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mercredi 2 novembre 2022

La Réforme verte à l’école



Dans le monde d’avant, on amenait ses élèves dans les musées et on tentait de leur inculquer, bon an, mal an, un humanisme fondé sur le savoir, l’expérience et l’esthétique de leurs aînés. Désormais, on cultive l’éco-geste, on végétalise espaces et esprits. Les sorties scolaires se font à la déchetterie ou en forêt : on y recycle ou ramasse les détritus, on découvre la biodiversité, on fustige l’irresponsabilité de ses parents. En 2021, M. Blanquer a opéré le virage du développement durable en dotant les établissements scolaires d’une nouvelle instance représentative : celle des éco-délégués.

Alors qu’est-ce qu’un éco-délégué ? C’est un « acteur de la question écologique au sein de l’école » et un « ambassadeur » de la planète, ni plus ni moins. L’éco-délégué s’engage à « porter des projets », ânonne quelques slogans inspirés (éteindre la lumière, c’est éclairer l’avenir ; maman, je sèche comme la planète ; aux arbres, citoyens !), jure qu’il a trié, trie et triera ses déchets. Et puis il veille à apprendre à ses camarades et surtout à ses professeurs les bons gestes: l’économie de papier, le covoiturage, la réduction du gaspillage alimentaire.

Le problème étant que ce que l’on pourrait saluer comme le retour d’une sagesse ancestrale, la « juste mesure » aristotélicienne dominée par le souci d’équilibre, d’harmonie et de maîtrise, la vertu cardinale de la tempérance, prend la forme d’une religion régressive et sottement dogmatique, voire d’un endoctrinement dont on ferait bien de mesurer les effets.

À l’éco-école, nous communions dans une même foi et notre divinité est la Terre. Ce culte a ses rites : le mea culpa des adultes, le prêchi-prêcha des enfants, les grand-messes (élection des éco-délégués, semaine pour le climat, rendez-vous régional et annuel des éco-engagés). Il a ses dogmes (le papier, c’est le péché), ses Pap et papesse (votre ministre fait de la « question écologique » une priorité; votre cheffe d’établissement vous désigne à la vindicte publique parce que vous faites trop de photocopies). Ce culte nous délivre du mal en ce qu’il nous débarrasse de la complexité du monde, d’une histoire et d’une culture infréquentables, des religions du livre et, en définitive, du livre même.

Mais à quoi mène la Réforme verte dans les écoles? Elle assigne les enfants à l’ignorance et elle les voue à l’angoisse. À l’ignorance parce qu’au lieu de transmettre le savoir, de forger l’esprit critique, de confronter progressivement l’élève à l’ambiguïté de la nature et des choses humaines, elle annihile la pensée par son formalisme et son manichéisme (le monde en noir et vert). Pendant ce temps, dans les quelques établissements qui élèvent encore les enfants à l’abri du tumulte du monde (l’École alsacienne, peut-être ?), on écrit à l’encre sépia sur du papier Clairefontaine, on apprend la vie dans les livres et on renvoie aux calendes grecques les humanités numériques. Cette Réforme verte voue nos enfants à l’angoisse parce qu’elle les emprisonne dans sa novlangue et ses pathologies: éco-gestes ou pas, on est un écophage, complice de l’écocide, victime d’éco-anxiété et on consulte un écopsychologue.

Alors peut-être faudrait-il remettre un peu d’ordre dans tout ça. Pour ceux qui veulent renouer avec la nature et les vertus qu’on y développe, il y a les mouvements de jeunesse : « Le scout voit dans la nature l’œuvre de Dieu, il aime les plantes et les animaux ». Si l’on est vraiment hermétique au bénévolat, on peut se tourner vers le fils d’Anne Hidalgo, Arthur Germain, qui organise des stages de survie de deux jours en milieu naturel et les facture 200 euros (sobriété oblige).

Mais c’est en renouant avec la culture humaniste et la formation du jugement que l’école assumera la mission qui est la sienne. On le sait depuis Érasme : « On ne naît pas homme, on le devient ».

Par Brune Saint-Laurent le 1er novembre 2022

Causeur

samedi 14 mai 2022

Mathieu Bock-Côté: «Ce qui pourrait redonner vie à la droite»


Par Matthieu Bock-Côté le 14 mai 2022

Le scénario politique qui semble s’écrire en direct annonce pour les prochaines années un étrange débat public pour la France: un espace politique désormais configuré à travers l’affrontement entre le progressisme européiste de la majorité macronienne et la gauche radicale ralliée autour de Jean-Luc Mélenchon, avec une droite en lambeau, écartée entre son résidu traditionnel et sa part populiste en déroute.
Plusieurs en sont encore sonnés: ne répétait-on pas depuis plusieurs années que le pays était à droite et que ses préférences idéologiques allaient finir par se traduire en une majorité politique? Que s’est-il passé? La droite est-elle condamnée à l’invisibilité politique, dans une configuration où elle ne sera à peu près plus rien, à moins de s’annexer à la majorité macronienne, pour en représenter une nuance de plus?
Il faut d’abord revenir sur l’illusion d’une décennie intellectuelle, pour mieux voir comment la droite s’est décomposée. 
On la résumera ainsi: la droite a voulu se croire majoritaire dans le pays, et au seuil, pour cela, du pouvoir, qui lui reviendrait de droit. Mais elle avait tort de se croire majoritaire. On me pardonnera de reprendre une formule dont j’ai souvent fait usage: la gauche a été si longtemps hégémonique qu’il lui suffit d’être contestée pour se croire assiégée, alors que la droite a été si longtemps dominée qu’il lui suffit d’être entendue pour se croire dominante. Parce qu’elle s’est vue exister à la télévision pendant quelques années, la voilà qui croyait exercer désormais à son tour l’hégémonie idéologique. Mais dès que le régime diversitaire se sent fragilisé, il se braque et mate le rebelle qui entend critiquer non plus seulement les dérives du progressisme mais ses fondements. Il dispose de vastes ressources médiatiques et juridiques pour arriver à ses fins, si nécessaire. C’est ce qui s’est passé.

Il y a pourtant une toute petite part de vérité dans la prétention de la droite: si la droite n’est pas majoritaire en matière économique, sociale ou sociétale, en France, elle l’est toutefois autour des questions régaliennes et identitaires. À peu près tout confirme l’existence d’une majorité souhaitant en finir avec l’immigration massive et désirant entreprendre la reconquête des quartiers qui se dérobent à la souveraineté et aux mœurs françaises. En deux mots, sur la question identitaire, la France est à droite.
Mais le régime diversitaire est justement constitué autour de la censure de la question identitaire, et constitue un dispositif inhibiteur pour l’empêcher de prendre forme politiquement, ou du moins, pour l’émietter et la déformer. Ainsi, les sondages n’en finissent plus de saucissonner la question identitaire en dissociant l’identité de l’immigration, de la laïcité et de la sécurité. Quant à cette dernière, elle s’émiette en milliers de faits divers éparpillés, censés intéresser les esprits vulgaires, sans envergure, les yeux rivés sur une vie quotidienne périphérique n’ayant aucune portée symbolique ou sociologique.

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