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vendredi 17 mars 2023

Ces critiques que Zemmour doit entendre



Eric Zemmour comprend-il le peuple qu’il veut défendre ? Le doute est permis. Son échec à la présidentielle (7,07%) a été une première réponse. L’homme politique qu’est devenu l’ancien journaliste semble prêt néanmoins à repartir au combat, à en croire le titre de son livre qui paraitra jeudi : « Je n’ai pas dit mon dernier mot ». En revanche, l’exaspération et la colère qu’il a suscitées chez certains de ceux qui l’avaient rejoint dépassent la simple déception des vaincus. Ces divorces interrogent sur les paradoxes d’un homme qui a souvent montré les travers de la caste qu’il combat : la protection du clan, l’éloignement des gens ordinaires, la certitude d’avoir raison, le mépris plutôt que l’empathie. Jérôme Rivière, député européen ayant quitté Marine Le Pen en janvier 2022 pour le rejoindre, est de ces ralliés repentants. 

Dans un livre qui sort ce mercredi (1), il écrit : « Pour les Français, mais aussi pour moi, le masque de Zemmour est tombé durant cette présidentielle : derrière le volubile et attachant pied-noir, un cœur sec, un homme froid ; derrière les si brillants raisonnements intellectuels, un doctrinaire prisonnier de ses dogmes (…) Durant toute cette campagne , Eric est toujours resté dans sa bulle : celle des intellectuels et des privilégiés, refusant, ou incapable, de redescendre sur terre ». 

Et Rivière de poursuivre : « Peut-être aujourd’hui, en ces temps de traversée du désert, lui serait-il judicieux de partir enfin, et sans caméra, à la rencontre des Français. Trois mois sur les routes de province à ne faire que cela : écouter, s’immerger. Et si au bout de ces trois mois il ne ressent toujours rien, aucune appétence, aucune sollicitude, il faut abandonner la politique et revenir à ses livres ».

Zemmour, qui a revivifié le débat politique, aurait tort de sourire de ces critiques, certes blessantes. Elles pointent des failles qui tiennent à son caractère mais aussi, selon des témoignages concordants, à l’emprise exclusive de sa compagne, Sarah Knafo. Un politique qui dit vouloir unir les droites doit d’abord pouvoir fédérer ses troupes. Or les défections ont été suffisamment nombreuses autour de lui pour ne pas être réduites à des péripéties. 

Dans un autre livre (2), tout aussi amer, l’ex-Gilet jaune Jacline Mouraud rappelle cette réplique du candidat, questionné par elle sur son peu d’intérêt pour la France populaire : « Mais la France populaire est analphabète ! ». Puis, se corrigeant : « Analphabète politiquement ». Pour avoir longtemps partagé au Figaro le même bureau que Zemmour, je le sais passionné par le combat intellectuel, le débat d’idées, la volonté de convaincre. Je reconnais aussi n’avoir jamais décelé chez l’éditorialiste et le talentueux polémiste télévisuel le profil d’un dirigeant politique. 

A-t-il encore un destin ? Peut-être, à la condition qu’il se corrige. Pour Rivière, Marion Maréchal, restée auprès de lui, est la seule à « pouvoir reprendre le flambeau ». Mais c’est bien Marine Le Pen qui a emporté la mise.

(1) Zemmour ? Ben voyons ! Editions du Rocher

(2) Jacline qui ? Réponse à Zemmour, Editions Bouquins

Par Ivan Rioufol le 16 mars 2023

Le Blog d'Ivan Rioufol

Eric Zemmour (Reconquête!) sur Cnews le 15 mars 2023

jeudi 12 janvier 2023

Gregory Roose exclu d’un prix littéraire pour raisons politiques



Gregory Roose est écrivain, auteur talentueux de nouvelles (Train de nuit et treize récits enracinés, La Nouvelle Librairie éd), chroniqueur à Valeurs actuelles, animateur d’un blog très suivi et candidat malheureux à un prix littéraire dont il est exclu non pour son manque de talent – il faisait partie des finalistes – mais pour des raisons de basse politique. Nous reproduisons son communiqué.

« Une procédure judiciaire a été lancée par Grégory Roose, écrivain et chroniqueur, contre les organisateurs du prestigieux Prix Boccace. Des éléments tendent à démontrer qu’il avait été présélectionné par le jury sur des critères littéraires, puis exclu pour ses opinions politiques.

Un article de MagCentre affirme que l’organisateur du prix littéraire, soutenu par le conseil départemental du Loiret, a fait une erreur de casting concernant Grégory Roose, indiquant que ce sont ses opinions politiques et activités militantes, qualifiées de nauséabond(es), xénophobes et islamophobes, qui ont motivé son exclusion du concours. Plusieurs publications sur les réseaux sociaux tendent à confirmer que son recueil, Train de Nuit, faisait partie d’une première présélection de huit ouvrages sur dix-sept reçus dans le cadre du Prix Boccace.

Gérard Audax, l’organisateur du concours, a déclaré selon MagCentre.fr reconnaître l’erreur, tendant à confirmer que Train de Nuit avait bien été présélectionné par le jury sur des critères littéraires avant d’en être exclu pour ses opinions politique. Une procédure judiciaire pour discrimination en raison des opinions politiques a été engagée ».

Notre commentaire : il n’est pas impossible que ce soit le journaliste de MagCentre qui ait « mis en garde » le jury, dans la nouvelle tradition du journalisme de délation.

Tribune reprise de OJIM


Novopress


samedi 3 décembre 2022

« Et si les Beatles n’étaient pas nés ? » — et autres hypothèses stimulantes



« Si j’aurais su, j’aurais pas venu », se lamente P’tit Gibus, dans la seule vraie adaptation — celle d’Yves Robert — de La Guerre des boutons, la seule fidèle au roman de Louis Pergaud : les censeurs qui contrôlent les ondes se gardent bien de la rediffuser, de peur de choquer la brigade anti-pédophilie, puisqu’on y voit à loilpé les fesses des garnements qui se chamaillent dans les forêts normandes.

Les grammairiens appellent cela l’irréel du passé : on regrette que les choses ne se soient pas arrangées autrement — mais on n’y peut rien. Là règnent en maîtres le conditionnel passé et le subjonctif plus-que-parfait.

Vivre vite, couronné cette année du Goncourt, est tout entier construit sur de telles hypothèses. Brigitte Giraud évoque toutes les occasions (ratées) qui auraient pu ne pas conduire à la mort de son compagnon dans un accident stupide. Et si, par exemple, les Japonais n’avaient pas construit la Honda 900 CBR Fireblade, dite « widow maker », qu’ils se gardaient bien d’autoriser chez eux. Je n’épiloguerai pas, j’en ai déjà parlé par ailleurs, l’un des premiers, et Sophie Bachat dans Causeur en a dit tout le bien qu’elle en pense.

Dans son numéro de fin d’année 2021, Marianne avait épuisé tous les « Et si » que les déceptions en cascade nées de cette France obsolescente pouvaient engendrer. Et dans un essai remarquablement intelligent et bien écrit, comme tout ce qui sort de sa plume, l’essayiste Pierre Bayard a jeté un long regard en arrière pour évoquer des hypothèses dont l’effet, si elles s’étaient réalisées, eût pu changer la face du monde mieux que la longueur du nez de Cléopâtre.

« Et si les Beatles n’étaient pas nés » ? Ainsi commence ce livre, qui ne se contente pas d’effacer tel ou tel personnage, mais d’envisager son remplacement par un autre, qui existait aussi, n’était pas dépourvu de talent et auquel l’icône a fait une ombre telle qu’il a disparu corps et bien. Si les Beatles n’étaient pas nés, si Brian Epstein n’avait pas pris leur carrière en main, nous aurions dansé le slow sur «Waterloo Sunset».

C’est, on s’en souvient peut-être, le thème de Jean-Philippe, l’excellent film de Laurent Tuel, où Fabrice Luchini, fan inconditionnel de Johnny Halliday, se réveille après un léger coma dans un monde où Jean-Philippe Smet est inconnu. Mais il existe bien, pourtant — il est patron de bowling : un stupide accident de scooter l’a empêché de participer, le 30 décembre 1959, à l’émission qui l’a lancé. Non, je ne dévoilerai pas la fin, qui retourne la dystopie en uchronie.

Pierre Bayard va très loin et réhabilite par ce procédé de grandes pointures éclipsées par tel ou tel phare de l’humanité. Sans Shakespeare, par exemple, on n’aurait pas oublié Ben Jonson, auteur important de l’ère élisabéthaine, dont il ne reste (vaguement) dans les mémoires que Volpone, et encore parce que Harry Baur et Louis Jouvet l’ont interprété — disponible en intégralité ici. Mais il échafaude aussi des hypothèses corrosives : si Freud n’était pas né, aurions-nous encore des problèmes ? Si Max Brod avait brûlé les manuscrits de Kafka, conformément au vœu de son ami ? Si la CIA n’avait pas décidé de se faire éditeur et de diffuser le Docteur Jivago, sentant que le roman était une épine dans la chaussure des Soviétiques — ce qui éclipsa Le Don Paisible, splendide roman sur un thème similaire de Mikhaïl Cholokhov, et valut le Nobel à Pasternak.

Ou si Marx…  

La dystopie est bâtie sur une hypothèse noire. Ainsi, dans Le Maître du haut château, Philip K. Dick imagine que l’Axe a gagné la Deuxième Guerre mondiale, et que les Etats-Unis sont occupés à l’est par les Allemands, à l’ouest par les Japonais — et qu’un roman narrant la victoire des Alliés amène une uchronie dans la dystopie.
Parce que l’uchronie, elle, est la re-création d’un monde plus agréable à notre goût. En 1836 un certain Louis Geoffroy (1803-1858) publia Napoléon et la conquête du monde, où il raconte comment l’Empereur, après avoir subjugué les Russes, étend son empire jusqu’au Japon. Giscard d’Estaing, qui n’a jamais utilisé de nègre et qui n’a jamais copié personne, a publié en 2010 un roman intitulé La Victoire de la Grande armée qui part exactement de la même hypothèse — un hasard, probablement. Le roman de Geoffroy étant disponible sur Wikisource, chacun pourra s’en faire une idée.

À noter que ce qui est dystopie pour les uns peut être uchronie pour d’autres. Le romancier Emmanuel Carrère, alors à l’aube de sa carrière, publia en 1986 un essai stimulant intitulé Le Détroit de Behring, où il analyse en détail les principes uchroniques : l’Encyclopedia Sovietica, après l’exécution de Beria en décembre 1953, fit effacer le nom du tortionnaire préféré de Staline de tous les exemplaires envoyés aux souscripteurs en leur expédiant un article de même format sur « Behring, détroit de » — à coller sur l’article Beria pour le faire disparaître. Évidemment ça n’effaçait pas le Goulag ni le massacre de Katyn, entre autres exactions commises par ce grand bienfaiteur de l’humanité.

Je suggère au lecteur, après avoir fait l’acquisition des ouvrages indispensables cités ci-dessus, de chercher les « Et si » les plus à même de corriger la trajectoire désastreuse de la France — ou du monde, si vous avez de l’ambition et de la démesure. Ou votre trajectoire personnelle : après tout, si la voiture qui hier soir m’a accroché la veste en virant sec en plein centre-ville avait tourné plus sec, je ne serais pas là pour écrire cette chronique — dystopie ou uchronie, à votre gré.

Parce qu’avec des « Et si », on pourrait révolutionner bien des choses. Obliger Karim Benzema à chanter la Marseillaise. Nommer Cyril Hanouna au ministère de l’Éducation, et Elisabeth Lévy à la tête de France Télévision. Imaginer que Virginie Despentes aurait enfin potassé le BLED. Ou me faire taire…

Non, ça, ce n’est pas possible — même dans les rêves fous de tous les gens qui me veulent du bien.

Par Jean-Paul Brighelli le 3 décembre 2022

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