Tel qu’écrit hier en ces colonnes par Gabrielle Cluzel, « a star is born » ! Et pour paraphraser Patrick Hernandez, le distingué politologue bien connu de nos lecteurs, on ajoutera que « Born to be alive » ! Bref, la nomination d’Élisabeth Borne à Matignon est l’événement de la semaine. Mais celle d’Aurélien Rousseau, son tout nouveau directeur de cabinet, pourrait bien le devenir aussi, à en croire ce tweet du journaliste Alexis Poulin : « Aurélien Rousseau, énarque, conseiller d’État, passé par le cabinet Valls & Cazeneuve avant d’être nommé directeur de l’ARS Île-de-France en 2018. Marié à Marguerite Cazeneuve, ex-McKinsey, chargée de la réforme des retraites. »
Rien que du beau linge, donc. Il est vrai que le pedigree de la famille Cazeneuve a de quoi susciter quelques interrogations chez les journalistes, ceux de Libération, par exemple : « La famille Cazeneuve peut s’enorgueillir d’une grande influence auprès des plus hautes instances de l’État. » Résumons. Jean-René Cazeneuve est député LREM du Gers. Béatrice, son épouse, est la directrice française du groupe pharmaceutique américain Eli Lilly. Ils ont deux enfants, Pierre et Marguerite. Le premier est adjoint du chef de cabinet d’Emmanuel Macron. La seconde, directrice déléguée de la CNAM, la Caisse nationale d’assurance maladie, est l’ancienne conseillère du Premier ministre sortant Jean Castex. Tandis qu’Aurélien Rousseau, ancien militant communiste recyclé à l’ENA, époux de Marguerite Cazeneuve, donc, et propulsé à Matignon aux hautes fonctions qu’on sait, n’est pas tout à fait le premier perdreau venu.
Une telle proximité avait déjà attiré l’attention le 4 mars 2021 du quotidien jadis fondé par Serge July, évoquant de possibles conflits d’intérêts : « À la faveur d’une importante commande par le gouvernement de bamlanivimab, un anticorps monoclonal contre le Covid qui demande encore à faire ses preuves scientifiques, de fins observateurs ont noté une potentielle situation de conflits d’intérêts impliquant notamment Béatrice Cazeneuve, responsable des nouveaux produits chez Lilly. » Autre problème relevé par Libération, les fonctions de pouvoir exercées par Pierre et Marguerite, plus haut évoqués, et qui pourraient bien remettre en cause « l’impartialité de la CNAM et son indépendance par rapport aux intérêts économiques ».
À l’époque, Matignon avait déjà tenté d’allumer un contre-feu : « Nous réfutons tout conflit d’intérêts dans la mesure où Marguerite Cazeneuve a proactivement déclaré les activités de sa mère et un déport de tous les sujets ayant trait aux traitements pharmaceutiques a été acté. » Il convient évidemment d’en prendre acte. Même si l’on pourra toujours s’interroger sur la propension de cette famille, manifestement fort impliquée dans le domaine médical, à multiplier les soins visant à la bonne santé politique de ses proches.*
Par Nicolas Gauthier le 18 mai 2022