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mercredi 19 octobre 2022

Qui est Lorenzo Fontana, la cible de la gauche italienne et française ?



Lorenzo Fontana, natif d’un quartier populaire de Vérone, vient d’être élu président de la Chambre des députés italienne. Aussitôt, la gauche italienne, qui, fait rarissime, a refusé d’applaudir lors de son élection comme il est de coutume en Italie, s’est déchaînée. Et a repris les vieilles rengaines servies lors de sa nomination au ministère de la Famille et du Handicap en 2018, où il n’est resté que le temps de la Ligue au gouvernement : catholique (horresco referens !), anti-avortement (pléonasme), anti-LGBT, obscurantiste, etc. La gauche italienne, restée arc-boutée sur les revendications sociétales pendant la campagne électorale, s’est donc offusquée qu’un « catholique opposé au mariage homosexuel » (ont-ils jamais ouvert un catéchisme ?) obtienne, par le vote d’une assemblée majoritairement à droite, la troisième plus haute charge de l’État. Enrico Letta, président du Parti démocrate (gauche) lors du congrès des socialistes à Berlin, n’a pas même hésité à jouer de l’antipatriotisme en dénonçant cette élection comme relevant « d’une logique perverse et incendiaire » et fustigeant cette méthode du centre droit « qui abîme le pays » et « brise toute possibilité même d’un rapport entre la majorité et l’opposition »

Il est fermement reproché à la droite italienne… d’être de droite et d’honorer une victoire électorale. La pilule de l’expression démocratique par le vote populaire a du mal à passer et la naissance d’une majorité absolue à la Chambre cadre mal avec les jeux de palais et de pouvoir dont le parti d’Enrico Letta, le Parti démorate, est familier.

Loin de ces clichés, Lorenzo Fontana, le bon élève aux multiples diplômes dont un en science politique, l’ami de longue date de Matteo Salvini, le catholique pratiquant défenseur de la famille traditionnelle, a prononcé un discours tout en nuances. Saluant tout d’abord le pape François « qui promeut le respect des plus hautes valeurs morales dans le monde, à commencer par le respect de la dignité humaine et des droits fondamentaux humains et qui déploie une action diplomatique en faveur de la paix sans égale », il a affirmé clairement être là « pour promouvoir le bien commun des citoyens »

Cette législature, a-t-il poursuivi, devra « réaffirmer le rôle central du Parlement en tant que lieu de décisions politiques », fortement mis à mal, comme chez nous, par la gestion exclusivement gouvernementale et très restrictive de la crise sanitaire. Refusant l’uniformisation de la société « instrument des totalitarismes », il cite le bienheureux Carlo Acutis, mais aussi saint Thomas d’Aquin : « "Le mal n’est pas le contraire du bien, c’est la privation du bien", notre devoir de parlementaire sera de ne pas priver l’Italie de ce qui est bien mais au contraire de lutter pour cela avec humilité, sérieux et sobriété. Nous devons rapporter à notre pays confiance, espérance, fierté. »

Les réactions en France sont peu ou prou identiques à celles de la gauche italienne, l’AFP reprise par de nombreux médias reprenant elle-même des articles de La Repubblica, le  de la gauche italienne.

Ainsi de Libération qui évoque « un catho réac, anti-IVG, homophobe et xénophobe élu président de la Chambre des députés. Catholique ultraconservateur, Lorenzo Fontana vient d’être élu à la présidence de la Chambre des députés. Son élection a fait réagir l’opposition, qui dénonce une "course à l’extrémisme" et le décrit comme membre de la Ligue anti-migrants. » Ligue anti-migrants : comprenez La Ligue… tout court.

Le Point, quant à lui, présente ainsi Lorenzo Fontana : « Un ultra-catholique élu à la Chambre des députés. Lorenzo Fontana est un des leaders de la Ligue anti-migrants. Le Sénat et l’Assemblée sont donc dirigés par des personnalités représentant le postfascisme. » Le Point cite d’ailleurs l’inévitable Repubblica : « Le  de gauche La Repubblica a résumé ainsi vendredi le curriculum vitae de Lorenzo Fontana, 42 ans : il "récite cinquante Ave Maria par jour", promeut "la restriction du droit à l'avortement", est "hostile au mariage gay, à l'euthanasie et à la société multiculturelle" et s'est marié sous le ministère d'un prêtre traditionaliste. »

E cosi via…

Rien que ça !

Mais quand Laura Boldrini, présidente de la Chambre entre 2013 et 2018, a été élue présidente de la Chambre des députés, Le Point titrait sobrement : « Une femme de gauche à la tête de la Chambre des députés italienne. » Ce qu’était effectivement Laura Boldrini : membre du parti d’extrême gauche le SEL, elle avait été collaboratrice du Journal La Repubblica, ancienne porte-parole de l’UNHCR et fervente promotrice de revendications LGBT et pro-migrants.

Là, rien d’ultra.

Évoquons enfin Giovanni Orsina, universitaire italien cité par Le Figaro, qui explique à propos d’Ignazio La Russa, cofondateur de Fratelli d’Italia et nouveau président du Sénat, et de Lorenzo Fontana, que « ces deux figures très à droite devront se désidéologiser pour assumer leurs nouvelles fonctions et devenir des garants de la démocratie ». S’est-il ainsi exprimé lorsque Fausto Bertinotti, communiste, fut élu président de la Chambre des députés en 2006 ou que Giorgio Napolitano, ancien communiste lui aussi, le fut en 1992, avant même de devenir président de la République ?

On l’aura compris, ces procès en sorcellerie politique, ce deux poids deux mesures ne sont que l’expression d’une sévère déconfiture - en Italie – d’une gauche qui avait perdu l’habitude des élections et de l’alternance démocratique. Cette élection de Lorenzo Fontana, tout ce qu'il y a de plus conforme aux institutions, en est l’éclatant exemple.

Par Marie d'Armagnac le 18 octobre 2022

Boulevard Voltaire

samedi 25 juin 2022

Italie : Elle monte Giorgia, elle monte !



Depuis le croisement des courbes sondagières entre la Ligue de Matteo Salvini et le parti Fratelli d’Italia, (Frères d’Italie), on attendait l’épreuve électorale pour vérifier la justesse de ces sondages. Car depuis l’entrée de La Ligue et de Forza Italia, ses deux partenaires de coalition, au gouvernement d’union nationale de Mario Draghi en février 2021, Giorgia Meloni et son parti Frères d’Italie se sont retrouvés représenter à eux seuls l’opposition à cette large coalition.

Mais qui est Giorgia ? Tenace, ultra-volontaire, issue d’un milieu modeste et travailleur, elle a milité au sein de mouvements de la droite sociale (la destra sociale) dès sa prime jeunesse, au sein du MSI puis du parti héritier, Alleanza Nazionale, dont le siège historique se trouve via della Scrofa, en plein cœur de la Rome historique, à un jet de pierre du Parlement. C’est une Romaine pur jus, dont l’accent « romanaccio » affleure lorsqu’elle se lance dans de grandes envolées lyriques. Élue député à 29 ans, elle prend la vice-présidence de la Chambre des députés ; elle fut, à 31 ans, ministre de la Jeunesse du gouvernement Berlusconi, à qui l’on peut reconnaître un réel talent pour dénicher et propulser, sans parti pris, de jeunes personnalités politiques prometteuses. Sa carrière est lancée. En 2013, elle fonde le parti Frères d’Italie, né d’une scission du parti de Silvio Berlusconi : elle redoute en effet que le caractère propre de son parti ne soit dilué dans la grande formation de centre droit, le Peuple de la liberté, qui vient de voir le jour. Un parcours qu’elle retrace dans une autobiographie qui a eu beaucoup de succès en Italie et dont la version française sort en septembre prochain.

Le pragmatisme italien, dont nous n’avons jamais su nous inspirer, fait que lors des échéances électorales qui se sont succédé depuis, son parti s’est toujours intégré dans la coalition de centre droit formé avec la Ligue et ce qui est devenu Forza Italia. Tranquillement mais sûrement, Fratelli d’Italia progresse : 4 % aux élections législatives de 2018 (ce qui, avec le système électoral italien, lui assure 5 % des députés), 6,4 % aux élections européennes de 2019 (sept députés européens).

Elle ne participe pas au gouvernement Conte 1, à l’inverse de la Ligue qui s’allie avec le Mouvement 5 étoiles, pas plus qu’elle ne prend part au gouvernement Conte 2, où la Ligue a été éjectée au profit d’une coalition de gauche. Une position d’opposante sans compromis qui lui vaut, aujourd’hui, de premiers succès électoraux, en attendant les élections législatives, cruciales pour l’Italie, de 2023.

Les dernières élections municipales partielles, dont le second tour aura lieu ce week-end, ont vu en effet le parti Fratelli d’Italia dépasser souvent ses alliés de coalition lors du premier tour. Les équilibres internes de la coalition sont en train d’être bouleversés, il semble qu’elle ait, dans le cadre de sa rivalité avec Matteo Salvini, pris le leadership.

Elle commence déjà à revendiquer auprès de ses alliés le poste de président du Conseil c’est-à-dire chef de l’exécutif, si les élections de 2023 consacrent la victoire de la coalition de centre droit.

De leur côté, Matteo Salvini et la Ligue paient l’usure du pouvoir en période de crise ainsi, peut-être qu’une position moins résolument atlantiste que celle de Giorgia Meloni. Ajoutons que ces deux dernières années, le talent oratoire de Matteo Salvini, celui-là même qui galvanisait les foules lors des meetings électoraux, n’a pas trouvé à s’exercer.

De son côté, Giorgia Meloni a pris depuis longtemps le soin de soigner son image internationale : elle est la présidente du Parti des conservateurs et réformistes européens (ECR party, Parlement européen), elle est régulièrement invitée à s’exprimer devant le Conservative Political Action Conference (CPAC) aux États-Unis, où Marion Maréchal est également intervenue. Elle y a notamment affirmé, lors de la dernière édition de février 2022, que « le seul moyen d’être rebelle, c’est d’être conservateur ».

Une droite décomplexée, une intelligence politique qui sait, au-delà des querelles d’ego, faire fonctionner les mécanismes de la coalition - du moins jusqu’à présent : un ticket gagnant pour 2023 ?

Par Marie d'Armagnac le 25 juin 2022

Boulevard Voltaire