruit d’une génération de l’immédiateté et de la prestation à la demande, le nouveau public semble ne plus vouloir laisser un programme télé dicter ce qu’il va regarder ou non. L'Office des médias et communications britannique (Ofcom) avait publié, en août 2022, son rapport annuel sur les médias utilisés par la population anglaise. Et, note la BBC, les résultats mettent en évidence une « fracture générationnelle concernant les habitudes de consommation des écrans ». Avec ce chiffre significatif : les jeunes regardent désormais sept fois moins la  que les seniors. L’explosion des plates-formes de vidéos à la demande comme Netflix ou Amazon Prime a accéléré la migration du jeune public. En 2019, les 15/34 ans ont passé 17 minutes de moins par jour devant la  que l'année précédente. Pour autant, ils étaient encore 44 millions de Français devant la télévision linéaire. Il n’y aura pas de mort brutale mais plutôt une lente érosion.

Jeunistes et ringards ?

Avec la  à l'ancienne, la société du ricanement prend un coup de vieux. Des émissions qui ont régné sans partage sur le paysage politique français, toujours plus progressiste et toujours moins pluraliste, accusent aussi le poids des années et marquent un essoufflement. Combien sont-ils, ces animateurs plus que quinquagénaires type Yann Barthès, à tenter de se faire les porte-voix des générations lycée ? Sont-ils les symptômes de cette génération d’adulescents vieillissants dont le départ à la retraite assurera un meilleur équilibre des différentes opinions et sensibilités ? Ils témoignent de la fin d’un règne sans partage du politiquement correct.

Par Marc Eynaud le 13 mars 2023

Boulevard Voltaire

mercredi 1 mars 2023

La gauche vent debout contre le service national universel



Si le service national obligatoire () est critiquable aisément sur le fond, la gauche y préfère la forme. Alors que le gouvernement réfléchit à instaurer une participation obligatoire au  pour les lycéens de certains départements, la NUPES voit, comme souvent, rouge. Ainsi, le député LFI Bastien Lachaud a dénoncé, ce mardi, dans l’Hémicycle, un endroit où l’on « chante La Marseillaise, on marche au pas et ou on y vit une parodie de préparation militaire ». L’horreur, quasiment le nazisme, comme dirait l’autre. La cause de la colère du député Lachaud mais, au-delà, de la NUPES : « Embrigader les lycéens pour mettre les jeunes au pas », accuse le député Insoumis qui défend la conscription voulue par Jean-Luc Mélenchon « s’adressant à de jeunes adultes payés au SMIC et leur permettant de s’engager dans des causes sociales ou écologiques ». Un député du  s'agace : « Oui, en fait, il veut payer les bloqueurs de routes d’Extinction Rebellion. »

En se positionnant contre le SNU, la gauche envoie aussi un message aux lycéens mobilisés contre la réforme des retraites : elle agit pour eux ! On pourra noter, d’ailleurs, le paradoxe d’une extrême gauche opposée à l’embrigadement des jeunes dans le  mais partisane d’une instrumentalisation des mineurs dans sa lutte politique contre les retraites. LFI n’est évidemment pas seule à pourfendre le SNU. Ainsi les élus EELV Sandra Regol et Benjamin Lucas ont dénoncé la pratique de « pompes » exécutées à 22 h 30 dans la cour d’un lycée strasbourgeois. Une punition inconcevable pour la gauche qui y voit un châtiment corporel promu par un SNU « paternaliste et réactionnaire ». Un verbatim qu’on retrouve notamment chez le très gauchiste syndicat SUD Éducation, qui qualifie le  de « surenchère réactionnaire et militariste ». Des positions qui rendent effectivement difficile l’acceptation d’un éventuel uniforme à l’école, comme l’avait défendu le député  Roger Chudeau dans la niche parlementaire du groupe de Marine Le Pen.

Une attaque qui passe mal, dans les rangs de la majorité : celle-ci rappelle que Jean-Luc Mélenchon avait « proposé la même chose ». Dans les faits, la conscription voulue par l’ancien candidat à l’élection présidentielle est très éloignée du  pour les raisons citées ci-dessus, mais elle ne fait surtout pas l’unanimité au sein de la NUPES, et notamment du côté d’Europe Écologie Les Verts. Dans une conférence de presse, cet après-midi, EELV a par ailleurs reconnu que l’acte I de la NUPES touchait à sa fin et qu’il fallait « réfléchir à un acte II », admettant que l’accord avait été négocié très rapidement. En d’autres termes, La France insoumise n’est pas porte-parole de la NUPES et, sénatoriales et européennes approchant, il y a fort à parier que les divergences programmatiques entre les différentes formations vont s’épaissir jusqu’à paraître insurmontables. En cela, le  va bénéficier de la division de la gauche et du désintérêt du Rassemblement national.

Mais c'est aussi le coût - près de deux milliards d’euros pour « un caprice présidentiel », selon les termes de Lachaud - qui sucite l'opposition de la NUPES : celle-ci reproche au gouvernement de trouver deux milliards pour cette structure et pas 60 millions pour les repas à un euro pour les étudiants.

En bref, fidèle à ses vieux tropismes ringards à force d’être jeuniste, la gauche de la gauche a définitivement rompu avec ce qui l’avait rendu politiquement légitime à la fin du XIXe siècle : l’éducation. Et ce n’est pas l’état de l’Éducation Nationale, qui aurait bien besoin de hussards noirs, qui pourrait démentir ces propos.

Par Marc Eynaud le 28 février 2023

Boulevard Voltaire

mercredi 11 janvier 2023

LR : la déroute des retraites !

 


« Cette réforme doit être efficace et juste. » Lorsque Éric Woerth prend le micro pour interpeller le ministre du Travail Olivier Dussopt lors des questions au gouvernement, on entend tousser dans les rangs de . Car l’ancien ministre de Nicolas Sarkozy passé chez Renaissance, auteur d’une loi réformant les retraites en 2010, synthétise en « chaire » et en os la corde raide sur laquelle dansent les députés « de la droite et du centre » dont l’appellation est en soi une main tendue vers la Macronie. « Le macroniste Woerth, ancien ministre de Sarkozy, interroge le macroniste Dussopt, ancien député socialiste, sur la . Le macronisme, agrégation des renégats des deux camps, au service d’un opportunisme qui emporte tout sur son passage », tweetait, rageur, le député NUPES Benjamin Lucas. Ce dernier n’est pas un habitué de la finesse analytique, mais cette sortie, quoique partiale, résume à sa façon le malaise qui agite la sphère LR, condamnée à reculer devant une réforme qu’elle aurait menée si elle avait été aux affaires. Et le malaise, c’est que cela se sait...

Opposants ou béquille du pouvoir ?

C’est l’éternelle question. En élisant à la présidence du groupe  Olivier Marleix, en opposition frontale avec , les députés Républicains revenaient essorés, amoindris, écrasés entre une galaxie macroniste en majorité relative et un groupe  en surnombre et, enfin, étouffés par une NUPES vociférante. Néanmoins, ils revenaient avec un message clair : ils étaient dans l’opposition. Après plusieurs mois chaotiques, l’élection d’Éric Ciotti devait apporter un surcroît de clarification. Et puis arriva la réforme des retraites. Ils se trouvèrent déchirés entre le troisième homme de l’élection, Aurélien Pradié, qui manifestait sa volonté de voter contre la réforme, et la vision de Bruno Retailleau, qui affirmait, dans Le Figaro, que la  était « un enjeu essentiel pour le pays mais c’est aussi une épreuve de vérité pour la droite […]. Allons-nous défendre ce que nous avons toujours défendu ? Ou bien allons-nous glisser dans les sables mouvants du reniement ? » Dans la pure continuité de la ligne du candidat Fillon en 2017, Bruno Retailleau plaide pour une retraite à 65 ans.

Chez LR, trois tendances distinctes

Puis est arrivé la synthèse d’Éric Ciotti : celui qui fut pendant des années le tenant de la ligne droite dure au sein des  façon « Droite forte » sauce Peltier-Didier du temps de la présidence Copé joue aujourd’hui le jeu de l’équilibriste et du compromis. Aussi, le groupe plaide pour une réforme progressive et un départ à 63 ans en 2027. Il y a donc ceux qui ne veulent pas de recul du tout, ceux qui veulent la retraite à 65 ans et ceux qui veulent un compromis à 63 ans, jugeant cela moins brutal. Un compromis ou une compromission ? « Éric Ciotti joue l’opposant après avoir appelé à voter pour Renaud Muselier (président de PACA, ex- passé chez Macron) aux régionales contre nous », s’amuse, auprès de BV, un député « L’explication de leurs résultats catastrophiques, c’est l’absence de ligne claire. Ils sont inaudibles sur les sujets majeurs », soupire le sénateur ex- du Val-d’Oise Sébastien Meurant, qui a rallié Éric Zemmour pendant la campagne présidentielle.

Un flou qui profite au 

L’avantage de l’opposition franche et frontale est qu’elle vous épargne ce genre de calculs. « Prêts à voter une motion de censure déposée par LR si ceux-ci retrouvent leur courage en route », affirme le président du RN. Dans les très chics Salons Hoche, à quelques pas de la place de l’Étoile, Jordan Bardella présentait avec les parlementaires ses vœux à la presse.

« Lorsqu’on ne vote aucune motion de censure, on est l’UDI d’Emmanuel Macron », nous glisse Jordan Bardella, en aparté. Celui qui a succédé à Marine Le Pen à la tête du Rassemblement national ne manque pas d’étriller les députés de droite. « Soit ils restent la béquille d’Emmanuel Macron, soit ils décident en toute transparence de rejoindre la majorité d’Emmanuel Macron. »

Comme souvent, le compromis devait se trouver entre les deux. Et c’est, mesurons le poids du symbole, le Premier ministre Élisabeth Borne qui aura arbitré le débat interne des LR. La chef du gouvernement a annoncé une retraite à 64 ans de 43 annuités et 67 ans pour le taux plein. Avec, en prime, la revalorisation des petites retraites et celles des mères de « La réforme proposée par Élisabeth Borne reprend celle que nous votons au Sénat »se réjouit Bruno Retailleau.

Et l’épilogue vaudevillesque LR-Renaissance a de quoi faire sourire. Le gouvernement peut proposer une réforme « de consensus » et les LR peuvent s’en attribuer le mérite. Reste à savoir qui est l’assurance-vie de qui et surtout, pour paraphraser Jordan Bardella, qui est la béquille de qui. Le groupe d’opposition voulu par Olivier Marleix doit son unité à la chef du gouvernement qu’ils sont censés combattre. Les futures motions de censure ne passeront pas et les Républicains peuvent souffler, la dissolution n’est pas pour demain.

Par Marc Eynaud le 10 janvier 2023

Boulevard Voltaire