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lundi 16 mai 2022

Complotiste, populiste ? Non ! Démocrate et lucide ! (III)



La plupart des Européens sont confortablement installés sur leur fauteuil devant un écran et regardent le spectacle du monde. A force d’être soumis au même type de produits, ils finissent par recevoir ceux-ci avec une passivité complice. L’émotion des images isole la réaction affective de toute réflexion qui exigerait le recul du temps, la connaissance du contexte, la perspective des enjeux. Rien n’a mieux illustré cette situation que l’irruption de la “victoire” ukrainienne au concours de chansonnettes de l’Eurovision dont la Russie avait évidemment été exclue. Le ludion télévisuel et patrimonial dont on se demande ce qui lui a donné une telle audience, bien qu’on s’en doute un peu, ose avec une fausse candeur : ” On essaie de garder la politique en dehors de tout cela”. Et d’ajouter aussitôt qu'”il faut montrer sa solidarité avec le peuple ukrainien”, ce qui n’est pas faire de la politique, bien sûr…
Donc l’histoire et la politique sont réduites au spectacle, un spectacle westernien édulcoré pour âmes sensibles. Il y a les méchants d’un côté, avec le super-méchant, Vladimir Poutine, et les gentils de l’autre, les occidentaux. Ces derniers ont tout pour eux : le droit, la liberté, la démocratie, le courage, les armes et les dollars. D’abord le droit : celui des frontières reconnues. Comment les Russes osent-ils occuper la Crimée, et envahir l’Ukraine ? Mais, tout simplement, dira un mauvais esprit rétif à la propagande, par le même droit qui permet à un membre de l’Otan, un “occidental” donc, la Turquie d’occuper et de reconnaître comme Etat la partie de Chypre habitée majoritairement par des turcophones, ou encore aux Américains d’intervenir militairement en Irak, en Syrie, en Somalie, en Afghanistan, en Libye, dans divers pays d’Amérique latine aussi, ou de créer à coups de bombes sur Belgrade l’Etat mafieux du Kosovo. 
La différence réside dans la qualité du scénario et non dans la valeur du droit : les Etats-Unis selon la bonne vieille méthode utilisée par l’Allemagne et le Japon avant-guerre justifient leurs agressions par les menaces qu’ils auraient subies. La fiole agitée par Colin Powell au Conseil de sécurité, qui ne contenait rien, aucune arme bactériologique en tout cas, restera dans les mémoires. Le dictateur irakien n’était guère sympathique, mais l’Irak étranglé par les sanctions et les embargos qui écrasaient sa population était devenu bien incapable de se défendre contre une opération de “changement de régime” dont Washington est l’orfèvre. Le terrain médiatique est soumis à un bombardement d’informations avant le déclenchement de l’opération militaire. Il semble que Moscou en soit resté au traitement du terrain militaire par l’artillerie.
Mais cette dissymétrie est faussée. L’Occident serait la patrie des libertés, et la Russie une autocratie usant d’une censure implacable et parfois meurtrière. Il faut relativiser : il y a en Occident un totalitarisme mou sans doute plus efficace pour aligner les esprits que le dur qui finit toujours par susciter la rébellion parce qu’il fait mal. Le nôtre convainc plus qu’il ne contraint en éliminant les contradictions du champ de l’information pour ne laisser place qu’à la trilogie de la pensée unique, du politiquement correct et du terrorisme intellectuel, celui-ci réservé aux récalcitrants. L’immense majorité des médias dispense une information qui finit par paraître objective puisque rien ne vient la contredire. Pourquoi avoir interdit les médias de l’Etat russe, RT, Sputnik ? La moraline est déversée à hautes doses sur les esprits réticents : on leur fait honte d’être du mauvais côté. Enfin, on les censure, on les chasse du champ médiatique. Qui ne voit le procédé se répandre au fur et à mesure du traitement des crises par les puissantes machines à penser des milliardaires mondialistes et macroniens, et par le prétendu “service public” dont l’orientation politique est un véritable scandale.
Ainsi, la démocratie est-elle encore réelle dans nos “démocraties libérales” ? Sa guerre contre le populisme sous l’étendard d’un “progressisme” qui n’est que l’idéologie du microcosme dominant, de l’oligarchie qui s’accroche au pouvoir, est révélatrice. Ce sont les “valeurs” de cette caste qui sont présentées comme celle de notre civilisation : les “droits” des minorités, l’ouverture des frontières, la fin des familles et des nations au profit de l’individu roi, maître apparent d’une identité narcissique et consommatrice, qui peine de plus en plus à se définir. 
Cette affirmation est en fait une négation, un effacement des identités constructives qui font un homme, une femme, une famille, une nation avec le souci de la transmission et donc du temps long. La réélection de Macron en France après une série d’échecs retentissants, celui du matraquage fiscal qui a conduit aux Gilets jaunes, celui de l’impréparation face au covid, celui de la guerre en Ukraine, systématiquement transformés en leviers par la peur semée chez les “braves gens” un peu niais, est-elle “démocratique” ? La technocratie bruxelloise qui outrepasse ses limites et impose sa politique sans légitimité populaire est-elle démocratique ? Tout se passe comme si 1984 devenait la réalité : d’un côté, Eurasia et la Russie, de l’autre Océania, l’Empire anglo-saxon, des deux côtés, des castes au pouvoir, avec de part et d’autre, une propagande et chez nous les “deux minutes de haine” contre Poutine.
Depuis 1991, avec un rare acharnement, les Etats-Unis se sont employés à empêcher l’alliance fructueuse de l’Europe et de la Russie, naturellement complémentaires. Ils ont traité plus sévèrement la Russie que l’URSS, comme si ce n’était pas son idéologie qui rendait cette dernière contagieuse et dangereuse. Sans le communisme, la Russie est un pays qui participe pleinement à la civilisation européenne. La littérature et la musique russes sont parmi les plus puissantes de notre culture. Depuis très longtemps les Anglo-Saxons sont les ennemis de ce grand pays, trop grand et trop riche à leurs yeux. L’URSS était trop forte pour eux : ils n’ont pas osé s’en prendre à elle, mais depuis qu’elle s’est réduite elle-même à une Russie non communiste, elle est à leur portée. Ce n’est pas une question idéologique, mais la logique d’un prédateur dont les Européens se font les complices contre leur intérêt. 
Les Américains auraient-ils vaincu l’Allemagne nazie sans la Russie ? Auraient-ils vaincu l’URSS sans faire appel à l’islamisme qu’ils ont été incapables de vaincre en Afghanistan ? Depuis 1945, de la Corée à l’Afghanistan, les Etats-Unis n’ont remporté aucun conflit, mais ils en inventent sans cesse pour que tournent leur coûteuse machine de guerre et à plein régime leurs usines d’armement. Les Européens sont-ils aveugles pour les aider à se battre jusqu’au dernier Ukrainien en leur achetant leurs armes, leur pétrole et leur gaz de schiste et peut-être leurs céréales alors qu’il suffisait de mettre en oeuvre les accords de Minsk pour que la paix soit profitable de Paris à Moscou en passant par Berlin, Varsovie et Kiev. 
Quel calcul cynique au-delà de l’Atlantique, quelle stupidité abyssale en deçà, poussent la Russie dans les bras de la Chine ? L’impérialisme américain va conduire la majorité de la population du monde à se dresser contre “l’Occident”. On le voit déjà en Afrique à l’encontre de la France. (à suivre)
Par Christian Vanneste le 16 mai 2022

dimanche 15 mai 2022

Ursula von der Leyen, chef de guerre ? Pourquoi la présidente de la Commission européenne se trompe



Comme Marlborough, Ursula s’en va en guerre. Depuis l’agression russe en Ukraine, la présidente de la Commission multiplie les déclarations martiales. À l’évidence, elle est prête à mener une guerre totale contre Poutine. Jusqu’à la dernière goutte de sang ukrainienne. Car, rappelons-le, l’Union européenne n’a ni armée ni diplomatie réelle, et n’a aucune possibilité ni intention d’entrer en conflit armé contre la Russie. Ce qui serait suicidaire pour l’Europe et pour le monde.

À bien des égards, le discours de la présidente de l’Union européenne est irresponsable et ne favorise en rien un retour à la paix. Car la Russie ne disparaîtra pas de la carte du monde après cette guerre. Plus encore, son éclatement éventuel serait un désastre pour le monde et surtout pour l’Europe, un foyer d’instabilité en Eurasie et une chance pour la Chine.

Ce qui est surprenant, c’est qu’Ursula von der Leyen semble vivre dans un monde virtuel. Le 9 avril dernier, à Varsovie, elle déclarait que la mort de civils à Boutcha lui donnait « davantage de détermination pour combattre l’horrible guerre de Poutine ». Mais elle ne combat rien ni personne. Certes, l’Union européenne a débloqué 450 millions d’euros pour permettre à l’Ukraine de s’armer, d’acheter du carburant et du matériel médical. Certes, l’Union européenne a adopté des sanctions économiques partielles. Autant de décisions destinées à gêner la Russie et à aider l’Ukraine, mais il ne s’agit pas de combat. Ce décalage entre le discours et la réalité est dangereux. Le soutien à l’Ukraine serait sans doute plus efficace sans logorrhée belliciste.

Être Lady Thatcher, qui a remporté la guerre des Malouines, n’est pas à la portée de tous. L’Union européenne, quant à elle, a été incapable d’éviter la guerre dans l’ex-Yougoslavie tout comme en Ukraine, et ce sont les États-Unis et le Vatican qui ont gagné la guerre froide.

De surcroît, la politique européenne à l’égard de la Russie, après la chute du bloc soviétique, a été d’une insondable maladresse. Il eût fallu, après soixante-dix années de crimes communistes, se rappeler qu’avant 1917, l’Empire russe était notre allié. Dès lors, il eût été intelligent de la réinsérer dans la politique européenne pour profiter de sa présence en Eurasie afin d’assurer l’équilibre dans cette partie du monde. C’est tout le contraire qui fut fait.

Pour rien au monde les États-Unis ne voulaient d’une telle politique. Dans son ouvrage Le Vrai Choix, publié en 2004, Zbigniew Brzeziński expose clairement que l’amélioration du monde et de sa stabilité dépend du maintien de l’hégémonie des USA et que la mondialisation « est la doctrine naturelle de l’hégémonie mondiale ». Or, ce maintien exige d’éviter un rapprochement de l’Europe de l’Ouest et de la Russie, ce qu’aurait entraîné un retrait des États-Unis.

L’Union européenne s’est conformée à cette vision du monde, et quand Mme von der Leyen déclare, le 12 mai dernier, que la Russie est « la menace la plus directe » pour l’ordre mondial, elle entend l’ordre mondial occidental, ou américain, ce qui revient au même.

Rien ne saurait justifier la guerre contre l’Ukraine. Pire qu’une erreur, c’est une faute qui rompt le lien séculaire entre la Russie et l’Ukraine. Poutine lui-même, par la guerre engagée contre un peuple frère, scelle le divorce et son propre affaiblissement.

Mais la Russie demeurera après la guerre. Les Américains ont toujours été les adversaires des empires autres que le leur. Et l’Histoire nous enseigne que certains empires ont une vertu d’équilibre. Mme von der Leyen se trompe lorsqu’elle affirme que la Russie est la « menace la plus directe » pour l’ordre mondial. Elle en est un élément essentiel. Voudrait-elle effacer la Russie de la carte ? Charles XII, Napoléon et Hitler s’y sont cassé les dents et y ont tout perdu.

Dans les années récentes, ce sont surtout les États-Unis qui ont déstabilisé le monde par leur politique au Moyen-Orient, dont les Européens ont payé le prix fort. L’opposition Nord/Sud ne cesse de s’affirmer, y compris pour ce qui concerne les sanctions à l’égard de la Russie. Mme von der Leyen devrait s’en inquiéter et, plutôt que de jouer au général en chef d’une armée qui n’existe pas, ferait bien de se souvenir que les États-Unis, nation impériale déterminée, défend avant tout ses intérêts propres. Ce qui est le devoir de toute nation pour elle-même. Mais peut-elle le comprendre, puisque le but même de l’Union européenne est d’effacer le lien charnel avec les nations ?

Par Stéphane Buffetaut, vice-président du CNIP le 14 mai 2022

vendredi 13 mai 2022

Nous marchons vers la guerre comme des somnambules



Nous marchons vers la guerre comme des somnambules.
J’emprunte cette image au titre du livre de l’historien australien Christopher Clark sur les causes de la Première Guerre mondialeLes Somnambules, été 1914: comment l’Europe a marché vers la guerre.
«Le déclenchement de la guerre de 14-18,écrit-il, n’est pas un roman d’Agatha Christie (…) Il n’y a pas d’arme du crime dans cette histoire, ou plutôt il y a en a une pour chaque personnage principal. Vu sous cet angle, le déclenchement de la guerre n’a pas été un crime, mais une tragédie.» En 1914, aucun dirigeant européen n’était dément, aucun ne voulait une guerre mondiale qui ferait vingt millions de morts mais, tous ensemble, ils l’ont déclenchée. Et au moment du traité de Versailles aucun ne voulait une autre guerre mondiale qui ferait soixante millions de morts mais, tous ensemble, ils ont quand même armé la machine infernale qui allait y conduire.
Dès le 7 septembre 1914, après seulement un mois de guerre, le chef du grand état-major allemand qui avait tant plaidé pour que l’Allemagne attaquât avant d’être attaquée écrivait à sa femme: «Quels torrents de sang ont coulé (…) j’ai l’impression que je suis responsable de toutes ces horreurs et pourtant je ne pouvais agir autrement.»
«Je ne pouvais agir autrement»: tout était dit sur l’engrenage qui mène à la guerre. Engrenage qui est d’abord celui par lequel chaque peuple se met à prêter à l’autre ses propres arrière-pensées, ses desseins inavoués, les sentiments que lui-même éprouve à son égard. C’est bien ce que fait aujourd’hui l’Occident vis-à-vis de la Russie et c’est bien ce que fait la Russie vis-à-vis de l’Occident. L’Occident s’est convaincu que si la Russie gagnait en Ukraine, elle n’aurait plus de limite dans sa volonté de domination. À l’inverse, la Russie s’est convaincue que si l’Occident faisait basculer l’Ukraine dans son camp, ce serait lui qui ne contiendrait plus son ambition hégémonique.
Par Henri Guaino le 13 mai 2022
Lire la suite sur Le Figaro

mercredi 11 mai 2022

Ukraine : l’Europe doit se désolidariser des Américains

 


Les Américains jettent de l’huile sur le feu…

Organisant la mobilisation générale contre la Russie, les Américains jettent de l’huile sur le feu. Accuser Poutine des pires ignominies, le traiter de boucher, parler de crimes de guerre et de génocide, le menacer de la Cour pénale internationale, c’est se couper de toute négociation possible avec lui. Ensuite, soutenir l’armée ukrainienne en s’engageant massivement à ses côtés au point de planifier maintenant des livraisons d’armes pour vingt milliards de dollars, c’est prolonger, voire étendre le conflit avec les pertes matérielles et principalement humaines qui en résultent. Enfin, c’est surtout s’engager ouvertement dans la guerre contre les Russes avec la volonté de les battre militairement.

… après avoir cherché à piéger les Russes

Un projet dont on peut d’ailleurs se demander s’il ne s’inscrit pas dans une stratégie conçue de longue date. Tout se passe en effet comme si les Américains avaient cherché à piéger le maître du Kremlin en refusant toute négociation avec lui sur la sécurité en Europe et en annonçant ensuite que pas un soldat américain ne viendrait défendre l’Ukraine. À la manière dont ils avaient poussé Saddam Hussein à l’invasion du Koweit, ils auraient ainsi délibérément créé les conditions de la réaction agressive des Russes pour, dans un deuxième temps, organiser contre eux une mobilisation générale de tout le monde occidental.

Mais si Poutine est acculé, le pire devient possible

L’erreur dramatique des Américains est que Poutine n’acceptera jamais de subir une défaite militaire. Et, s’il n’est pas question ici de défendre l’intéressé et de nier sa responsabilité première dans le conflit et dans les drames, voire les exactions qui en résultent, le devoir des dirigeants confrontés au chef d’État russe n’est pas d’aller pleurer dans les médias comme certains responsables américains mais d’agir lucidement en tenant compte des contraintes géopolitiques comme des réalités psychologiques.

A cet égard, il est clair que si Poutine est acculé à subir une défaite militaire, il utilisera l’arme nucléaire. On peut penser et espérer que ce sera, dans un premier temps au moins, l’arme nucléaire tactique sur le théâtre du champ de bataille, mais personne ne peut prévoir ce qu’il adviendra après une telle escalade de la violence guerrière.

L’Ukraine doit mener une guerre qu’elle aurait pu éviter…

Alors pourquoi prendre un tel risque ? S’agit-il de la souveraineté de l’Ukraine ? Un pays ne cesse pas d’être souverain si ses dirigeants, en sages politiques, tiennent compte des contraintes géopolitiques auxquels il est soumis. Faute d’avoir voulu le faire, les Ukrainiens ont été entraînés dans la guerre d’une façon pour le moins paradoxale : ils subissent une invasion russe pour avoir voulu se protéger d’une invasion russe (en cherchant à adhérer à l’Otan) ! Le président Zelensky porte donc sa part de responsabilité dans cette guerre en n’ayant pas accepté pour son pays un statut de neutralité, statut qui n’a rien au demeurant de déshonorant. Aussi est-il mal placé pour exiger aujourd’hui de tous les pays occidentaux qu’ils s’engagent sans réserve à ses côtés dans une guerre qu’il aurait peut-être pu éviter par une attitude plus prudente. Une guerre dans laquelle lui et son peuple sont d’ailleurs de surcroît instrumentalisés par les États-Unis.

… et se trouve instrumentalisée par les Américains pour détruire la puissance russe

Si les Américains prennent le risque d’une escalade militaire avec la Russie, c’est en effet pour un enjeu à leurs yeux bien supérieur à celui du devenir de l’Ukraine. Il s’agit pour eux d’en finir avec la puissance russe. Une puissance qu’ils ne contrôlent pas et dont ils détestent les valeurs politiquement incorrectes. Mais cet acharnement américain contre la Russie montre en tout cas combien les États-Unis peinent à prendre en compte les réalités nouvelles du monde actuel. Après leur victoire sur l’URSS ils ne sont pas devenus en effet les maîtres du monde car ce dernier n’est pas passé d’une organisation bipolaire à une structure unipolaire mais à une planète structurée en plusieurs pôles de puissance. Leur ennemi, ou leur adversaire, comme le nôtre, n’est donc pas la Russie mais bien plutôt les puissances émergentes qui veulent prendre leur revanche sur l’Europe et le monde occidental qui les ont dominées pendant plusieurs siècles. Les Américains seraient donc bien avisés de comprendre ce grand basculement et d’en tirer les conséquences : pour faire face à ces nouvelles puissances comme la Chine et dont beaucoup sont animées par le ressentiment ou l’esprit de vengeance, les États-Unis gagneraient à avoir à leur coté une vraie puissance européenne autonome et une Russie forte qui reste européenne.

L’Union européenne devrait se désolidariser des États- Unis pour imposer la désescalade

D’ici là, et pour en revenir à la guerre en Ukraine et au risque majeur d’une escalade nucléaire, je considère qu’il est de la responsabilité historique de l’Union européenne de se désolidariser officiellement des États-Unis et, forte de cette nouvelle légitimité, de se positionner avec autorité comme une puissance d’apaisement et de désescalade, écartant les Américains et poussant les deux parties à la négociation. Telle est l’initiative que devrait prendre rapidement l’actuel président de l’Union européenne, Emmanuel Macron. Et peu importe si certains pays comme la Pologne s’opposent à une telle prise de position, l’enjeu est trop important pour ne pas passer outre. Il s’agit en effet d’éviter le risque d’une guerre qui d’ailleurs ne serait pas mondiale. Car cette guerre n’embraserait que l’Europe et l’Amérique du nord. Elle conduirait au suicide du monde européen et chrétien, ce serait le crépuscule de l’Occident.

Par Bruno Mégret, ancien président du MNR le 2 mai 2022

dimanche 1 mai 2022

Complotiste, populiste ? Non ! Démocrate et lucide ! (I)



Après un silence de deux semaines, je reprends ce bloc-notes. Nous vivons une époque étrange et confuse qui appelle à une réflexion plus approfondie. Deux événements ont marqué l’actualité. D’abord, selon un scénario prévu de longue date et souhaité sinon mis en oeuvre par M. Macron, il a été réélu face à Marine Le Pen. Ensuite, le Président Poutine semble être tombé dans le piège américain d’une guerre longue et coûteuse en Ukraine. Cette dernière n’a pas été sans effet sur la facilité inattendue de la réélection d’un président peu populaire et dont le bilan est calamiteux. On ne peut qu’être fasciné par la concordance de ces événement et par leur étonnante symétrie. L’élection française n’a pas été politique, mais sociologique : elle a dressé les périphéries contre les centres. L’oligarchie parisienne avec l’aide de ses ramifications provinciales a manipulé l’opinion publique avec maestria. Mais la volonté américaine d’écraser la Russie est également la manifestation d’une stratégie, cette fois de l’oligarchie mondialiste, qui tente d’imposer ses intérêts économiques et politiques à la terre entière. A cette démarche résistent avec plus ou moins de vigueur un certain nombre de pays qui par leurs votes à l’ONU soulignent le clivage qui s’instaure entre les “Occidentaux” et une part grandissante du reste du monde, en Asie, en Afrique, et même en Amérique latine.

Deux mots sont devenus, ces dernières années, les armes sémantiques de la stigmatisation  : populisme et complotisme. Le premier consistait de manière étonnante à rendre péjorative la notion de “peuple”, et à déplacer subrepticement la définition de la démocratie, de “gouvernement du peuple” vers “Etat de droit”, étant entendu que le “droit” devait l’emporter sur la volonté populaire. L’exemple le plus criant était celui de la peine capitale : souhaitée par le peuple, elle était proscrite par l’élite des “sachants”, celle qui justement bénéficie de la légitimité intellectuelle. Quant à ceux qui flattent les désirs du peuple, ce sont des populistes. Cette prestidigitation des mots et des hommes aboutit à ce que la “démocratie” que les Occidentaux défendent, selon eux en Ukraine, n’est plus le pouvoir du peuple, mais celui d’une oligarchie qui le détient d’un prétendu savoir dont la majorité est privée. Le président réélu en France n’est pas élu par une majorité des électeurs qui adhèrent à son programme ou le préfèrent à un autre. Non, il bénéficie d’une addition disparate de projets fort différents qui ne sont réunis que par le refus obstiné de l’alternative. On peut préférer un programme plus socialiste ou plus libéral, plus souverainiste ou plus hostile aux frontières. On “n’a pas le droit” de choisir l’extrémisme caricaturé par la majorité des médias à longueur de journée, face à un système qui rassure les retraités et satisfait les nantis. Si la réflexion sur le délabrement de notre économie et l’irresponsabilité de notre politique étrangère devait appeler à plus de réserves, la majorité, bercée par les discours présidentiels, les petits cadeaux de la planche à billets de l’endettement, mais rendue inquiète par les bruits de guerre, n’était certes pas prête à faire le grand saut, et elle ne l’a pas fait.

L’idée que la réélection par trop facile de M. Macron et l’hystérie antirusse ne soient pas le fruit du hasard mais le résultat d’une manipulation orchestrée, et d’une désinformation qui en est l’outil principal, sera évidemment taxée de complotisme. Toutefois, il faut s’entendre sur le sens des mots. Le mot “complot” ne doit pas être utilisé comme un mot-tabou qui disqualifie aussitôt celui qui l’emploie. On peut très bien avoir des doutes sur les hypothèses faisant du virus venu de Wuhan le produit artificiel d’un laboratoire voué à la guerre bactériologique, mais on peut aussi en nourrir sur le parcours tracé à coups d’interdictions bizarres, d’articles-bidon, et de prédictions démenties par les faits sur l’apocalypse sanitaire et le miracle vaccinal, en se disant que l’oligarchie mondiale a été particulièrement réceptive au chant des sirènes de Big Pharma. Le complotisme n’est pas toujours le fruit du délire, mais aussi la réaction du bon sens lorsqu’un faisceau d’indices concordants est réuni. Si les policiers et les juges n’étaient nullement sensibles à l’idée d’une manipulation et de mensonges de la part d’un prévenu, les assassins courraient toujours !

En 2017, face à la menace islamiste et au désordre mondialiste, le populisme avait le vent en poupe : on vantait le Brexit, l’élection de Trump, la montée des patriotes et des conservateurs dans de nombreux Etats d’Europe et du monde. La Russie incarnait assez bien cette orientation. M. Macron n’avait été élu que par un coup d’Etat judiciaire, mais depuis le courant s’est inversé, et à l’exception de la Hongrie, les pays occidentaux ont choisi le “progressisme”, la voie du centre-gauche, de préférence. Biden a remplacé Trump et a relancé la croisade américaine contre la Russie. Le Royaume-Uni dont la majorité est toujours “conservatrice” s’est certes libérée de l’Europe, mais c’est pour mieux se situer dans le sillage de l’Empire anglo-saxon. Les deux événements qui ont permis essentiellement la réélection de Macron, le virus et l’Ukraine appartiennent à une logique, facilitent une stratégie : relever cette évidence n’est pas du complotisme mais de la lucidité. ( à suivre)

Par Christian Vanneste le 1er mai 2022