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dimanche 15 mai 2022

Ursula von der Leyen, chef de guerre ? Pourquoi la présidente de la Commission européenne se trompe



Comme Marlborough, Ursula s’en va en guerre. Depuis l’agression russe en Ukraine, la présidente de la Commission multiplie les déclarations martiales. À l’évidence, elle est prête à mener une guerre totale contre Poutine. Jusqu’à la dernière goutte de sang ukrainienne. Car, rappelons-le, l’Union européenne n’a ni armée ni diplomatie réelle, et n’a aucune possibilité ni intention d’entrer en conflit armé contre la Russie. Ce qui serait suicidaire pour l’Europe et pour le monde.

À bien des égards, le discours de la présidente de l’Union européenne est irresponsable et ne favorise en rien un retour à la paix. Car la Russie ne disparaîtra pas de la carte du monde après cette guerre. Plus encore, son éclatement éventuel serait un désastre pour le monde et surtout pour l’Europe, un foyer d’instabilité en Eurasie et une chance pour la Chine.

Ce qui est surprenant, c’est qu’Ursula von der Leyen semble vivre dans un monde virtuel. Le 9 avril dernier, à Varsovie, elle déclarait que la mort de civils à Boutcha lui donnait « davantage de détermination pour combattre l’horrible guerre de Poutine ». Mais elle ne combat rien ni personne. Certes, l’Union européenne a débloqué 450 millions d’euros pour permettre à l’Ukraine de s’armer, d’acheter du carburant et du matériel médical. Certes, l’Union européenne a adopté des sanctions économiques partielles. Autant de décisions destinées à gêner la Russie et à aider l’Ukraine, mais il ne s’agit pas de combat. Ce décalage entre le discours et la réalité est dangereux. Le soutien à l’Ukraine serait sans doute plus efficace sans logorrhée belliciste.

Être Lady Thatcher, qui a remporté la guerre des Malouines, n’est pas à la portée de tous. L’Union européenne, quant à elle, a été incapable d’éviter la guerre dans l’ex-Yougoslavie tout comme en Ukraine, et ce sont les États-Unis et le Vatican qui ont gagné la guerre froide.

De surcroît, la politique européenne à l’égard de la Russie, après la chute du bloc soviétique, a été d’une insondable maladresse. Il eût fallu, après soixante-dix années de crimes communistes, se rappeler qu’avant 1917, l’Empire russe était notre allié. Dès lors, il eût été intelligent de la réinsérer dans la politique européenne pour profiter de sa présence en Eurasie afin d’assurer l’équilibre dans cette partie du monde. C’est tout le contraire qui fut fait.

Pour rien au monde les États-Unis ne voulaient d’une telle politique. Dans son ouvrage Le Vrai Choix, publié en 2004, Zbigniew Brzeziński expose clairement que l’amélioration du monde et de sa stabilité dépend du maintien de l’hégémonie des USA et que la mondialisation « est la doctrine naturelle de l’hégémonie mondiale ». Or, ce maintien exige d’éviter un rapprochement de l’Europe de l’Ouest et de la Russie, ce qu’aurait entraîné un retrait des États-Unis.

L’Union européenne s’est conformée à cette vision du monde, et quand Mme von der Leyen déclare, le 12 mai dernier, que la Russie est « la menace la plus directe » pour l’ordre mondial, elle entend l’ordre mondial occidental, ou américain, ce qui revient au même.

Rien ne saurait justifier la guerre contre l’Ukraine. Pire qu’une erreur, c’est une faute qui rompt le lien séculaire entre la Russie et l’Ukraine. Poutine lui-même, par la guerre engagée contre un peuple frère, scelle le divorce et son propre affaiblissement.

Mais la Russie demeurera après la guerre. Les Américains ont toujours été les adversaires des empires autres que le leur. Et l’Histoire nous enseigne que certains empires ont une vertu d’équilibre. Mme von der Leyen se trompe lorsqu’elle affirme que la Russie est la « menace la plus directe » pour l’ordre mondial. Elle en est un élément essentiel. Voudrait-elle effacer la Russie de la carte ? Charles XII, Napoléon et Hitler s’y sont cassé les dents et y ont tout perdu.

Dans les années récentes, ce sont surtout les États-Unis qui ont déstabilisé le monde par leur politique au Moyen-Orient, dont les Européens ont payé le prix fort. L’opposition Nord/Sud ne cesse de s’affirmer, y compris pour ce qui concerne les sanctions à l’égard de la Russie. Mme von der Leyen devrait s’en inquiéter et, plutôt que de jouer au général en chef d’une armée qui n’existe pas, ferait bien de se souvenir que les États-Unis, nation impériale déterminée, défend avant tout ses intérêts propres. Ce qui est le devoir de toute nation pour elle-même. Mais peut-elle le comprendre, puisque le but même de l’Union européenne est d’effacer le lien charnel avec les nations ?

Par Stéphane Buffetaut, vice-président du CNIP le 14 mai 2022

vendredi 13 mai 2022

Nous marchons vers la guerre comme des somnambules



Nous marchons vers la guerre comme des somnambules.
J’emprunte cette image au titre du livre de l’historien australien Christopher Clark sur les causes de la Première Guerre mondialeLes Somnambules, été 1914: comment l’Europe a marché vers la guerre.
«Le déclenchement de la guerre de 14-18,écrit-il, n’est pas un roman d’Agatha Christie (…) Il n’y a pas d’arme du crime dans cette histoire, ou plutôt il y a en a une pour chaque personnage principal. Vu sous cet angle, le déclenchement de la guerre n’a pas été un crime, mais une tragédie.» En 1914, aucun dirigeant européen n’était dément, aucun ne voulait une guerre mondiale qui ferait vingt millions de morts mais, tous ensemble, ils l’ont déclenchée. Et au moment du traité de Versailles aucun ne voulait une autre guerre mondiale qui ferait soixante millions de morts mais, tous ensemble, ils ont quand même armé la machine infernale qui allait y conduire.
Dès le 7 septembre 1914, après seulement un mois de guerre, le chef du grand état-major allemand qui avait tant plaidé pour que l’Allemagne attaquât avant d’être attaquée écrivait à sa femme: «Quels torrents de sang ont coulé (…) j’ai l’impression que je suis responsable de toutes ces horreurs et pourtant je ne pouvais agir autrement.»
«Je ne pouvais agir autrement»: tout était dit sur l’engrenage qui mène à la guerre. Engrenage qui est d’abord celui par lequel chaque peuple se met à prêter à l’autre ses propres arrière-pensées, ses desseins inavoués, les sentiments que lui-même éprouve à son égard. C’est bien ce que fait aujourd’hui l’Occident vis-à-vis de la Russie et c’est bien ce que fait la Russie vis-à-vis de l’Occident. L’Occident s’est convaincu que si la Russie gagnait en Ukraine, elle n’aurait plus de limite dans sa volonté de domination. À l’inverse, la Russie s’est convaincue que si l’Occident faisait basculer l’Ukraine dans son camp, ce serait lui qui ne contiendrait plus son ambition hégémonique.
Par Henri Guaino le 13 mai 2022
Lire la suite sur Le Figaro

jeudi 12 mai 2022

Guerre en Ukraine. L’ombre de Staline

 


Par Eric Delcroix, juriste, essayiste et écrivain, auteur de Droit, conscience et sentiments le 12 mai 2022♦ La guerre russo-ukrainienne, c’est le point Godwin à tout va : la lutte entre le « nouvel Hitler » (Poutine) et les « nazis ukrainiens » d’Azov , héritiers de Stepan Bandera. Une guerre des propagandes aussi ridicule que peu explicative. Pour Eric Delcroix, c’est le souvenir du stalinisme et des morts de la grande famine (Holodomor) qui explique la résistance ukrainienne. Tout comme les possibles crimes de guerre de l’armée russe, héritière des traditions de  violences soviétiques de la seconde guerre mondiale. Un point de vue à (double) contre-courant à prendre en compte dans une analyse plurielle des événements, en gardant en tête qu’il reste difficile d’acquérir une connaissance objective de la situation sur le terrain.
Polémia

 

La Russie de Vladimir Poutine n’a cessé de faire l’objet de provocations, malveillances et humiliations de la part des États-Unis et de leurs vassaux de l’OTAN. Récemment, l’Allemagne, le premier et le plus fidèle de ces vassaux, a cru pouvoir s’offrir une audace sans conséquence morale, savoir établir avec la Russie le fameux gazoduc Northstream II. Se serait-il passé en coulisse à point nommé quelque chose que le public ignore, à l’heure où ce gazoduc allait être mis en service ?

Quoi qu’il en soit, l’armée russe est entrée en Ukraine le 24 février, dressant contre cette agression la population ukrainienne, apparemment composante russophone incluse. Ne réussit pas l’Anschluss qui veut, réalité qui peut échapper à un ancien agent du KGB…

L’hystérie « antinazie » partagée

Avec une déraison très assumée, l’homme qui a fait du 9 mai, commémoration de la capitulation du III° Reich, la fête nationale russe cultive ainsi une mythologie communiste, celle de l’antifascisme moral. Cette mystique, redoutablement efficace, a été créée par le VII° congrès du Komintern (1935) à l’initiative de Staline et répandue par ce génie de la propagande que fut Willi Muezenberg (1989-1940). D’où les « fronts populaires » qu’a connus l’Europe ça et là (en France encore de nos jours avec l’immarcescible le « Front républicain »).

Le succès de ce proto wokisme soviétique fut à long terme fatal à l’URSS, les marxistes eux-mêmes étant passés au fil du temps du matérialisme historique au moralisme idéaliste…

Or que constate-t-on dans le discours de Poutine ? L’omniprésence de la justification suprême, savoir la lutte contre les « nazis » ou « néonazis ». Et, non seulement cette incongruité burlesque ne fait pas rire, mais la rhétorique est reprise par le président ukrainien pour qui ce sont les Russes qui sont des « fascistes » ! Évidemment il n’y a, de part et d’autre ni hitlériens ni fascistes. Et si les nationalistes ukrainiens célèbrent Stepan Bandera (1909-1959), qui lutta un temps contre les communistes au côté de la Wehrmacht, cela n’en fait pas des « nazis ».

De part et d’autre, l’anti-soviétisme ne fait pas recette dans l’élite, alors même que la terre d’Ukraine est remplie des charniers soviétiques et que l’Holodomor (famine provoquée par Staline en 1935) et illustré par le film l’Ombre de Staline[i], avec des millions de morts, paraît très présent dans la mémoire populaire sous-jacente. Itou pour le Goulag…

En l’absence de catharsis, le mensonge perdure

Nombre de chroniqueurs regrettent l’absence de « Nuremberg du communisme », naïveté de ceux qui croient que la justice peut faire bon ménage avec la politique et l’Histoire.

En revanche, il serait temps que toutes les archives soviétiques puissent être ouvertes aux chercheurs. Mais ce n’est pas la voie choisie par Poutine qui, peu avant l’agression contre l’Ukraine a dissout l’association Mémorial, dont c’était l’un des objets. Les anciens soviétiques n’ont pas fait leur catharsis…

Évidemment, il ne serait plus possible de maintenir la fête du 9 mai, si les Russes se voyaient rappeler que leurs ancêtres tombés par dizaines de millions étaient largement mus par la Terreur[ii]. Les vagues d’assauts, mal commandées, étant suivies de troupes dont le rôle était d’abattre les récalcitrants. Le NKVD avait droit de vie ou de mort sur tout militaire quel qu’en fut le grade. Combien des membres du « Régiment des immortel », cher au président russe, ont-ils été tués par les agents staliniens ?

L’Ukraine de Zelensky ne sort pas de ce jeu. Les autorités de Kiev ne rappellent même pas le passé soviétique : saisissant ! Si l’armée russe se comporte si mal, c’est qu’elle est l’héritière de l’Armée soviétique. Tout le reste n’est que propagande.

En conclusion

Cette lutte où chacun voit en l’autre un suppôt de Hitler a quelque chose de grotesque qui devrait modérer l’enthousiasme des tiers observateurs que nous sommes.
Cela étant, il n’est pas possible, à part soi, de ne pas réprouver l’attitude de la Russie en Ukraine et de ne pas avoir de la sympathie pour une population en butte à une soldatesque incorrigiblement néo-soviétique.
Il n’est pas possible non plus de ne pas admirer l’héroïsme des défenseurs de Marioupol, face à une armée sans merci, car historiquement étrangère au sens de l’honneur militaire.

Hitler est mort, pas Staline dont l’ombre plane toujours sur la Russie et l’Ukraine.

[i]       Film d’Agnieszka Holland, 2019.
[ii]      Voyez, la Guerre d’extermination de Staline, par Joachim Hoffman, Editions Akribeia, 2012.


mercredi 11 mai 2022

Ukraine : l’Europe doit se désolidariser des Américains

 


Les Américains jettent de l’huile sur le feu…

Organisant la mobilisation générale contre la Russie, les Américains jettent de l’huile sur le feu. Accuser Poutine des pires ignominies, le traiter de boucher, parler de crimes de guerre et de génocide, le menacer de la Cour pénale internationale, c’est se couper de toute négociation possible avec lui. Ensuite, soutenir l’armée ukrainienne en s’engageant massivement à ses côtés au point de planifier maintenant des livraisons d’armes pour vingt milliards de dollars, c’est prolonger, voire étendre le conflit avec les pertes matérielles et principalement humaines qui en résultent. Enfin, c’est surtout s’engager ouvertement dans la guerre contre les Russes avec la volonté de les battre militairement.

… après avoir cherché à piéger les Russes

Un projet dont on peut d’ailleurs se demander s’il ne s’inscrit pas dans une stratégie conçue de longue date. Tout se passe en effet comme si les Américains avaient cherché à piéger le maître du Kremlin en refusant toute négociation avec lui sur la sécurité en Europe et en annonçant ensuite que pas un soldat américain ne viendrait défendre l’Ukraine. À la manière dont ils avaient poussé Saddam Hussein à l’invasion du Koweit, ils auraient ainsi délibérément créé les conditions de la réaction agressive des Russes pour, dans un deuxième temps, organiser contre eux une mobilisation générale de tout le monde occidental.

Mais si Poutine est acculé, le pire devient possible

L’erreur dramatique des Américains est que Poutine n’acceptera jamais de subir une défaite militaire. Et, s’il n’est pas question ici de défendre l’intéressé et de nier sa responsabilité première dans le conflit et dans les drames, voire les exactions qui en résultent, le devoir des dirigeants confrontés au chef d’État russe n’est pas d’aller pleurer dans les médias comme certains responsables américains mais d’agir lucidement en tenant compte des contraintes géopolitiques comme des réalités psychologiques.

A cet égard, il est clair que si Poutine est acculé à subir une défaite militaire, il utilisera l’arme nucléaire. On peut penser et espérer que ce sera, dans un premier temps au moins, l’arme nucléaire tactique sur le théâtre du champ de bataille, mais personne ne peut prévoir ce qu’il adviendra après une telle escalade de la violence guerrière.

L’Ukraine doit mener une guerre qu’elle aurait pu éviter…

Alors pourquoi prendre un tel risque ? S’agit-il de la souveraineté de l’Ukraine ? Un pays ne cesse pas d’être souverain si ses dirigeants, en sages politiques, tiennent compte des contraintes géopolitiques auxquels il est soumis. Faute d’avoir voulu le faire, les Ukrainiens ont été entraînés dans la guerre d’une façon pour le moins paradoxale : ils subissent une invasion russe pour avoir voulu se protéger d’une invasion russe (en cherchant à adhérer à l’Otan) ! Le président Zelensky porte donc sa part de responsabilité dans cette guerre en n’ayant pas accepté pour son pays un statut de neutralité, statut qui n’a rien au demeurant de déshonorant. Aussi est-il mal placé pour exiger aujourd’hui de tous les pays occidentaux qu’ils s’engagent sans réserve à ses côtés dans une guerre qu’il aurait peut-être pu éviter par une attitude plus prudente. Une guerre dans laquelle lui et son peuple sont d’ailleurs de surcroît instrumentalisés par les États-Unis.

… et se trouve instrumentalisée par les Américains pour détruire la puissance russe

Si les Américains prennent le risque d’une escalade militaire avec la Russie, c’est en effet pour un enjeu à leurs yeux bien supérieur à celui du devenir de l’Ukraine. Il s’agit pour eux d’en finir avec la puissance russe. Une puissance qu’ils ne contrôlent pas et dont ils détestent les valeurs politiquement incorrectes. Mais cet acharnement américain contre la Russie montre en tout cas combien les États-Unis peinent à prendre en compte les réalités nouvelles du monde actuel. Après leur victoire sur l’URSS ils ne sont pas devenus en effet les maîtres du monde car ce dernier n’est pas passé d’une organisation bipolaire à une structure unipolaire mais à une planète structurée en plusieurs pôles de puissance. Leur ennemi, ou leur adversaire, comme le nôtre, n’est donc pas la Russie mais bien plutôt les puissances émergentes qui veulent prendre leur revanche sur l’Europe et le monde occidental qui les ont dominées pendant plusieurs siècles. Les Américains seraient donc bien avisés de comprendre ce grand basculement et d’en tirer les conséquences : pour faire face à ces nouvelles puissances comme la Chine et dont beaucoup sont animées par le ressentiment ou l’esprit de vengeance, les États-Unis gagneraient à avoir à leur coté une vraie puissance européenne autonome et une Russie forte qui reste européenne.

L’Union européenne devrait se désolidariser des États- Unis pour imposer la désescalade

D’ici là, et pour en revenir à la guerre en Ukraine et au risque majeur d’une escalade nucléaire, je considère qu’il est de la responsabilité historique de l’Union européenne de se désolidariser officiellement des États-Unis et, forte de cette nouvelle légitimité, de se positionner avec autorité comme une puissance d’apaisement et de désescalade, écartant les Américains et poussant les deux parties à la négociation. Telle est l’initiative que devrait prendre rapidement l’actuel président de l’Union européenne, Emmanuel Macron. Et peu importe si certains pays comme la Pologne s’opposent à une telle prise de position, l’enjeu est trop important pour ne pas passer outre. Il s’agit en effet d’éviter le risque d’une guerre qui d’ailleurs ne serait pas mondiale. Car cette guerre n’embraserait que l’Europe et l’Amérique du nord. Elle conduirait au suicide du monde européen et chrétien, ce serait le crépuscule de l’Occident.

Par Bruno Mégret, ancien président du MNR le 2 mai 2022