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samedi 3 septembre 2022

Nicolas Bay: «La nécessité d'une droite civilisationnelle»



La vie politique française se résumant souvent à des affrontements électoraux et des chocs d'ambition ou de carrière, les questions de fond, touchant aux défis majeurs que notre pays devra relever, passent de plus en plus au second plan. Les forces politiques et les personnalités qui les incarnent se distinguent de moins en moins sur leurs idées mais sont analysées et décortiquées quotidiennement sur leur tactique, leur position – autrement dit le plus souvent, leur posture. Ainsi, on semble parfois oublier ce qui est l'essence de la politique: la vision que l'on développe pour l'avenir – c'est-à-dire la pérennité – de la Cité.

La vision philosophique d'abord, le projet ensuite (prosaïquement le programme) et l'incarnation enfin, c'est-à-dire la personnalité, le candidat le plus à même de le représenter: c'est ainsi, et dans cet ordre, que devrait se définir un engagement.

Si l'on veut échapper à la simple confrontation des personnes et des écuries, il faut donc replacer la doctrine et les idées au cœur. Sinon, il risque de ne rester que les choix marketing, les photos Instagram et les vidéos TikTok. Il ne s'agit pas là d'un excès de purisme ou d'une naïveté incompatible avec l'âpreté du combat électoral, mais simplement de rappeler que la communication ne peut constituer ni l'essentiel ni le moteur de l'engagement politique et par suite, de la mobilisation d'un peuple.

Ce qui fait l'utilité d'un objet politique – qu'il s'agisse d'un courant d'idées, d'un parti ou d'un candidat, c'est sa spécificité, sa capacité à apporter un regard et une réponse qui ne sont pas portés par d'autres.

Si 2,5 millions d'électeurs se sont reconnus dans la candidature présidentielle d'Éric Zemmour, si 130.000 Français ont adhéré à Reconquête !, si de nombreux cadres et élus – comme c'est mon cas – venant d'autres formations politiques ont rejoint ce candidat et ce parti, c'est précisément en considérant que ce qu'il défend ne l'était pas, ne l'était plus ou même ne l'avait jamais été, par d'autres et ailleurs. Si je me suis engagé aux côtés d'Éric Zemmour, si j'ai pris des responsabilités au sein de la direction de Reconquête ! c'est précisément parce que j'estime que ce mouvement défend plus justement, plus clairement, ce à quoi je crois profondément.

Ce serait ainsi une erreur de penser que Reconquête ! n'est qu'une excroissance ou une version alternative du RN ou de LR, au prétexte que – c'est évident – nous partageons des constats et même certaines solutions avec Marine Le Pen ou Laurent Wauquiez. Cette volonté de regard en miroir ne reflète pas la réalité. Cette vision réductrice fait fi de l'essentiel: les idées fondamentales que l'on entend défendre, la philosophie politique qui les sous-tend, c’est-à-dire une certaine vision de l'Homme et de la société.

Après des années d'engagement, j'ai appris que ce qui compte le plus est la cohérence. Et j'affirme que Reconquête ! porte le projet le plus cohérent, car il est porté par une vision dépassant le simple cadre politicien: Reconquête ! est le parti de la droite civilisationnelle.

Droite civilisationnelle plutôt que républicanisme désincarné

Reconquête ! s'affirme comme la droite «civilisationnelle», fondant largement sa démarche sur la préservation et plus encore, la restauration de ce qui constitue notre identité française et européenne, puisant ses racines dans la Grèce, la Rome antique et la Chrétienté. C'est dans cette perspective-là que nous combattons l'immigration de peuplement, que nous souhaitons engager une vaste politique de remigration, car la logique exclusivement sécuritaire n'est pas suffisante. L'assimilation d'un grand nombre d'immigrés présents sur notre sol n'est plus possible car, en tout premier lieu, les personnes concernées la refusent.

Nous savons aussi que l'islam revêt une double dimension, spirituelle bien sûr mais aussi politique (la charia constituant une organisation politique et sociale à part entière incluant un Code civil et un Code pénal). Or, dans sa dimension politique, l'islam n'est évidemment pas compatible avec la République comme certains l'affirment avec une confondante légèreté… participant à désarmer moralement nos compatriotes par ce type d'assertion.

Au-delà même de l'aspect religieux ou politique, nous refusons l'islamisation en tant que subversion culturelle de notre société. Nous ne combattrons pas cette modification profonde de nos mœurs en nous réfugiant derrière une conception idéologique, erronée et dévoyée de la laïcité qui ne serait pas la simple neutralité philosophique et religieuse des institutions mais reviendrait à placer toutes les religions sur un pied d'égalité. Si l'on refuse de s'appuyer sur notre identité, nos racines, en reconnaissant clairement qu'on ne peut tirer un signe égal entre le christianisme et l'islam en France et en Europe, il apparaît alors purement défensif, et donc vain, de s'opposer à l'immigration et à l'islamisme en leur opposant le désuet logiciel laïcard d'une République désincarnée qui fut celui de Chevènement avant-hier et même de Mélenchon hier (avant que ce dernier ne soit pris en main par les indigénistes).

Certains affirment refuser l'immigration en se bornant à fustiger uniquement ses conséquences économiques, sociales et sécuritaires (ce qui est légitime au demeurant). Nous menons un combat civilisationnel de préservation de notre identité plurimillénaire menacée aujourd'hui par l'effet conjugué de l'immigration incontrôlée et de l'islam conquérant, venant percuter des sociétés européennes où les âmes vides de l'hédonisme post-68 se conjuguent avec les berceaux vides de la dénatalité.

Créativité, libertés économiques et valeur travail face à l'étatisme, à la démagogie et à l'assistanat

La France de 2022 a besoin d'une ambition économique qui consiste d'abord à retrouver ce que nous sommes. Nos racines, notre culture et notre histoire qui ont permis à la France, et plus généralement aux nations d'Europe, de rayonner pendant des siècles à travers le monde, bien mieux, bien plus efficacement qu'aujourd'hui et ce bien avant les flux numériques instantanés et les accords de libre-échange !

Le génie créateur, qu'il soit artistique, artisanal ou industriel, l'inventivité mêlée à l'audace et au risque constituent l'authentique esprit entrepreneurial, profondément ancré dans notre civilisation, avec lequel la France doit renouer. Par démagogie électorale, il est aujourd'hui confortable de faire croire que l'on pourra s'endetter encore et toujours sans jamais rembourser ni augmenter une fiscalité qui atteint pourtant déjà un niveau confiscatoire, plaçant la France parmi les pays les plus imposés du monde occidental.

L'économie française meurt depuis des décennies du socialisme, c'est-à-dire de l'étatisme sclérosant, empilant des impôts, des taxes, des normes, et des contraintes qui brident les libertés économiques et annihilent non seulement la compétitivité de nos entreprises mais l'inventivité elle-même.

Résolument du côté du travail, considérant que l'entreprise doit être un lieu de coopération et non d'affrontement, refusant la lutte des classes – qu'on lui donne des accents internationalistes ou nationaux –, considérant que la nation a besoin de tous, que l'ouvrier comme le chef d'entreprise constituent le peuple de France, nous sommes la droite de la valeur travail. Comment peut-on admettre que sur une fiche de paie, le montant mensuel finissant sur le compte bancaire du salarié représente moins de la moitié de ce qu'il coûte à son patron ? Finissons-en avec cette dérive frustrante pour le chef d'entreprise et exaspérante pour l'employé.

Face à l'étatisme, à la démagogie et à l'assistanat, Reconquête ! s'affirme comme la droite du travail, du mérite, de la liberté et des légitimes protections leur permettant de s'épanouir.

Conservatisme et bon sens commun face au progressisme qui déconstruit et détruit

Sur les questions «sociétales», ainsi nommées pour en diminuer l'importance dans le débat public et les reléguer à une sphère prétendument intime dans laquelle chacun se regarderait le nombril sans plus tenir compte du bien commun, les partis dits de droite ou du «camp national» ne cessent de fléchir. Hier pourtant, ils fustigeaient le PACS, comme une première étape vers le mariage homosexuel. Ce qu'il fut. Depuis, la gauche accumule les victoires idéologiques et leurs traductions législatives : le «mariage» homosexuel, l'adoption, la PMA sans père, l'allongement de 12 à 14 semaines du délai de l'IVG. Concomitamment, on nous impose l'écriture inclusive et la propagande LGBT dans les écoles. Les mêmes préparent pour demain l'euthanasie et la GPA. Et après ?

Face à cette vaste entreprise de déconstruction tous azimuts dont l'intensité le dispute au sectarisme, nous avons besoin d'une droite qui ne cède pas. Nous avons besoin d'une droite qui argumente et qui explique qu'il s'agit là de basculements anthropologiques majeurs et qu'il y urgence à enrayer cette spirale de la déliquescence. Se réfugier derrière «la sphère intime», prétendre laisser la société arbitrée pour se garder d'avoir à émettre un avis, se réfugier dans l'abstention ou sortir passer un coup de fil dès qu'un vote sensible intervient dans une assemblée… ce ne sont pas là des attitudes dignes de vrais responsables politiques. Sur ces questions majeures, ceux qui devraient incarner à l'Assemblée nationale l'opposition au macronisme sont trop souvent alignés sur les positions de la majorité progressiste, devenant presque l'une de ses nuances. Nos enfants paient et paieront ces petites lâchetés, ces concessions et ces renoncements.

Alors que ce qui était inimaginable encore hier est aujourd'hui érigé en dogme, il est inacceptable de se coucher ainsi devant la gauche en lui laissant le primat moral – comme si ceux qui veulent des thérapies hormonales pour des enfants ou la légalisation des mères porteuses pouvaient prétendre représenter le camp du bien !

Parce que ce sont les fondements de notre civilisation qui sont en péril, Reconquête ! s'affirme comme une droite conservatrice et qui s'assume. Être conservateur ne consiste pas à regarder en permanence dans le rétroviseur ou chérir une vision nostalgique. Nous sommes conservateurs car nous savons que nous ne sommes pas propriétaires mais dépositaires d'un héritage immense. Oui, l'autorité politique a pour mission la conservation de cet héritage et sa perpétuation, tout comme la protection des plus faibles de la communauté: elle doit valoriser les familles, sans lesquelles il n'est pas d'ordre social, plutôt que de céder aux caprices d'une minorité d'adultes revendiquant ce qui s'apparente à un véritable droit à l'enfant au détriment des droits fondamentaux de l'enfant qui doivent être protégés par la société. Elle est là l'authentique écologie, à rebours d'une prétendue écologie tournée contre l'Homme qui n'est qu'une énième version d'une même pulsion à la fois totalitaire et suicidaire.

Sans porter de jugement outrancier ni prétendre que les partis politiques existants n'auraient que des défauts et aucun mérite, nous pouvons en revanche affirmer que Reconquête ! et son projet n'ont pas d'équivalent en tant que vraie force de droite civilisationnelle défendant notre identité, les libertés économiques et un conservatisme assumé. Cette ligne politique singulière justifie l'existence autonome de notre mouvement.

Reconquête ! est non seulement utile dans le débat public et la compétition électorale, mais surtout nécessaire.

Par Nicolas Bay, vice-président exécutif de Reconquête! le 2 septembre 2022

Le Figaro

samedi 23 juillet 2022

Face à l’échec du principe de laïcité : l’impératif d’identité

 

Par Bruno Mégret, polytechnicien, haut fonctionnaire, essayiste, fondateur du MNR ♦ Le discours officiel tenu sur l’immigration, l’islam et l’intégration repose essentiellement sur le principe de laïcité. Une antienne laissant à croire que l’antagonisme séparant l’immigration extra-­européenne du peuple français se réduirait à cette notion et que tous les problèmes liés au fameux « vivre ensemble » seraient résolus si les immigrés se ralliaient à cet étendard.

Rien n’est plus faux. Car, s’il n’est pas question ici de contester le concept de laïcité qui instaure la séparation des églises et de l’État, concept qui appartient à notre patrimoine philosophique depuis des lustres, force est cependant de constater qu’il se révèle totalement inopérant pour clarifier les enjeux liés aux questions migratoires. Le discours sur la laïcité présente en effet trois failles majeures.

Immigration : le principe de laïcité est néfaste et inopérant

La référence à la laïcité conduit d’abord les acteurs du Système à placer toutes les religions sur un pied d’égalité. Une pratique qui assure à l’islam, présent sur notre sol depuis quelques décennies seulement, une promotion extraordinaire le hissant au même niveau que le christianisme, lequel a façonné notre civilisation pendant près de quinze siècles. De ce point de vue, le discours officiel sur la laïcité apparaît donc néfaste puisqu’il conduit à pénaliser notre identité tout en favorisant celle des nouveaux venus.

Ensuite, la laïcité s’avère être un instrument doctrinal difficile d’emploi quand on en vient à vouloir l’appliquer aux réalités concrètes. Le burkini est-­il ou non conforme au principe de laïcité ? Le débat ne cesse d’être rouvert. S’agissant du voile à l’école, les textes qui l’interdisent ne le nomment même pas explicitement, utilisant à la place la formule « signes religieux ostentatoires ». En vérité, le principe de laïcité est inopérant et laisse donc d’innombrables polémiques s’instaurer à propos de chaque nouvelle manifestation publique de l’identité musulmane. Une confusion qui est d’ailleurs largement exploitée par les activistes islamiques et qui, de surcroît, discrédite largement le discours officiel.

Enfin, la laïcité n’est pas une thématique qui pousse à l’adhésion, au rassemblement et à la cohésion autour de notre nation. Expliquer aux jeunes musulmans que la France se résume aux valeurs de la République et principalement à la laïcité est une aberration qui ne peut susciter que l’indifférence, le rejet, voire le mépris. Notion abstraite et incompréhensible pour beaucoup, la laïcité ne peut pas servir de creuset pour transformer les immigrés en Français à part entière.

Le discours officiel fondé sur la laïcité ne peut donc conduire qu’à l’échec. Un échec qui d’ailleurs est aujourd’hui patent. Aussi faudrait-­il adopter un discours radicalement différent fondé, lui, sur le concept d’identité. Celui-­ci permettrait d’asseoir quelques principes clairs que chacun pourrait comprendre et reconnaître comme légitimes, à défaut de les admettre.

Le droit à l’identité : un principe clair et opératoire

Il s’agirait d’abord de revendiquer un droit à l’identité. Chaque peuple a le droit de préserver son identité, un principe sous-­jacent d’ailleurs au processus de décolonisation du siècle dernier. Mais aujourd’hui c’est la France qui connaît de graves menaces pour la survie même de sa civilisation et qui doit donc brandir son droit à l’identité. Ce qui veut dire que sa politique et son discours en matière d’immigration doivent être subordonnés à l’impératif d’identité.

Ensuite, il faut définir officiellement les principales composantes de l’identité française et reconnaître le christianisme, qu’on soit chrétien ou non, pratiquant ou non, comme une composante essentielle de notre identité nationale.

Sans remettre en cause le principe de séparation des églises et de l’État et en se situant en dehors de toute considération religieuse, il convient donc de prendre en compte cette réalité qui doit assurer au christianisme dans notre vie nationale une place qu’on ne saurait donner à l’islam.

L’islam incompatible avec notre identité civilisationnelle

Le principe d’identité doit par ailleurs nous conduire à affirmer clairement que l’islam, qui a lui aussi, indépendamment de toute croyance religieuse, une dimension civilisationnelle, n’est pas compatible avec notre identité nationale car il est porteur d’une autre civilisation.

Cette référence au principe d’identité permettrait ainsi de définir clairement la place que doit occuper l’islam dans la société et de trancher une fois pour toutes les questions pratiques qui s’y rattachent. À cet égard il faut donc considérer que l’islam, ses attributs et ses pratiques, n’a pas sa place dans l’espace public français. Il en résulte que les musulmans, qui ont naturellement le droit de pratiquer librement leur religion, doivent le faire exclusivement dans le cadre de leur vie privée et ne sauraient exiger que nos règles publiques s’adaptent à leurs croyances. En conséquence, toutes les manifestations publiques de l’identité musulmane doivent être proscrites, qu’il s’agisse des vêtements portés à l’extérieur de chez soi, des menus spéciaux dans les cantines, des horaires réservés dans les piscines ou de tout autre affirmation de l’identité musulmane.

L’islam confiné dans la sphère privée

Remplacer, dans le discours officiel sur l’immigration, le principe abstrait, désincarné et théorique de laïcité par celui d’identité, charnel, enraciné et global, permettrait donc de disposer d’un critère général et clair pour définir sans ambiguïté, et une fois pour toutes, quelle doit être la place de l’islam dans notre pays : celle d’une religion qui, pour ne pas obérer le droit du peuple français à son identité, doit rester confinée dans la sphère privée.

Ce principe permettrait par ailleurs d’offrir aux étrangers qui prétendent demeurer en France un modèle clair et attractif auquel ils pourraient se référer et adhérer. Loin de la chimère philosophique de la laïcité, il leur serait présenté la perspective concrète de s’assimiler à une grande nation qui a traversé les siècles et dont l’identité est un trésor civilisationnel unique au monde. Un trésor dont peuvent être fiers tous ceux qui décident d’en faire leur héritage.

Polémia

jeudi 19 mai 2022

Avant de donner un avenir à nos enfants, donner des enfants à notre avenir



Le 5 mai dernier, un texte en projet de la Cour suprême des Etats-Unis (désormais majoritairement conservatrice) visant à renverser l’arrêt Roe vs Wade a été diffusé par Politico [1]. Cet arrêt, voté en 1973, établit une protection fédérale constitutionnelle au « droit à l’avortement », et fait depuis jurisprudence. Cette interprétation de la Constitution américaine est la seule base juridique fédérale sur l’avortement : le Congrès n’a jamais réussi à voter de loi régulant ou bannissant l’accès à l’avortement. Si le projet est mené à bout, on reviendra alors à la situation de 1973 où chaque Etat légiférait indépendamment sur ce sujet. Environ la moitié des Etats américains pourrait alors restreindre considérablement l’accès à l’avortement.

Sans s’immiscer dans une situation qui ne concerne pas notre pays, nous pouvons simplement remarquer que le débat autour de l’avortement est toujours présent de l’autre côté de l’Atlantique. Alors qu’en France, celui-ci ne porte que sur l’extension de l’avortement, et non pas sur l’acte en soi : dès que l’on questionne la valeur de cet acte, des hordes d’ayatollahs pour qui la liberté d’expression n’est plus qu’un vain mot s’attaquent violemment à celui qui a osé émettre une interrogation.

Au-delà de la question centrale du respect de la vie depuis sa conception jusqu’à sa mort naturelle, l’avortement est un sujet de société qui a des conséquences importantes sur la vie du pays. Ainsi en France l’indice de fécondité est passé en-dessous du seuil de remplacement depuis 1975. Il y a eu en 2020 un avortement pour un peu plus de trois naissances. Cette faible natalité complique la question déjà assez complexe du financement des retraites, à laquelle aucun des gouvernements qui se sont succédés n’a trouvé de solution. La démographie est aussi un élément incontournable pour avoir un poids international et garder notre rang de puissance économique.

Certains, pour qui la seule fin de la société est la prospérité économique, voient dans l’immigration de masse la solution à cette faible natalité. Mais en plus de traiter l’être humain comme une simple variable, l’immigration de masse est destructrice pour les pays d’accueil comme pour les pays d’origine. Devant l’échec de l’intégration et de l’assimilation, cette « solution » ne peut plus être sérieusement considérée : être Français ne consiste pas à payer ses impôts, c’est avant tout être légataire d’un héritage qui s’impose à nous et que nous nous devons de respecter et transmettre. D’autant plus que l’immigration est utilisée par des ennemis de la France pour mener à bien la troisième vague d’expansion musulmane après celle des VIIe et VIIIe siècles et celle de l’Empire ottoman. Si la déclaration de Boumediene « le ventre de nos femmes nous donnera la victoire » n’est pas attestée, elle résume bien celle d’Erdogan à la diaspora turque le 17 mars 2017 : « J’en appelle à mes frères et sœurs en Europe. Ne faites pas trois, mais cinq enfants, car vous êtes l’avenir de l’Europe » [2].

Favoriser la natalité des Français est donc vital. Cela passe bien sûr par des avantages financiers importants pour les familles et liés au nombre d’enfants, mais aussi par une revalorisation du mariage, fondement de la famille. De plus, il faut faire de la baisse des plus de 200 000 avortements annuels un objectif de santé publique. L’avis des Français sur cette question semble assez tranché. Selon un sondage Ifop de 2020 [3], 73% pensent que « la société devrait davantage aider les femmes à éviter le recours à l’Interruption Volontaire de Grossesse », et 84% sont favorables à « réintroduire dans le livret officiel d’informations remis aux femmes enceintes qui consultent en vue d’une IVG le détail des aides aux femmes enceintes et aux jeunes mères », comme cela était fait jusqu’en 2001.

Mais ces mesures de support à la natalité, si elles sont nécessaires, ne seront pas suffisantes. Le modèle capitaliste, consumériste et individualiste qui règne aujourd’hui, conduit à voir l’enfant comme un objet de désir d’abord vu sous un angle budgétaire : simple produit parmi d’autres, au coût relativement élevé. Il faut absolument reconsidérer l’enfant comme le fruit naturel de l’amour humain et comme un acteur indispensable de la chaîne de transmission entre les générations passées et les générations futures.

La réduction du nombre d’avortements comporte ainsi un double enjeu : enjeu démographique  pour pouvoir continuer à exister, mais aussi enjeu de civilisation, car c’est à la façon dont les plus faibles et les plus fragiles sont traités qu’on reconnaît le degré d’humanité d’un peuple. Même les révolutionnaires sanguinaires de la Terreur qui guillotinaient à tout va, lorsqu’ils avaient un doute sur une possible grossesse, annulaient la condamnation de la mère pour ne pas tuer la vie naissante. 

C’est dire à quel point nous sommes tombés.

[1] « Supreme Court has voted to overturn abortion rights, draft opinion shows», Politico, le 05/08/2022

[2] «Three children not enough, have five: Erdoğan to Turks in EU», Hürriyet, le 17/03/2017

[3] « Les Français et l’IVG », sondage Ifop du 07/10/2020

Par Jean-Frédéric Poisson, Président de Via le 19 mai 2022

CHARLOTTE rencontre la DESCENDANTE de Jeanne d'Arc, VA + le 18 mai 2022

 

mardi 17 mai 2022

Ukraine : Otan en emporte l’Eurovision

 

Par Pierre Boisguilbert le 17 mai 2022 ♦ Les jeux étaient faits à l’avance. L’idéologique médiatique l’avait décidé. L’Ukraine devait gagner l’Eurovision, l’Ukraine a gagné l’Eurovision. On se demande même pourquoi on a organisé le concours.

Un vote du public décisif

On pourrait s’arrêter là, mais on aurait tort. Le triomphe du groupe ukrainien a été le fait du vote massif du public. Ce sont donc bien les médias dominants qui font la loi. C’est vrai pour l’élection présidentielle française avec la diabolisation de certaines idées, c’est vrai aussi pour l’Eurovision avec la béatification de certaines causes.

Les résistants virtuels des réseaux sociaux ont donc exhibé leur conviction dans un « selfie » pro-ukrainien.
Ils auraient sans doute voulu exclure la Russie… mais c’était déjà fait par les organisateurs !

L’Eurovision a sacré l’Ukraine en 2022, grâce à un soutien massif du public. Un record a d’ailleurs été battu : c’était la première fois dans l’histoire du concours de chant qu’un pays obtenait autant de points (439) de la part des téléspectateurs.

Avant le vote du public, l’Ukraine ne faisait pas partie du trio de tête. Ce qui est consternant, c’est le sentiment de ce public de participer à l’histoire alors qu’il ne fait que suivre des faiseurs d opinions. Ces derniers, largement discrédités, ont, grâce à l’Ukraine, retrouvé tout leur pouvoir d’influence. On ne peut que le constater.

On pourrait déjà dévoiler le palmarès du futur festival du cinéma de Cannes, autre exemple parfait de la soumission à l’air du temps médiatique. S’il y a un film ukrainien, il sera forcément récompensé et tout ce qui pourrait alimenter la russophobie ambiante fera l’objet d’une dévotion compassionnelle.

Le président ukrainien, qui ne doute de rien et continue à militer pour la 3e guerre mondiale, verrait bien la future édition de l’Eurovision à Marioupol. Le groupe vainqueur a remercié le public pour cette reconnaissance de la culture ukrainienne que Poutine veut nier. En fait de culture ukrainienne, quelques notes traditionnelles ont servi d’introduction à une musique hip-hop sans aucune identité. Plus mondialiste tu meurs !

Le patriotisme célébré ?

« Stefania », le titre que le groupe ukrainien Kalush Orchestra a interprété, est un hommage à la mère du chanteur, Oleh Psiuk. Mais, depuis l’invasion du pays par la Russie, nombreux sont ceux qui y voient un symbole patriotique de l’Ukraine comme figure maternelle. La mère-patrie célébrée par l’Europe mondialiste, c’est tout de même amusant. Mais il faut reconnaitre leur engagement nationaliste aux chanteurs du groupe. Après le concours de chant, les membres du groupe reviendront dans leur pays pour joindre les forces combattant la Russie. L’un des danseurs est d’ailleurs resté à Kiev pour défendre la capitale ukrainienne.

Le nationalisme a-t-il donc remporté l’Eurovision ? C’est une autre manière de voire les choses. L’identité des peuples reste tout de même bien absente du traitement médiatique. La France, elle, arrive avant-dernière avec un chant en breton. Cette identité culturelle-la, celle d’un peuple historique européen autour d’une langue n’intéresse pas les médias… voire les révulse !

Pour gagner la prochaine fois, les Bretons devraient sans doute faire du rap transgenre en wolof ou être attaqués par Poutine.


lundi 16 mai 2022

Complotiste, populiste ? Non ! Démocrate et lucide ! (III)



La plupart des Européens sont confortablement installés sur leur fauteuil devant un écran et regardent le spectacle du monde. A force d’être soumis au même type de produits, ils finissent par recevoir ceux-ci avec une passivité complice. L’émotion des images isole la réaction affective de toute réflexion qui exigerait le recul du temps, la connaissance du contexte, la perspective des enjeux. Rien n’a mieux illustré cette situation que l’irruption de la “victoire” ukrainienne au concours de chansonnettes de l’Eurovision dont la Russie avait évidemment été exclue. Le ludion télévisuel et patrimonial dont on se demande ce qui lui a donné une telle audience, bien qu’on s’en doute un peu, ose avec une fausse candeur : ” On essaie de garder la politique en dehors de tout cela”. Et d’ajouter aussitôt qu'”il faut montrer sa solidarité avec le peuple ukrainien”, ce qui n’est pas faire de la politique, bien sûr…
Donc l’histoire et la politique sont réduites au spectacle, un spectacle westernien édulcoré pour âmes sensibles. Il y a les méchants d’un côté, avec le super-méchant, Vladimir Poutine, et les gentils de l’autre, les occidentaux. Ces derniers ont tout pour eux : le droit, la liberté, la démocratie, le courage, les armes et les dollars. D’abord le droit : celui des frontières reconnues. Comment les Russes osent-ils occuper la Crimée, et envahir l’Ukraine ? Mais, tout simplement, dira un mauvais esprit rétif à la propagande, par le même droit qui permet à un membre de l’Otan, un “occidental” donc, la Turquie d’occuper et de reconnaître comme Etat la partie de Chypre habitée majoritairement par des turcophones, ou encore aux Américains d’intervenir militairement en Irak, en Syrie, en Somalie, en Afghanistan, en Libye, dans divers pays d’Amérique latine aussi, ou de créer à coups de bombes sur Belgrade l’Etat mafieux du Kosovo. 
La différence réside dans la qualité du scénario et non dans la valeur du droit : les Etats-Unis selon la bonne vieille méthode utilisée par l’Allemagne et le Japon avant-guerre justifient leurs agressions par les menaces qu’ils auraient subies. La fiole agitée par Colin Powell au Conseil de sécurité, qui ne contenait rien, aucune arme bactériologique en tout cas, restera dans les mémoires. Le dictateur irakien n’était guère sympathique, mais l’Irak étranglé par les sanctions et les embargos qui écrasaient sa population était devenu bien incapable de se défendre contre une opération de “changement de régime” dont Washington est l’orfèvre. Le terrain médiatique est soumis à un bombardement d’informations avant le déclenchement de l’opération militaire. Il semble que Moscou en soit resté au traitement du terrain militaire par l’artillerie.
Mais cette dissymétrie est faussée. L’Occident serait la patrie des libertés, et la Russie une autocratie usant d’une censure implacable et parfois meurtrière. Il faut relativiser : il y a en Occident un totalitarisme mou sans doute plus efficace pour aligner les esprits que le dur qui finit toujours par susciter la rébellion parce qu’il fait mal. Le nôtre convainc plus qu’il ne contraint en éliminant les contradictions du champ de l’information pour ne laisser place qu’à la trilogie de la pensée unique, du politiquement correct et du terrorisme intellectuel, celui-ci réservé aux récalcitrants. L’immense majorité des médias dispense une information qui finit par paraître objective puisque rien ne vient la contredire. Pourquoi avoir interdit les médias de l’Etat russe, RT, Sputnik ? La moraline est déversée à hautes doses sur les esprits réticents : on leur fait honte d’être du mauvais côté. Enfin, on les censure, on les chasse du champ médiatique. Qui ne voit le procédé se répandre au fur et à mesure du traitement des crises par les puissantes machines à penser des milliardaires mondialistes et macroniens, et par le prétendu “service public” dont l’orientation politique est un véritable scandale.
Ainsi, la démocratie est-elle encore réelle dans nos “démocraties libérales” ? Sa guerre contre le populisme sous l’étendard d’un “progressisme” qui n’est que l’idéologie du microcosme dominant, de l’oligarchie qui s’accroche au pouvoir, est révélatrice. Ce sont les “valeurs” de cette caste qui sont présentées comme celle de notre civilisation : les “droits” des minorités, l’ouverture des frontières, la fin des familles et des nations au profit de l’individu roi, maître apparent d’une identité narcissique et consommatrice, qui peine de plus en plus à se définir. 
Cette affirmation est en fait une négation, un effacement des identités constructives qui font un homme, une femme, une famille, une nation avec le souci de la transmission et donc du temps long. La réélection de Macron en France après une série d’échecs retentissants, celui du matraquage fiscal qui a conduit aux Gilets jaunes, celui de l’impréparation face au covid, celui de la guerre en Ukraine, systématiquement transformés en leviers par la peur semée chez les “braves gens” un peu niais, est-elle “démocratique” ? La technocratie bruxelloise qui outrepasse ses limites et impose sa politique sans légitimité populaire est-elle démocratique ? Tout se passe comme si 1984 devenait la réalité : d’un côté, Eurasia et la Russie, de l’autre Océania, l’Empire anglo-saxon, des deux côtés, des castes au pouvoir, avec de part et d’autre, une propagande et chez nous les “deux minutes de haine” contre Poutine.
Depuis 1991, avec un rare acharnement, les Etats-Unis se sont employés à empêcher l’alliance fructueuse de l’Europe et de la Russie, naturellement complémentaires. Ils ont traité plus sévèrement la Russie que l’URSS, comme si ce n’était pas son idéologie qui rendait cette dernière contagieuse et dangereuse. Sans le communisme, la Russie est un pays qui participe pleinement à la civilisation européenne. La littérature et la musique russes sont parmi les plus puissantes de notre culture. Depuis très longtemps les Anglo-Saxons sont les ennemis de ce grand pays, trop grand et trop riche à leurs yeux. L’URSS était trop forte pour eux : ils n’ont pas osé s’en prendre à elle, mais depuis qu’elle s’est réduite elle-même à une Russie non communiste, elle est à leur portée. Ce n’est pas une question idéologique, mais la logique d’un prédateur dont les Européens se font les complices contre leur intérêt. 
Les Américains auraient-ils vaincu l’Allemagne nazie sans la Russie ? Auraient-ils vaincu l’URSS sans faire appel à l’islamisme qu’ils ont été incapables de vaincre en Afghanistan ? Depuis 1945, de la Corée à l’Afghanistan, les Etats-Unis n’ont remporté aucun conflit, mais ils en inventent sans cesse pour que tournent leur coûteuse machine de guerre et à plein régime leurs usines d’armement. Les Européens sont-ils aveugles pour les aider à se battre jusqu’au dernier Ukrainien en leur achetant leurs armes, leur pétrole et leur gaz de schiste et peut-être leurs céréales alors qu’il suffisait de mettre en oeuvre les accords de Minsk pour que la paix soit profitable de Paris à Moscou en passant par Berlin, Varsovie et Kiev. 
Quel calcul cynique au-delà de l’Atlantique, quelle stupidité abyssale en deçà, poussent la Russie dans les bras de la Chine ? L’impérialisme américain va conduire la majorité de la population du monde à se dresser contre “l’Occident”. On le voit déjà en Afrique à l’encontre de la France. (à suivre)
Par Christian Vanneste le 16 mai 2022

Marion Maréchal : «Macron, ce n'est ni un centre gauche ni un centre droite, c'est un centre vide !», Les Incorruptibles , 15 mai 2022

vendredi 13 mai 2022

Souveraineté, identité ou de la poule et de l’œuf

 

Identité ou Souveraineté, de ces deux paradigmes majeurs, et profondément liés l’un à l’autre, lequel doit-il primer ? Telle est la question que se pose Patrick Mignon se livre ici à une recherche théorique sur un sujet qui vient tôt ou tard à l’esprit de tous les souverainistes. Bien des exemples l’illustrent ; la Pologne : privée de toute souveraineté pendant les longues décennies du Pacte de Varsovie, la Pologne n’en a pas moins su protéger son identité nationale la plus ancrée ; à l’inverse, que vaudrait la souveraineté d’une Nation qui aurait perdu l’essentiel de son identité propre ? Question ancienne, vaste et fort complexe, à laquelle Patrick Mignon, officier de réserve, ancien commandant de bord chez Air France, vice-président de Debout la France (DLF) de 2014 à septembre 2019, et désormais porte-parole de Via, s’attelle ici avec beaucoup de courage… et de brio.

Identité et Souveraineté, quel est le paradigme premier ? Lequel commande l’autre ? En faveur de l’identité s’inscrit celui qui considère qu’un monde multiculturel est nécessairement multi-conflictuel ; et qu’une immigration hors de contrôle comme celle que subit la France, important toutes les cultures d’origine des immigrants, ne peut que conduire à un formidable accroissement des conflits, donc de l’insécurité. Le lecteur attentif notera que nous ne parlons pas ici du sentiment cher à l’actuel Garde des Sceaux mais bien de l’insécurité culturelle : celle de l’identité.

Mais, lui répondent les tenants de la souveraineté, si la France n’a pas la capacité d’exercer sa souveraineté, elle n’est plus capable de prendre des dispositions juridiques qui lui permettraient d’agir sur l’immigration, donc l’identité. Les structures supranationales – CJCE, Cour de Justice des Communauté européennes, et CEDH, Cour européenne des Droits de l’Homme – lui opposant des règles intransgressibles. Il faut donc, selon les souverainistes « purs et durs », restaurer d’abord la souveraineté. Pour ceux qui privilégient l’identité, cependant, il faut d’abord, ne serait[1]ce que pour pouvoir rétablir la souveraineté, restaurer l’identité, et donc insister sur l’impératif, ou le préalable, de l’assimilation. Rude tâche ! Malika Sorel, a souvent décrit les renoncements successifs des politiques : passant de l’assimilation à l’intégration, puis de l’intégration à « l’insertion ». Ajoutons que, aujourd’hui, on n’est même plus dans l’insertion mais dans l’adaptation ; et ceux qui doivent s’adapter ne sont pas ceux que l’on croit. La non-assimilation et la désintégration sont à la fois les causes et les marqueurs de la perte d’identité. 

Pour Pierre-André Taguieff (voir Le dictionnaire du conservatisme, éd. du Cerf), il n’y a pas seulement crise des identités mais « crise de l’identité », c’est-à[1]dire de l’idée même d’identité. Seules les notions d’insertion et d’adaptation sous-tendent le monde des progressistes, survalorisant l’individu hédoniste, narcissique mais « connecté ». Étant de « nulle part », on ne leur demande que de « s’adapter » pour « s’insérer ». Pour ces nomades, l’identité n’est plus qu’individuelle, en somme un “profil”. On comprend bien que la notion unitaire d’identité nationale soit insupportable aux progressistes pour lesquels, comme l’écrit aussi Taguieff, « plus l’identité personnelle est valorisée, plus les identités collectives sont suspectées, voire stigmatisées » (Taguieff, op. cit.)

Déconstruire l’un et déconstruire l’autre

Ainsi l’impérieuse nécessité de la déconstruction chère à Bourdieu se comprend-elle aisément. Celle-ci serait même sans risques ; Alexis de Tocqueville affirmait, dans L’Ancien Régime et la Révolution, que le peuple français est « tellement mobile […] qu’il finit par devenir un spectacle inattendu à lui-même et demeure aussi surpris que les étrangers à la vue de ce qu’il vient de faire ». Mais le monde d’aujourd’hui n’est plus celui de Tocqueville, la puissance française n’est plus en compétition pour la première place. Sa démographie s’est écroulée. La remise en cause du roman national, de l’histoire millénaire de la France, veut faire sortir la France contemporaine de l’Histoire en faisant de nous, peuple français, un « Peuple sans histoire » (Taguieff). N’oublions pas l’avertissement d’Aldous Huxley : « qui contrôle le passé contrôle l’avenir, qui contrôle le présent contrôle le passé ». L’identité nationale française est une identité construite, forgée par deux mille ans d’histoire, transmise de génération en génération.

Que voyons-nous du côté des tenants de la souveraineté en premier ? Eric Anceau rappelle que « le discours prononcé par Philippe Séguin le 5 mai 1992 à l’Assemblée Nationale peut être vu comme l’acte fondateur du souverainisme français ». La date de naissance du concept de souverainisme serait donc bien moins ancienne que celle de l’identité. Mais est-ce bien certain ? Certes, formellement, le mot est récent, ayant été à notre connaissance utilisé lors du référendum sur l’indépendance du Québec en 1980 et en France par Paul-Marie Coûteaux lors de la campagne référendaire sur le traité de Maastricht en septembre 1992. Mais ce que le souverainisme sous-tend est le principe de Souveraineté et il n’est pas contestable que celle-ci fut une quête permanente tout au long de notre plus lointaine histoire.

Il ne saurait y avoir de souverainisme sans souveraineté, ni de souveraineté sans souverain. Aujourd’hui dans la forme républicaine de la Nation, le seul souverain est le peuple. De l’identité ou de la souveraineté, quel serait donc le concept primordial ? Nous n’avons pas la prétention de trancher ici ce débat entre des intellectuels de renom et des dirigeants politiques de premier plan. Mais peut-être pourrions-nous proposer une troisième voie qui rassemblerait les deux premières ? Le conservatisme de tradition ne pourrait-il mettre d’accord les différentes options et éviter de diviser encore et toujours un camp qui d’évidence est majoritaire mais que la dispersion des voix fait et fera encore et toujours perdre ?

Et si la question revenait à celle de la Tradition ?

Après tout, l’identité aussi bien que la souveraineté se sont construites sur le temps long. Ce qui implique nécessairement pour l’une et l’autre une transmission de génération en génération. Tel est peut-être le fin mot de l’affaire, qui suppose un troisième terme, la Tradition, dont Gustav Malher écrivait joliment qu’elle « n’est pas le culte des cendres, mais la transmission du feu. » Le feu tel que le conservateur se donne pour mission de le transmettre, si possible de plus en plus vif au fil du temps. Contrairement aux affirmations des progressistes en général et de la gauche révolutionnaire en particulier, le conservatisme n’est donc pas, par définition, « réactionnaire » ni « rétrograde ». Par sa passion de la transmission, le conservateur ne peut qu’aller de l’avant : nulle transmission n’est possible aux ancêtres…

Que leur projet pour la France soit d’abord axé sur l’identité ou sur la souveraineté, les conservateurs considèrent généralement que les trois cercles qui garantissent le développement harmonieux de l’Homme – c’est leur but – sont hérités du passé – et même du passé rayonnant dans le présent : la Famille, la Commune (groupement de familles dans un territoire commun à dimension humaine) et la Nation. Précisément les trois cercles que les progressistes veulent détruire pour n’avoir plus que des consommateurs digitalisés, habitants indifférenciés du “village-monde” : ventres, bras et cerveaux “à louer” – « anywhere », comme ils disent… Le conservatisme de tradition que nous voulons s’oppose à toute volonté de tabula rasa, qu’elle soit d’inspiration marxiste ou capitaliste. Nous n’oublions pas Simone Weil : « Le passé détruit ne revient jamais plus. La destruction du passé est le plus grand des crimes. ». 

Ainsi, pour mettre d’accord les tenants de la poule et ceux de l’œuf, soyons conservateurs !

Par Patrick Mignon, porte-parole de VIA – La Voie du Peuple, le 3 mai 2022

jeudi 12 mai 2022

Calvin Klein célèbre la « maternité inclusive »



« Aujourd’hui, en soutien aux femmes et aux mères du monde entier, nous mettons en avant les réalités des nouvelles familles » publiait Calvin Klein sur son compte Instagram, à l’occasion de la fête des mères aux Etats-Unis, le 9 mai. Un couple qui attend un heureux événement prend la pose en sous-vêtements pour immortaliser la fin de cette grossesse. Mais soudain, on se frotte les yeux, on regarde bien, on croit d’abord à une blague, un photo-montage, mais non. C’est bien l’homme qui est « enceint » (comme sur l'émoji apple ) et qui se caresse le ventre à côté de la femme. 

Voici ce que Clavin Klein, qui surfe sur le juteux marché LGBTetc., appelle donc fièrement  « les réalités des nouvelles familles ». L'enseigne vend également sur son site une collection pride qui « reprend tous les codes fun de la mode que vous vous approprierez avec fierté. Notre gamme #proundinmycalvins comprend des t-shirts en coton biologique pour homme et des hauts de bikini triangle pour femme, tous rehaussés de l’arc-en-ciel emblématique. Notre collection Pride propose des tenues variées afin que chacun puisse célébrer l’amour. »

L’homme, c’est Roberto Bête, il est transgenre « en capacité de gestation », et la femme, Erika Fernandes, est un mannequin brésilien, trans elle aussi. L’homme est donc devenu femme, la femme est devenue homme mais porte quand même un enfant. Vous suivez toujours ? Et le slogan qui illustre l’un de ces clichés nous explique que « nous pouvons nous reproduire biologiquement ou par cœur... notre place est d'aimer et d'être aimé ».

Tout jugement de valeur face à ce témoignage dégoulinant de bons sentiments vous ferait évidemment basculer dans le camp des méchants. Chesterton avait prédit : « Un temps viendra où l’on allumera des bûchers pour y brûler ceux qui osent rappeler que 2 et 2 font 4 ». Qu’importe la négation de la réalité, qu’importe la subversion de la maternité, nos jeunes complètement désorientés sont inondés, influencés et biberonnés d’idéologie véhiculée par des grandes marques de mode. On nage en plein relativisme, mais tant qu’ils s’aiment !

En fouillant un peu sur le compte Facebook du père qui est aussi quand même un peu la mère, puisque porter un enfant est propre au corps féminin (sauf à acter qu'en  les pères peuvent porter un enfant, mais là on s’y perd), nous apprenons que le petit Noah Fernandes Bête est né le 10 mai. Et Roberto de préciser que cette date anniversaire sera « marquée pour toute [sa] vie ». En effet, c’est aussi un 10 mai, il y a trois ans, que cette personne réalisait son plus grand rêve, à votre avis ? La mastectomie. 

On aurait de l’empathie pour ce petit qui vient de naître dont les repères seront totalement inversés. On ne sait si lui-même se posera des questions d’identité. Mais l’on observe avec inquiétude ce glissement de la société qui fait des désirs individuels de certaines minorités influentes des droits, et de ces droits des lois…

Par Iris Bridier le 12 mai 2O22

dimanche 8 mai 2022

Un sentiment de grand remplacement



Lorsque, aux alentours de huit heures ce matin, j’ai été tiré de mon sommeil par une voix aussi insistante que lointaine qui à l’évidence ne provenait pas de l’intérieur de mon appartement, il ne m’a fallu qu’une dizaine de secondes pour l’identifier comme étant celle d’un muezzin (1) et en déduire aussitôt qu’aujourd’hui devait être le jour de l’Aïd el-Fitr.

Preuve qu’en faisant un petit effort, on peut très vite et très bien s’assimiler à la culture qui nous entoure !

Multiculturalisme ?

Une demi-heure plus tard, j’avais une confirmation visuelle de ma déduction sonore, dont j’ai oublié de dire qu’elle avait été facilitée par le bruit des klaxons : en effet, le jour des fêtes musulmanes, la circulation est rendue moins fluide par l’afflux massif des fidèles – qui n’ont pas assez des trottoirs pour circuler. En sortant de ma petite résidence, c’est donc à une joyeuse cacophonie et à un festival de couleurs que j’ai été confronté. Couleurs de vêtements comme couleurs de peau. Car ici, à Aubervilliers, c’est l’oumma qu’il est donné de voir, loin de tout sectarisme national. Et l’oumma, on dira ce qu’on voudra, c’est quand même impressionnant quand on pense aux conflits meurtriers qui déchirent le monde musulman ailleurs sur la planète : un rapide contrôle au faciès dans les rues de ma commune limitrophe de Paris indique que le continent africain est représenté dans toutes ses latitudes, pas seulement celles du Maghreb, que le sous-continent indien n’est pas en reste, et certainement d’autres points du globe plus orientaux encore ; or, tout ce petit monde cohabite paisiblement et s’agglomère lors des grandes fêtes religieuses, comme si les tensions communautaires n’existaient pas.

Les qamis étaient très nombreux chez les hommes, les abayas et hijabs constituaient la norme pour les femmes. Les enfants étaient pour la plupart eux aussi endimanchés. Enfin, pas endimanchés bien sûr, je voulais dire : vêtus de manière traditionnelle. C’est certainement cette unité vestimentaire qui est la plus frappante lorsqu’on regarde ces foules bigarrées en fête. Le reste du temps, dans les rues d’Aubervilliers, devant les écoles, sur les terrains de sport, on voit des gens de toutes origines dont, sauf pour les femmes voilées, on ne se pose pas forcément la question de la religion. En étant distrait, on pourrait imaginer une apposition de groupes humains différents, un espace multiculturel où aucune communauté ne domine, comme si la diversité était synonyme de neutralisation. Certes, il y a bien les queues le vendredi devant les mosquées, souvent de fortune, pour indiquer la présence d’une communauté de foi qui rassemble tous ces gens d’origine différente, mais à part ce phénomène relativement discret, on serait en peine de deviner une unité quelconque dans la population qui occupe l’espace, et ce d’autant moins que les asiatiques sont nombreux et élargissent la diversité démographique visible. Ce matin, comme tous les matins de grande fête musulmane, c’était un sentiment de submersion qui l’emportait, car, tant par le nombre de personnes rassemblées que par l’effort vestimentaire consenti, il y avait l’effet de masse, de groupe, de foule qui jouait à plein.

Participation massive

Outre la dimension sensorielle, physique qui donne sa substance à ce sentiment de submersion (j’entends par là qu’il ne s’agit pas d’une abstraction, d’une intellectualisation, mais bien d’une expérience concrète, perçue directement par les yeux et les oreilles : je n’ai pas rêvé ces centaines de personnes rassemblées, je ne les ai pas fantasmées), c’est le contraste avec ses propres références culturelles qui nourrit l’impression d’un changement radical et d’une profonde remise en cause des valeurs de notre pays. Derrière le grand mot de laïcité, dont la définition n’a rien d’univoque, se cachait, pour le baptisé devenu agnostique que je suis, l’idée essentielle que la conviction religieuse était une chose à la fois personnelle, discrète et accessoire.  Pour le dire autrement, la religion avait perdu le rôle de colonne vertébrale des comportements de tout un chacun, même si cela ne l’empêchait pas de nourrir la sensibilité et la manière d’agir de ceux de nos concitoyens qui étaient encore pratiquants ou du moins qui avaient la foi. Mon expérience personnelle me faisait confirmer les diagnostics de déchristianisation ou de sortie de religion que j’ai pu lire par la suite sous la plume de Marcel Gauchet ou de Guillaume Cuchet. 

En précisant cependant que, de par le fait que notre pays avait 1500 ans d’histoire chrétienne derrière lui, la sécularisation n’était que la poursuite sans clergé d’une morale et d’une vision du monde globalement inchangées : pour reprendre Nietzsche, le monde avait perdu Dieu mais ne s’en était pas vraiment aperçu, d’où la persistance de traditions et d’usages sur un mode désacralisé. Le paysage architectural, littéraire et artistique entretenait un paysage mental familier, ancré dans un imaginaire judéo-chrétien dévitalisé sur le plan de la foi mais toujours opérant sur celui des valeurs et des représentations collectives. 

Bref, à moins d’aller soi-même à la messe, on ignorait qui se rendait à l’église le dimanche et tout le monde s’en fichait, car ce n’est pas ce qui réglait la civilité entre les gens. Quant aux processions religieuses lors des grandes fêtes chrétiennes, elles étaient devenues pour l’essentiel un élément de folklore qui tenait plus de l’identité régionale ou locale que de la foi qui édicte le comportement en société.

Le spectacle de ce matin à l’occasion de l’Aïd el-Fitr disait tout autre chose. Par la participation massive au rassemblement dont j’ai été témoin, par la séparation des sexes dans le stade où se tenait la « cérémonie », par l’accoutrement vestimentaire religieux marqué des fidèles qui n’a rien à voir avec le fait de s’endimancher, par la diversité des langues parlées dans cette foule réunie, c’est une autre civilisation qui s’affichait dans l’espace public, une civilisation dynamique, rassembleuse, bien vivante, mais porteuse d’autres valeurs que les nôtres. Une civilisation qui, lorsqu’on est critique de l’individualisme occidental et nostalgique d’un collectif éteint depuis longtemps, a de quoi faire envie. 

Une civilisation qui, quoique ayant voté massivement pour Jean-Luc Mélenchon, se fiche royalement d’une créolisation illusoire et entend se défendre et se répandre grâce à sa cohérence et sa vitalité internes. Une civilisation prête à remplacer la nôtre, qui ne fait plus vraiment rêver, qui ne rassemble plus, qui ne nourrit plus les esprits. 

Allez ! Aïd Moubarak !

(1) Pour être exact, n’ayant ni mosquée ni minaret à proximité immédiate de chez moi, la voix entendue n’était peut-être pas celle d’un muezzin ; c’était en tout cas celle d’un homme qui se tenait vraisemblablement dans le stade où avait lieu le rassemblement et dont il est question plus loin dans le texte, une voix portée par mégaphone ou haut-parleur et dont je ne saurais dire ce qu’elle disait car la distance et les murs me la rendaient indistincte. Pour autant, les intonations et le rythme adoptés par cette voix ne laissaient aucun doute quant au fait qu’elle appelait au rassemblement des fidèles, ce dont j’ai eu confirmation en sortant de chez moi et en passant devant le stade rempli de fidèles et dont on aperçoit l’entrée sur la photo d’illustration.

Par Georges Dumas le 3 mai 2022