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mercredi 3 janvier 2024

Affaire Depardieu: la bourgeoisie de farces et attrapes dans tous ses états



« N’effacez pas Gérard Depardieu ». Ils avaient signé la pétition qui visait à fustiger la chasse à l’homme menée contre Gérard Depardieu. Il s’agissait principalement de cela, et non, si on a bien compris, d’encenser ou de cautionner sans réserves les propos d’ailleurs indéfendables tenus par cet acteur, remarquable également, de mon point de vue, par l’état permanent – ou quasi permanent – d’ébriété mentale dans lequel il évolue. (À cet égard, peut-être la prescription d’un peu de thérapie pourrait-elle opportunément précéder celle du bûcher ?)

Mais voilà bien que l’initiateur de la tribune ne convient pas à certains signataires. Trop marqué mauvais camp. Trop encanaillé peste brune et bien trop empestant le souffre.

C’est que la caste des signeurs cultive ses interdits, ses coquetteries et ses travers, dont un fort bien connu : plutôt avoir tort avec Sartre que raison avec Aron. Tel aura été, tel est, et tel sera probablement à jamais le mantra de cette étrange tribu. Nous avons donc ici un énième remake très bas-de-gamme de cette somptueuse imposture.

Certains des signataires, regrettant un bon sens précipité, font machine arrière. Retirent leur nom. Rentrent dans le rang, la plume honteuse et la queue basse. C’est qu’il serait terriblement irresponsable, n’est-ce pas, d’hypothéquer sa réputation salonnarde ainsi que ses espérances de carrière en se mélangeant si inconsidérément.

Ceux, plus nombreux et moins regardants, qui ont apposé leur signature à côté de celle de Médine, rappeur cumulant les beautés intellectuelles de l’antisémitisme et du sexisme le plus rance, ne sont pas travaillés par de tels scrupules. Pourquoi, d’ailleurs, le seraient-ils ? La contre-tribune va dans le sens du vent et l’on s’y expose en excellente compagnie. 

Voilà le lieu parfait où la bourgeoisie de farces et attrapes peut parader tranquille, faire mine de mener la lutte d’une vie, et ceindre par anticipation l’auréole de la sainteté idéologique. C’est ce qui explique évidemment la longueur de la liste de ces courageux contempteurs des mauvaises mœurs, des pitoyables façons du mis en cause. On se bouscule. Normal. Les hallalis sans risque ont toujours eu la faveur du brave bourgeois, qu’il soit d’estrade, de rente ou de cour.

Par Dominique Labarrière le 3 janvier 2024

Causeur

vendredi 16 juin 2023

Quand Louis XIV prend le métro



En la circonstance, la campagne visée ici est à porter au (douteux) crédit du Musée de l’Histoire de l’Immigration. D’emblée, une question pointe son nez. Une nation fière de ce qu’elle est dirigée non pas par des élites confites en autoflagellation, mais par des guides confiants en eux-mêmes et dans les peuples qu’ils gouvernent, n’aurait-elle pas préféré se doter d’un musée, non pas de l’immigration, mais de l’identité, ou à tout le moins, pour ne froisser personne, de l’intégration. 

D’ailleurs, très vraisemblablement à « l’insu du plein gré » de ses promoteurs, c’est bel et bien cet axe-là qui se trouve mis en avant dans cette campagne. Venons-en à l’affiche. Elle représente Louis XIV en majesté, assorti de cette légende qui se voudrait explicative : « C’est fou tous ces étrangers qui ont fait l’histoire de France. » Étranger, le Roi-Soleil, né en France, le serait parce que sa mère était Espagnole et sa grand-mère Autrichienne. 

Soulignons quand même que l’Espagne n’est pas le Bénin, ni l’Autriche, l’Afghanistan. Passons. Rappelons aussi que le grand-père n’est autre qu’Henri IV, ce franchouillard mâtiné béarnais, trousseur de jupons et génie fondateur du rite de la poule au pot. Et le père, Louis XIII d’une moindre ardeur, dit-on, pour ce qui est de trousser. Le tempérament français est dans ce domaine aussi très riche en nuances.

Cela dit, acceptons un instant de délirer avec les grands inspirés dudit musée et voyons en Louis XIV un étranger. Étranger donc ce roi sous qui Colbert géra et réforma, Pascal pensa si puissamment et si loin, La Fontaine, Corneille, Molière, Racine, et tant d’autres créèrent, inventèrent, composèrent, exhaussant au plus haut l’art, l’esprit à la française, oui, faisons de ce roi un étranger. 

Alors, une seule évidence s’impose : quel magnifique exemple d’intégration ! Le summum de l’assimilation, parfaitement accomplie, aboutie. Merci, oh oui, merci aux gens du musée mentionné ci-dessus de livrer aux foules cette belle leçon ! Ainsi, un étranger, rejeton d’étrangères, peut devenir non seulement plus Français que Français, mais, infiniment mieux encore, il peut devenir la France ! La France rien de moins. La grande leçon est bien là : être Français, qu’on soit roi ou manant, c’est, au fond, « être la France ». Cela relève moins d’une affaire de génétique que d’âme, d’esprit et de cœur ! On connaît le poignant aveu de Romain Gary : «  Je n’ai pas une seule de goutte de sang français, mais la France coule dans mes veines. » 

Eh bien, c’est cela, avant tout, être français, avoir la France au cœur. Respirer France, penser France, rêver France. Au risque de nous répéter, sachons gré aux gens du Musée de l’Histoire de l’Immigration de mettre si bien en exergue une intégration si parfaitement achevée que celle de notre grand roi. Telle n’était pas leur intention initiale, sans doute, mais, comme dirait l’autre, on n’est jamais à l’abri d’un malentendu. Grâce à eux, on peut espérer que les paumés-camés de migrants de la station Porte de La Chapelle s’arrêteront devant l’affiche. Il ne leur restera plus alors qu’à suivre l’exemple. Malin, non ? 

On peut rêver… Et on en viendrait presque à ne pas trop regretter que tout cela se fasse, comme d’usage, avec nos sous.

Par Dominique Labarrière le 16 juin 2023

Causeur