S’il n’existait déjà, faudrait-il inventer Jean-Pierre Raffarin ? La question peut se poser, surtout à l’entendre, ce 23 janvier, sur LCI, à propos d'« une arrivée de l’extrême droite au pouvoir ». Pour lui, cette même question ne se pose pas. D’ailleurs, il est bien facile, à l’en croire, de tout « mettre sur le dos d’Emmanuel Macron », sachant qu’il affronte « une situation inédite depuis près de cinquante ans », pour cause de « réforme des retraites » et de « dossier franco-allemand ». Fort bien. Tout le monde le sait : depuis tout ce temps, il ne se passait rien pour ses prédécesseurs. Pour le reste, on notera que si Jean-Pierre Raffarin ne pense pas qu’à « l’extrême droite », quand il pense, c’est généralement à l’extrême droite.
Sacré JiPé. Dire que c’est le même qui, en 2017, affirmait sur BFM TV qu’Emmanuel Macron n’avait pas « l’épaisseur » alors que François Fillon, son adversaire malheureux d’alors, lui au moins, avait de « l’expérience ». Comme quoi, en politique, le tout consiste toujours à croire à ce que l’on dit, même si l’on ne dit pas forcément la même chose, ici et maintenant, comme disait François Mitterrand.
La preuve en est que le 11 décembre dernier, Jean-Pierre Raffarin propose tout bonnement de revenir sur l’interdiction faite à nos Présidents de briguer un troisième mandat élyséen : « Cette règle est néfaste car elle fragilise le Président sur la fin de son second mandat. »
Pas faux. Mais à ce compte, pourquoi ne pas en finir tout simplement avec cette vilaine manie que sont les élections et proposer qu’Emmanuel Macron soit désigné Président à vie, tel que cela se faisait naguère dans des démocraties aussi avancées que le Zimbabwe de Robert Mugabe ? L’ancien Premier ministre de Jacques Chirac doit manifestement avoir trop fréquenté nos amis de l’empire du Milieu et ses inamovibles présidents, tel qu’en témoigne l’ouvrage de Clément Fayol : Ces Français au service de l'étranger (Plon). On y apprend, par exemple, ceci : « Est-ce que Jean-Pierre Raffarin se rend compte qu’en répétant les grandes lignes de la propagande chinoise sur la télévision publique, son statut d’ancien Premier ministre mis en avant, il devient l’instrument d’une stratégie globale, un pion manipulé sur un grand échiquier planétaire ? »
Avant que les commentateurs politiques ne s’en mêlent, les agents de nos services de renseignement s’étaient déjà posé la question des relations privilégiées de cet homme avec la Chine, dont la légende dit qu’il aurait été propulsé à Matignon sur la seule intuition de Bernadette Chirac, pour faire rempart, déjà, à cette même extrême droite. Comme quoi le Poitou mène à tout et l’anti-lepénisme à pas grand-chose.
Le problème, finalement, n’est pas tant la personnalité fantasque de l’intéressé, mais sa forte propension à croire encore qu’on puisse l’écouter quand il parle et prendre ses sages conseils en considération, même si ces derniers ont tout de ces fortune cookies, gâteaux bonheurs offerts en fin de repas au restaurant mandarin du coin : « Il y a une multitude de crises actuellement. On ne sort pas des crises par la seule gestion des crises. »
Par Nicolas Gauthier le 25 janvier 2023