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dimanche 30 avril 2023

Bruno Le Maire fait dans l’érotique : notre nouveau SAS ?



Bruno Le Maire n'a pas seulement fait Sciences Po et l'ENA : il est aussi normalien et major de l'agrégation de lettres modernes. Il aime la littérature. Il aime l'art en général : n'a-t-il pas consacré un livre au chef d'orchestre Carlos Kleiber - et ne consacre-t-il pas, aujourd'hui, un autre livre au pianiste Horowitz ? Fugue américaine, qui sort ces jours-ci, est étonnant à bien des égards. Une élogieuse critique de l'académicien Marc Lambron (normalien et énarque, lui aussi), dans Le Point, assimile la construction de l'intrigue de ce livre au « mentir-vrai aragonien ». Ce n'est peut-être pas faux, quoiqu'un peu flagorneur.

Les mauvais esprits critiquent le fait qu'un ministre ait le temps d'écrire pendant qu'il travaille. Ce reproche sent un peu l'aigreur, car bien peu des détracteurs de Bruno Le Maire seraient capables d'écrire tout court. Certains seraient même incapables de bosser tout court. Ne soyons donc pas injustes. Bruno Le Maire écrit bien, son style est fluide, ses histoires intéressantes. Certains passages sur le monde politique (dans Jours de pouvoir ou Des hommes d'État, par exemple) sont brillants et profonds. Bruno Le Maire est bon, il va vite et il a du talent. Le seul problème, c'est qu'il le sait. Par conséquent, il s'écoute parfois écrire, au point que certains passages de ses livres empruntent malheureusement à l'emphase chocolatée de l'auteur Harlequin qu'il fut jadis (sous le nom de Duc William). Ainsi de l'incipit de Jours de pouvoir dans lequel Le Maire parle de Macron : « Il se tut, me fixa de son regard bleu sur lequel glissaient des éclats métalliques comme un lac accablé de soleil dont il aurait été impossible sous le scintillement des reflets de percer la surface. » C'est beau comme du Musso.

Pourtant, ce n'est pas dans la lucidité politique, ni même dans la métaphore poussive, que Bruno Le Maire commence à se faire un nom. C'est dans la scène érotique. Son point C (« C » comme « commun ») avec Marlène Schiappa. Il ne s'agit pas ici de se moquer lourdement et par principe des passages grivois, ce qui serait une sorte de pudibonderie mal exprimée. Simplement, on peut s'interroger sur la récurrence de ces scènes au fil des romans de l'ancien Républicain. Dans Le Ministre, une autofiction prémonitoire parue en 2004, il racontait une scène intime dans laquelle, à Venise, il passait du bon temps dans un bain avec sa femme. Dans Fugue américaine, son narrateur, Oskar, rencontre une certaine Julia, apparemment insatiable au lit.

Le député RN du Gard Nicolas Meizonnet partage malicieusement un extrait sans équivoque, avant de conclure que ces scènes « cochonnes » n'ont pas suffi à inspirer confiance à l'agence Fitch, qui vient de dégrader la note de fiabilité financière de la France sur les marchés internationaux. Ce qui fait ricaner les gens, outre le fait qu'il ait besoin d'écrire, c'est probablement le décalage entre son air sérieux et ses propos qui le sont un peu moins. On peut le comprendre.

Finalement, Bruno Le Maire, malgré son profil de premier de la classe, c'est peut-être notre Gérard de Villiers moderne. Peut-être retrouvera-t-il le ton décomplexé de la série SAS dans ses prochains ouvrages : « Alors, Malko, n'y tenant plus, déchargea en elle dans un râle de fauve blessé. » Déroute à Bakhmout ne sonnerait pas si mal. Imaginons.

« Comment comptez-vous être à Moscou avant l'hiver ? » murmura la troublante Irina dans un souffle rauque qui projeta la fumée de sa cigarette au visage de Bruno. En savourant sa septième vodka frappée dans le hall de l'hôtel Azov, le ministre de l'Économie, malgré l'importance de sa mission secrète, ne put s'empêcher de se dire, à la vue de la Russe aux yeux de feu, qu'il n'y avait pas que la table des négociations qui était grande ouverte. « Nous travaillons d'arrache-pied à vous faire rendre gorge, Irina », répliqua-t-il dans un sourire entendu, en jetant un regard aux jambes interminables de l'experte financière. L'idée de mettre l'économie russe à genoux ne lui était jamais apparue de manière aussi allégorique - et cette fois, ce ne serait pas Fitch qui lui mettrait une note. Il y avait des missions plus pénibles.

Ça ne réglerait pas le problème de la crise économique, mais ce serait toujours mieux que la collection Harlequin.


Par Arnaud Florac le 29 avril 2023


Boulevard Voltaire


jeudi 13 avril 2023

Pyramides électriques et chevaliers noirs : bienvenue au Wakanda de Gims !



Certaines descentes aux enfers sont plus amusantes à regarder que d’autres. Après avoir prôné un islam des plus intégristes, le rappeur Gims revient pour nous parler histoire de l’Afrique dans un entretien donné au média panafricain Oui Hustle. « L’Afrique, c'est [le] Wakanda bordel, c'est le futur normalement chez nous », dit-il à propos d’un projet de construction de métro à Yamoussoukro, capitale de la Côte d’Ivoire, dont il se félicite. Il poursuit son propos par une démonstration implacable : « À l'époque de l'empire de Koush, il y avait l'électricité. Les pyramides qu'on voit là, au sommet, il y a de l'or. L’or, c'est le meilleur conducteur pour l'électricité, c'étaient des foutues antennes, les gens avaient l'électricité. Les gens n'arrivent pas à comprendre. Les Égyptiens, la science qu'ils avaient, ça dépasse l'entendement. Les historiens le savent. »

Mais oui, c’est clair ! Tout cela fait sens, l’électricité au sommet des pyramides, les petits hommes verts venus les construire, l’Atlantide, tout se rejoint ! Cher professeur Gims, dites-nous-en davantage, par pitié, éclairez-nous de votre si lumineux savoir ! « L’Afrique a peuplé l’Europe avant les Européens, on les appelait les Afropéens. Ils ont été décimés par les vrais Européens qui venaient d’Asie. On les appelait les Yamnayas, 50.000 ans avant les Européens », ajoute-t-il sans se démonter. Quel aplomb ! Ce n’est plus un enseignement mais une performance artistique.

Le cours du professeur Gims s’achève par une rigoureuse démonstration : « Tu retrouves aujourd’hui des tableaux qui sont classés, cachés dans des catacombes, c’est des renois qui sont en mode chevalier, Sir Lancelot, tout ça. Il faut connaître notre Histoire. On veut nous faire croire que notre Histoire a commencé sur un négrier. » Le chevalier Bayard était noir, quelle découverte ! Gims a enchaîné, sans aucun sourcillement ni rire étouffé, les poncifs complotistes les plus en vogue au sein de certaines sociétés africaines francophones.

Le péril panafricain

Le ver est depuis longtemps dans le fruit. L’un des premiers porte-étendard de cette réécriture de l'histoire générale de l’Afrique est sans conteste le Sénégalais Cheikh Anta Diop. Recalé à la Sorbonne, ce dernier affirmait que les sphinx égyptiens avaient le nez sectionné à cause des Européens blancs qui voulurent dissimuler la nature « négroïde » de leurs traits. Le génie sénégalais affirmait également que la plupart des pharaons étaient noirs, que Cléopâtre elle-même l’était ; dire l’inverse relevait du colonialisme. Enfin, le grand égyptologue autoproclamé ne savait pas lire les hiéroglyphes mais affirmait, avec un aplomb « gimsien », que le wolof (langue majoritaire au Sénégal) et l’égyptien ancien présentaient des similitudes, ce que tout historien sérieux réfute.

Les idées de Cheikh Anta Diop ont pu tranquillement se diffuser et infuser chez de jeunes intellectuels africains des années 80 et 90. Largement promu par le service public français, peu d’historiens ou de journalistes se sont véritablement attelés à déconstruire le mythe diopien. Pourtant, ce discours conspirationniste fait des ravages auprès de toute une jeunesse africaine en quête de sens et de repères identitaires, à l’image de Gims.

Un fantasme permanent

La création d’une mythologie historique n’est en soi pas néfaste pour les peuples. Comme dit le grand Régis Debray, « l’Histoire, c’est la correspondance entre la mémoire et le projet ». Mais il faut savoir de quelle mémoire l’on parle. Nombreux sont les « afro-descendants » tels que Kémi Seba ou les membres de la Ligue de défense noire africaine qui cherchent à glorifier une Afrique victime éternelle d’une Europe ayant toujours conspiré pour la falsification de son Histoire et le maintien des peuples dans le mensonge. L’Occident a de quoi s’inquiéter de ce genre de thèses qui feront bientôt de lui l’ennemi numéro en Afrique et sur lesquelles surfent la Russie et la Chine.

Sur Internet, une cohorte de médias panafricanistes et complotistes diffusent les pires théories complotistes au sein même des diasporas et des populations locales. L’homme blanc y est essentialisé, l’Histoire déformée. Ainsi, on en vient aux mythes de la tour Eiffel faite d’acier algérien, de Napoléon l’inventeur des premières chambres à gaz, du général de Gaulle génocidaire de millions d’Africains ou d’une Égypte antique électrifiée grâce à l’or des pyramides… « L’Afrique n’est pas le Wakanda, arrêtez de rêver », dénonce la courageuse Stella Kamnga, qui se bat contre les mensonges des panafricains. Une mince raison d’espérer la fin de ce cirque ?

Par Julien Tellier le 11 avril 2023

Boulevard Voltaire


lundi 27 février 2023

Vaincre ou mourir contre Slava Ukraini, chef-d’œuvre de BHL : victoire des Vendéens par KO !



Les chiffres sont cruels et les faits têtus. Ainsi, la surprise du box-office de ces dernières semaines demeure . Le film de Vincent Mottez et Paul Mignot, produit par Le Puy du Fou, en seulement quatre semaines a déjà écoulé 288.754 tickets. Un résultat inattendu pour un film à faible budget, sans grandes stars et précédé par des critiques plus que défavorables, quand il ne s’agissait pas tout simplement d'un véritable lynchage médiatique. Seulement voilà, le public en a décidé autrement.

Et Vaincre ou mourir en arrive même à largement dominer un autre film, Tár, de Todd Field, donné pour grand favori à la prochaine cérémonie des Oscars™, avec 107.762 entrées en première semaine, contre 98.869 pour ce film pourtant porté au pinacle par la presse. Un public décidément cabochard, qui s’est montré encore plus sévère vis-à-vis de la dernière œuvre de Bernard-Henri Lévy, , que la critique avait plus que chaleureusement saluée.

D’où ce tweet rigolard de l’avocat Gilbert Collard, passé du  à Reconquête :

Mais Bernard-Henri Lévy a l’habitude de voir ses films quitter l’affiche avant même que la colle n’ait fini de sécher. Le succès du film tourné par le duo Mottez et Mignot est une surprise, la dégringolade de celui de BHL pas vraiment.

Les précédents films de notre brillant philosophe n'ont pas affolé le box-office : 1.475 spectateurs pour Le Serment de Tobrouk (2012), 3.567 entrées pour Pershmerga (2016). En comparaison, Le Jour et la Nuit et ses 73.147 tickets vendus en 1997 peuvent faire figure de triomphe, même si la chose est à l’époque qualifiée par Les Cahiers du cinéma de « plus mauvais film français depuis 1945 ». Et le cinéaste Claude Chabrol d’ajouter, malicieux : « Là, c’est très intéressant, comme cas. C’était très mauvais. Je connais un peu Bernard-Henri Lévy parce que nous étions ensemble à l’avance sur recettes. Il est loin d’être bête. Il est intelligent et même subtil. Mais il a fait le film le plus con de l’année. Le plus grave, c’est que tout le monde le lui a dit mais il refuse de le croire. Il pense qu’il est en avance. L’auteur de L’Invasion des tomates géantes pensait peut-être qu’il était un génie, mais il ne l’a jamais dit. »

Il est vrai que les dialogues entre un Alain Delon endormi, une Arielle Dombasle évaporée et un Karl Zéro survolté font partie de ces expérimentations sensorielles qu’il faut avoir vécu au moins une fois dans sa vie. Elles sont dignes des échanges entre un professeur Tournesol et un capitaine Haddock sous acide. Delon en montgolfière : « On est vraiment mieux dans le ciel que sur terre. » Dombasle : « Je viens de croiser le prêtre du village et il avait l’air bizarre, pas comme les autres prêtres. » Zéro : « Qu’est-ce que vous voulez que ça me foute ? » Excellente question, en effet.

À croire qu’il peut encore et toujours exister un cinéma légal et un cinéma réel. En attendant, les Ukrainiens ont sûrement assez à faire avec leurs ennemis pour s’encombrer de tels amis.

Par Nicolas Gauthier le 27 février 2023

Boulevard Voltaire

mercredi 22 février 2023

Il sort un film, Slava Ukraini : hommage à BHL, infatigable avocat des causes gagnées



Il est comme cela, Bernard-Henri Lévy. Et on finira peut-être par l’aimer, tant il persiste, contre vents et marées, contre le ridicule et les moqueries, malgré l’échec de ses livres et de ses films, à vouloir séduire les Français. Il y a, chez cet homme convaincu, comme tout bon soixante-huitard, que la jeunesse lui appartient définitivement, quelque chose de touchant à force d’être pathétique. On a envie de le cajoler, de le prendre par l’épaule. De lui dire, allez, stop, arrête ! Laisse la place aux autres, à ceux qui combattent pour leurs idées et pas seulement pour leur ego. On t’aime bien, tu fais maintenant partie du paysage, comme une éolienne contre laquelle on aurait pétitionné mais à laquelle on se serait finalement habitué. Une hélice orgueilleuse, bruyante, un peu trop bien dessinée, un peu trop design, toujours orientée dans le sens du vent et finalement inoffensive.  sortira, le 22 février, un film sur la résistance de l', Slava Ukraini. On pourrait rêver d'une ode patriotique, d'une conversion subite de ce mondialiste échevelé aux vertus de la patrie. Hélas, rien ne l'annonce.

Cela fait si longtemps que le « nouveau » philosophe part à l’assaut des projecteurs, se dresse contre l’injustice, jamais en retard d’un combat consensuel. Encore un peu de lumière, Monsieur le bourreau ! Il a cela de rassurant et de sympathique, , qu’il ne change pas. Ses cheveux dont il a fait un emblème ont à peine grisonné. Dans Le Journal du dimanche, assis sur le lit superposé d'une chambrée sur la base navale ukrainienne d’Otchakiv, il prend des notes, l’éternelle chemise blanche ouverte sur un tee-shirt sombre, barbe de trois jours, parfaitement peigné en arrière sous le regard préoccupé d’un très jeune militaire. La pause avant la cause.

C’est l’anti-James Bond : sauver le monde, oui, mais après avoir évité une cuisante disparition médiatique. Dieu sait pourquoi, les Français n’écoutent plus ce vrai-faux prophète extralucide. Question révélatrice de  dans l’article que lui consacre l’écrivain Christine Angot dans Le Journal du dimanche : « Vous croyez que ces gens vont finir par m’aimer un peu ? »

« Ces gens », c’est vous, nous, les Français, les habitants de l’Hexagone et peut-être d’ailleurs. On ne l’aime pas, il le sait. « Moi, le nanti », avait-il lancé à Angot. La vie est injuste. Comment « ces gens » peuvent-ils lui faire le reproche d’être né riche, beau et intelligent ? De mettre ses qualités, son sens du timing, de l’image et de la publicité au service des causes les plus médiatiques ? C’est que la pièce a été un peu trop jouée, l’acteur en fait trop, les ficelles sont les mêmes. Cet auteur célèbre mais qui ne vend plus, cet acteur connu comme le loup blanc mais qui ne fait plus d’entrées passe désormais pour ce qu’il est : un gentil mannequin de paille désarticulé, abîmé dans l’admiration de lui-même. Il est le seul à croire encore à son génie mais il n’en démord pas. Ah, s’il avait mis autant d’acharnement à soutenir des causes humbles et difficiles ! Celle des agriculteurs, des petites retraites, des Français chassés des banlieues islamisées, des professeurs assassinés, des policiers qui tentent de contenir l’émeute, des ouvriers abandonnés. Ca ne manquait pas, les belles causes désintéressées. Il s’est contenté de mettre de côté le beurre de l’admiration populaire et l’argent du beurre du confort intellectuel, le politiquement correct et le confort bourgeois, la gloire facile et l’admiration de soi-même. N’est pas Hemingway qui veut. N’est pas Bernanos qui veut. Il y faut du courage.  a préféré hurler avec les loups, toujours du côté du manche. 

La sanction est tombée depuis longtemps. « Ces gens » préfèrent à l’ancien « nouveau philosophe » des plumes un peu plus tranchantes, un peu plus courageuses, un peu plus lucides, sans parler du talent : Houellebecq, Onfray, Finkielkraut, Zemmour, la tête brûlée Sylvain Tesson et bien d’autres. Il finira peut-être par gagner l'affection qu'on porte instinctivement aux vaincus.

Par Marc Baudriller le 22 février 2023

Boulevard Voltaire

jeudi 16 février 2023

Rima Abdul-Malak, ministre de la Censure, attaque CNews

 


Personne ne connaissait Rima Abdul-Malak. C’était mieux pour elle. Personne ne connaissait l’identité du ministre de la Culture. On pouvait même se demander si un ministre de la Culture pour un pays qui n’a pas de culture, comme l’a déclaré l’actuel président, restait bien nécessaire. En fait c’est indispensable. Le ministre de la Culture est un ministre de la Censure, chargé de faire respecter les bonnes mœurs médiatiques.

Il y a en Iran une police des mœurs chargée du bon respect des mœurs islamiques, on sait qu’on a en France maintenant une police des bonnes mœurs médiatiques. Très honnêtement, je n’aurais jamais pensé que la médiacratie idéologique autorise en France l’émergence d’une chaîne sinon totalement dissidente, au moins discordante. Elle a été prise par surprise. CNews et C8 existent, et maintenant c’est pour la bien-pensance unique absolument intolérable.

Après une première sommation dans le journal Le Monde mi-janvier, la ministre de la Culture en a remis une couche sur France Inter contre les chaînes de Vincent Bolloré, C8 et CNews. « L’accès à des fréquences gratuites se fait en échange de certaines obligations, comme respecter le pluralisme, traiter les affaires judiciaires avec mesure ou créer un débat contradictoire sur des sujets pouvant porter à controverse, a rappelé Rima Abdul Malak. C’est ensuite à l’Arcom de vérifier si celles-ci ont bien été respectées pour évaluer si la reconduction de fréquences est justifiée ou pas. » Et la ministre de relever au passage qu’il y a déjà eu « une vingtaine d’interventions de l’Arcom depuis 2019 pour C8 et CNews… ». La menace n’est même pas voilée. On notera que l’Arcom, ex-CSA, est réputée être indépendante même si son président est nommé par le président de la République, ce qui est tout de même troublant. On notera que la déclaration de guerre de la ministre à Bolloré a été faite au cœur d’un service public ayant exclu au niveau des analyses tout contradicteur de droite sur son antenne. Ce n’est pas le cas de CNews où sévit l’insupportable Laurent Joffrin par exemple. Où est le Laurent Joffrin de droite sur le service public ? Certes CNews a un côté très sécuritaire et identitaire, en contradiction avec l’idéologie gauchiste ambiante dans les médias audiovisuels. Mais c’est le droit d’une chaîne privée d’avoir une ligne éditoriale, comme LCI est devenue la chaîne d’information continue des amis de Zelensky par exemple. Libre aux téléspectateurs de ne pas regarder, la seule censure est celle du public et donc de l’audience. CNews a fait Zemmour, ce ne lui sera jamais pardonné. Notamment par une ministre qui est le pendant à la culture de notre ministre de l’inculture, d’une éducation devenue un formatage antinational. Tout se tient.

Rima Abdul-Malak, née le 11 février 1979 à Beyrouth au Liban, est une femme politique franco-libanaise. Après avoir été directrice des programmes de Clowns sans frontières – ça ne s’invente pas –, puis responsable du pôle musiques à Culturesfrance (devenu l’Institut français), elle rejoint le cabinet de Christophe Girard, adjoint à la culture à la mairie de Paris, puis devient conseillère culture du maire de Paris, Bertrand Delanoë, entre 2012 et 2014. Elle est ensuite nommée attachée culturelle à New York. Elle a, semble-t-il comme Pap Ndiaye, été influencée par la vision américaine du multiculturalisme. En novembre 2019, elle devient conseillère culture et communication du président Emmanuel Macron. Elle est nommée ministre de la Culture le 20 mai 2022, dans le gouvernement d’Élisabeth Borne. Quand on voit son parcours, on comprend mieux sa détestation de tout ce qui ne pense pas comme elle. Dans un communiqué envoyé quelques heures plus tard, le groupe Canal+ s’est dit « choqué » par la « critique » et les « invectives » de la ministre. « Madame la Ministre prend parti, sort de sa réserve et ne respecte pas l’indépendance de notre régulateur sectoriel. » Les relations entre Vincent Bolloré et le pouvoir macroniste, déjà très orageuses, ne sont pas près de s’arranger. Cela étant, amateurs de CNews, pas de panique. Le renouvellement est prévu pour 2025. D’ici là, on verra où on en sera sur le plan politique. Il y a de fortes chances que Mme Abdul-Malak ne soit plus là et Bolloré toujours aux manettes. Ainsi, celle qui était inconnue sera très vite oubliée. La Macronie lui trouvera bien un placard doré pour continuer à nous enrichir de ses multiples talents. Car, dans ce milieu, on change de fréquence, mais on est toujours renouvelé, ou plutôt recyclé.

Par Pierre Boisguilbert le 13 février 2023

Polémia


jeudi 2 février 2023

Ateliers lecture : la nouvelle lubie LGBT - Les Femmes et les Enfants d'abord ! - TV Libertés le 3 février 2023

 

« Woke est le nom d’un fantasme réactionnaire » : heureusement que France Culture est là !



On dit beaucoup de mal du service public, mais honnêtement, heureusement que les radios d'État sont là pour nous informer. Sans , tenez, on croirait encore que le  existe. On serait tenté de penser que la promotion des minorités aux dépens d'une majorité qui ne lui a rien fait prend des allures agressives. On se dirait presque (mais on aurait bien tort) que l'invasion du champ médiatique par des activistes énervés, qui font taire à grands cris toute forme de débat raisonnable ou d'opposition à la destruction (pardon, la déconstruction) est généralisée. Non seulement on aurait tort, mais on serait dans un discours de haine.

Heureusement pour nous, la radio la plus cultivée de France a décidé de « débunker », comme on dit, ce mythe réactionnaire. Elle offre pour cela une tribune à François Cusset, historien des idées et professeur de civilisation américaine (deux mots qui ne vont pas très bien ensemble) à l'université de Nanterre. François Cusset, qui vient de publier La Haine de l'émancipation. Debout la jeunesse du monde, chez Gallimard, a un avis très clair sur la question du , ou de ce que l'on appelle l'islamo-gauchisme. Il y voit une forme de haine contre tous les combats d'émancipation, comme une manière de faire taire les revendications légitimes des minorités. Pour le dire avec ses propres mots, « il est la marque d'un chantage moral à visée politique ». Peut-on aller plus loin ? Bien sûr ! Citons  : « La violence, l'intolérance, le "cancel", observe François Cusset, s'expriment là où on fait la guerre aux minorités, où l'on hurle au racisme anti-blanc, à l'hystérie féministe et où l'on moque les actions des militants écologistes. » Pour le dire simplement : l'oppression est décidément du côté de ceux qui n'approuvent pas les activistes woke.

Il est surprenant que François Cusset ne dise pas un mot sur la réécriture de l'Histoire, sur la culpabilisation systématique de l'Occident, sur la chasse aux mâles blancs hétéros de plus de 50 ans, sur les interdictions de conférences, sur le financement public de reportages ou d'expositions très orientés. Il semble ne pas voir que l'idéologie dominante, dans les médias, la politique, l'Éducation nationale, le monde associatif, le monde de la culture... est la sienne. Il se pense encore comme défenseur des minorités sans voir que la gauche détient toujours, bien qu'elle se soit trompée sur absolument tout, un magistère moral qui tétanise la droite classique. Il est également surprenant qu'il voie, dans cette lutte des minorités, une forme renouvelée de lutte contre le capitalisme. N'est-ce pas un peu tout mélanger ? L'identité de l'Occident doit-elle être foulée aux pieds tous les matins pour mettre un terme aux dérives de l'économie de marché ?

Si l'on essaie de théoriser ce qui est en train de se passer dans la tête des gauchistes de la vieille école, qu'ils s'appellent François Cusset ou Libération (à l'occasion de la sortie de Vaincre ou mourir), on voit d'abord qu'ils ont perdu pied. Ce qui est à l'œuvre en Occident (le retour de boomerang de la French Theory exportée aux États-Unis dans les années 70-80) n'a rien à voir avec les vieilles grilles de lecture du marxisme historique. Les historiens de Libé qui en appellent au « sens de l'Histoire » ou François Cusset qui s'accroche à la lutte contre le capital sont à la dérive, ils ont des décennies de retard. Ils seront dévorés par ce monstre qu'ils soutiennent aveuglément - car, oui, il y a bien ce que Cusset appelle, pour rire, un « monstre woke », un monstre protéiforme, qui agglomère tout et son contraire avec un seul ciment : la haine de ce qui est sacré (c'est-à-dire de ce qui légitime le sacrifice et interdit le sacrilège). Haine de la religion, haine de la civilisation, haine de la loi naturelle, haine de la patrie, haine de la famille, haine de l'Histoire, haine de la filiation, haine de la beauté, haine de l'harmonie : comme beaucoup de gens qui, à travers les âges, ont travaillé pour le même patron, l'objectif des militants woke n'est pas appuyé sur un contre-projet mais uniquement sur la division du monde.

Pour opérer une telle inversion accusatoire, il faut en tout cas un certain aplomb. Saluons au moins cela chez ... en attendant, on l'espère, la privatisation bienheureuse de cette officine de propagande.

Par Arnaud Florac le 2 février 2023

Boulevard Voltaire

samedi 3 décembre 2022

« Et si les Beatles n’étaient pas nés ? » — et autres hypothèses stimulantes



« Si j’aurais su, j’aurais pas venu », se lamente P’tit Gibus, dans la seule vraie adaptation — celle d’Yves Robert — de La Guerre des boutons, la seule fidèle au roman de Louis Pergaud : les censeurs qui contrôlent les ondes se gardent bien de la rediffuser, de peur de choquer la brigade anti-pédophilie, puisqu’on y voit à loilpé les fesses des garnements qui se chamaillent dans les forêts normandes.

Les grammairiens appellent cela l’irréel du passé : on regrette que les choses ne se soient pas arrangées autrement — mais on n’y peut rien. Là règnent en maîtres le conditionnel passé et le subjonctif plus-que-parfait.

Vivre vite, couronné cette année du Goncourt, est tout entier construit sur de telles hypothèses. Brigitte Giraud évoque toutes les occasions (ratées) qui auraient pu ne pas conduire à la mort de son compagnon dans un accident stupide. Et si, par exemple, les Japonais n’avaient pas construit la Honda 900 CBR Fireblade, dite « widow maker », qu’ils se gardaient bien d’autoriser chez eux. Je n’épiloguerai pas, j’en ai déjà parlé par ailleurs, l’un des premiers, et Sophie Bachat dans Causeur en a dit tout le bien qu’elle en pense.

Dans son numéro de fin d’année 2021, Marianne avait épuisé tous les « Et si » que les déceptions en cascade nées de cette France obsolescente pouvaient engendrer. Et dans un essai remarquablement intelligent et bien écrit, comme tout ce qui sort de sa plume, l’essayiste Pierre Bayard a jeté un long regard en arrière pour évoquer des hypothèses dont l’effet, si elles s’étaient réalisées, eût pu changer la face du monde mieux que la longueur du nez de Cléopâtre.

« Et si les Beatles n’étaient pas nés » ? Ainsi commence ce livre, qui ne se contente pas d’effacer tel ou tel personnage, mais d’envisager son remplacement par un autre, qui existait aussi, n’était pas dépourvu de talent et auquel l’icône a fait une ombre telle qu’il a disparu corps et bien. Si les Beatles n’étaient pas nés, si Brian Epstein n’avait pas pris leur carrière en main, nous aurions dansé le slow sur «Waterloo Sunset».

C’est, on s’en souvient peut-être, le thème de Jean-Philippe, l’excellent film de Laurent Tuel, où Fabrice Luchini, fan inconditionnel de Johnny Halliday, se réveille après un léger coma dans un monde où Jean-Philippe Smet est inconnu. Mais il existe bien, pourtant — il est patron de bowling : un stupide accident de scooter l’a empêché de participer, le 30 décembre 1959, à l’émission qui l’a lancé. Non, je ne dévoilerai pas la fin, qui retourne la dystopie en uchronie.

Pierre Bayard va très loin et réhabilite par ce procédé de grandes pointures éclipsées par tel ou tel phare de l’humanité. Sans Shakespeare, par exemple, on n’aurait pas oublié Ben Jonson, auteur important de l’ère élisabéthaine, dont il ne reste (vaguement) dans les mémoires que Volpone, et encore parce que Harry Baur et Louis Jouvet l’ont interprété — disponible en intégralité ici. Mais il échafaude aussi des hypothèses corrosives : si Freud n’était pas né, aurions-nous encore des problèmes ? Si Max Brod avait brûlé les manuscrits de Kafka, conformément au vœu de son ami ? Si la CIA n’avait pas décidé de se faire éditeur et de diffuser le Docteur Jivago, sentant que le roman était une épine dans la chaussure des Soviétiques — ce qui éclipsa Le Don Paisible, splendide roman sur un thème similaire de Mikhaïl Cholokhov, et valut le Nobel à Pasternak.

Ou si Marx…  

La dystopie est bâtie sur une hypothèse noire. Ainsi, dans Le Maître du haut château, Philip K. Dick imagine que l’Axe a gagné la Deuxième Guerre mondiale, et que les Etats-Unis sont occupés à l’est par les Allemands, à l’ouest par les Japonais — et qu’un roman narrant la victoire des Alliés amène une uchronie dans la dystopie.
Parce que l’uchronie, elle, est la re-création d’un monde plus agréable à notre goût. En 1836 un certain Louis Geoffroy (1803-1858) publia Napoléon et la conquête du monde, où il raconte comment l’Empereur, après avoir subjugué les Russes, étend son empire jusqu’au Japon. Giscard d’Estaing, qui n’a jamais utilisé de nègre et qui n’a jamais copié personne, a publié en 2010 un roman intitulé La Victoire de la Grande armée qui part exactement de la même hypothèse — un hasard, probablement. Le roman de Geoffroy étant disponible sur Wikisource, chacun pourra s’en faire une idée.

À noter que ce qui est dystopie pour les uns peut être uchronie pour d’autres. Le romancier Emmanuel Carrère, alors à l’aube de sa carrière, publia en 1986 un essai stimulant intitulé Le Détroit de Behring, où il analyse en détail les principes uchroniques : l’Encyclopedia Sovietica, après l’exécution de Beria en décembre 1953, fit effacer le nom du tortionnaire préféré de Staline de tous les exemplaires envoyés aux souscripteurs en leur expédiant un article de même format sur « Behring, détroit de » — à coller sur l’article Beria pour le faire disparaître. Évidemment ça n’effaçait pas le Goulag ni le massacre de Katyn, entre autres exactions commises par ce grand bienfaiteur de l’humanité.

Je suggère au lecteur, après avoir fait l’acquisition des ouvrages indispensables cités ci-dessus, de chercher les « Et si » les plus à même de corriger la trajectoire désastreuse de la France — ou du monde, si vous avez de l’ambition et de la démesure. Ou votre trajectoire personnelle : après tout, si la voiture qui hier soir m’a accroché la veste en virant sec en plein centre-ville avait tourné plus sec, je ne serais pas là pour écrire cette chronique — dystopie ou uchronie, à votre gré.

Parce qu’avec des « Et si », on pourrait révolutionner bien des choses. Obliger Karim Benzema à chanter la Marseillaise. Nommer Cyril Hanouna au ministère de l’Éducation, et Elisabeth Lévy à la tête de France Télévision. Imaginer que Virginie Despentes aurait enfin potassé le BLED. Ou me faire taire…

Non, ça, ce n’est pas possible — même dans les rêves fous de tous les gens qui me veulent du bien.

Par Jean-Paul Brighelli le 3 décembre 2022

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