jeudi 22 septembre 2022

L’Arménie est en danger de mort !



« Si personne n’agit, l’Arménie va disparaître. » Les mots de l’ambassadrice d’Arménie en France, Hasmik Tolmajian, sont forts et décrivent bien l’isolement de la République arménienne coincée entre les pinces de Bakou et Ankara et dépendante du bon vouloir russe.

À quelques pas de l’Assemblée, la conférence de presse animée par l’ambassadrice et le représentant en France du Haut-Karabagh, Hovhannès Guévorkian, est le réceptacle de cris d’alarme. Les organisateurs semblent encore sonnés par la retentissante défaite militaire de la guerre du Haut-Karabagh ayant ravagé la région entre septembre et novembre 2020. Une défaite coûteuse qui coûta à l’Arménie et à la petite république d’Artsakh pas moins de sept districts, 4.000 morts et 11.000 blessés. La raison de ce conflit ? La politique expansionniste du président azerbaïdjanais Aliev qui, non content de vouloir reconquérir l’intégralité de l’Artsakh, aurait désormais comme objectif principal la prise d’Erevan, capitale de la République arménienne.

« Il faut reconnaître au président Aliev une totale transparence quant à ses objectifs », constate amèrement l’ambassadrice d’Erevan. Il est vrai qu’il suffit de lire les quelques déclarations d’Ilham Aliev pour s’en rendre compte. « Les Arméniens n’ont ni conscience ni moralité. Ils n’ont même pas de cerveau », s’était-il exclamé, le 17 octobre 2020. « J’avais dit qu’on chasserait les Arméniens de nos terres comme des chiens, et nous l’avons fait » (10 novembre 2020).

Des propos inscrits dans la construction d’une identité nationale profondément arménophobe, un peu plus d’un siècle après le génocide arménien par les troupes turques. « Ce n'est pas juste une politique de haine et de violence, mais une politique froide, réfléchie, de nettoyage ethnique », alerte, pour sa part, Hovhannès Guévorkian, qui pointe les exactions commises par l’armée azérie sur les populations mais aussi sur le patrimoine. « Ils détruisent systématiquement les cimetières ; au fond, ils veulent détruire toute la mémoire arménienne des territoires qu’ils ont conquis. »

Un isolement total

Hélas pour l’Arménie, le récent rapprochement de l’Union européenne avec Bakou dans un contexte de recherche frénétique de gaz censé remplacer celui dont nous privent les sanctions contre la Russie, ajouté à l’enfoncement de cette dernière en Ukraine, a considérablement affaibli une Arménie qui ne peut plus se contenter de soutiens et de pensées. « Nous n’avons aucune profondeur stratégique », admet l’ambassadrice. En d’autres termes, l’Arménie n’aura ni les moyens ni les capacités de battre l’Azerbaïdjan et son allié turc. Symbole cruel de cette défaite, la République d’Arménie n’est plus en mesure de protéger sa sœur de l’Artsakh, une mission dont s’acquitte aujourd’hui l’armée russe. Mais un dispositif qui ne garantit pas la protection du territoire arménien, récemment agressé par une armée azérie violant sans peine un cessez-le-feu fragile, sinon inexistant. 

Du côté d’Erevan, on se rassure en lisant les dernières prises de parole du président Joe Biden qui a déclaré, aujourd’hui, à New York, que les États-Unis soutiendraient la sécurité de l'Arménie. « Mais si Trump est réélu, les USA risquent de laisser la Turquie faire ce qu’elle veut », soupire un journaliste arménien, faisant allusion à la politique non interventionniste du mandat de Donald Trump qui avait avantagé l’expansionnisme turc. En tout cas, les intervenants ne se font aucune illusion : la survie ne dépendra pas d’un agenda géopolitique mais plutôt d’une obligation morale et éthique de la communauté internationale. Dieu sait que c’est mince.

Par Marc Eynaud le 22 septembre 2022

Boulevard Voltaire


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