samedi 13 janvier 2024

Séjourné au quai d’Orsay : pourquoi cette nomination est consternante



Gabrielle Cluzel a justement épinglé l'un des péchés originels de ce remaniement : l'évacuation du critère de compétence. C'est particulièrement le cas pour le nouveau ministre des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné. Et c'est tellement évident que l'intéressé lui-même l'a avoué maladroitement lors de la passation de pouvoirs : « Je ne suis pas diplomate de métier mais, ayant grandi à l’étranger, je sais ce que veut dire la France dans le monde et je sais tout le pouvoir de la diplomatie et de la négociation ». A ce compte-là, nous sommes nombreux à pouvoir occuper nombre de fonctions éminentes.

Et cette auto-justification fondée sur un segment de sa vie personnelle (à proscrire absolument pour le moindre entretien professionnel) est en fait un marqueur de cette génération Macron. Ainsi la vie privée version Gala est-elle consciencieusement étalée quand cela les arrange et suscite des condamnations effarouchées lorsque des adversaires politiques osent poser des questions. Ainsi de l'homosexualité de certains ministres. 

Dans le cas de Stéphane Séjourné, qui fut pacsé avec avec Gabriel Attal, la question sur une « promotion canapé » (pour parler comme Juan Branco au sujet de l'ascension de Gabriel Attal lui-même) pouvait se poser. Là encore, tellement évident que le propre entourage de Séjourné a dû clarifier : « M. Séjourné et M. Attal ne sont plus ensemble depuis deux ans. Leur Pacs a été rompu à ce moment-là », a-t-il répondu au Figaro. Et en fait, le recours à l'argument de minorité (LGBT) doit être posé puisque M. Séjourné ne dispose ni d'une expérience internationale et diplomatique, ni d'une carrière d'élu local ou de parlementaire national. 

Et d'ailleurs, cette légitimité LGBT est implicite, notamment quand Catherine Colonna, toujours lors de la passation de pouvoirs, s'inquiète de l'absence de femmes à des postes régaliens. Elle est remplacée par un membre d'une minorité LGBT, donc l'honneur woke est sauf. Et tant pis pour vous, Mesdames. Il faut savoir partager l'honneur d'être une minorité.

Il est d'ailleurs révélateur que, sur ce sujet, la presse française fasse preuve d'une grande pudeur alors que certains journaux allemands sont plus cash. Ainsi de Bild qui titre : « Mini-Macron fait de son ex le ministre des Affaires étrangères ». intéressant de voir comment tout cela est perçu outre-Rhin.

Mais si cette nomination est consternante, c'est que ce déficit de compétence et de légitimité, cette inexpérience ajoutent à l'abaissement de la France. Le quai d'Orsay, ce n'est quand même pas rien. Chateaubriand, Briand, Villepin, pour faire vite et oecuménique. Et même en tapant en seconde division, on a toujours trouvé à ce poste des figures de diplomates, le plus souvent énarques, qui ont tenté de maintenir le rayonnement de la France en Europe et dans le monde. 

Emmanuel de Villiers comparait sur X Stéphane Séjourné à Jean François-Poncet, ministre de Giscard. Ambassadeur, fils d'ambassadeur, parfait connaisseur de l'Allemagne, il fut le promoteur d'une ligne européiste. 

Précisément celle de Macron et Séjourné. Mais justement, la baisse de niveau est spectaculaire : un petit apparatchik de l'UNEF pour la défendre ? Le centre macroniste pro-européen est décidément bien à plaindre.

Par Frédéric Sirgant le 13 janvier 2024

Boulevard Voltaire

mercredi 10 janvier 2024

Ce que cache le lancement du nouveau produit politique : Gabriel Attal

L’impossible mission de Gabriel Attal



Il aura fallu sept ans pour qu’Emmanuel Macron, face au récif du RN, vire de bord. La question est de savoir s’il n’est pas trop tard pour éviter le naufrage. Le capitaine du Titanic n’avait pu le détourner à temps de l’iceberg. La nomination de Gabriel Attal comme premier ministre, hier, se veut symbolique d’une modernité juvénile et d’un « effet waouh », si prisé par la Macronie. Mais sa mission, imposée dans l’urgence, semble impossible. Le chef de l’Etat a invité l’habile communicant, 34 ans à « mettre en œuvre le projet de réarmement et de régénération » annoncé dans ses voeux, ceci dans « la fidélité à l’esprit de 2017 : dépassement et audace ». 

En réalité Attal de Couriss (particule maternelle qu’il avait naguère rajoutée), enfant bien né d’une haute bourgeoisie parisienne progressiste, aura le courage des idées des autres. C’est d’ailleurs la caractéristique de cette gauche convertie au réalisme, qui tente en urgence de quitter en douce les chimères des idéologies pour s’approprier les thèmes de la droite pragmatique. Déjà, dans les années 70, le gauchisme de l’époque (André Glucksmann, Claude Lefort, Cornélius Casoriadis, etc.) avait su récupérer le combat antitotalitaire longtemps mené sous les injures par la seule droite anticommuniste. Dans tous les cas de figure, un socialisme à bout de souffle court après la modernité. Or l’histoire qui s’écrit ne puise rien dans le vide bavard de la majorité présidentielle, uniquement soucieuse de sa survie.

Attal a un talent politique. Son passage à l’Education nationale (5 mois) a été remarquable par les quelques décisions immédiatement appliquées (abaya, renvoi des élèves harceleurs, classes de niveau, etc). Mais quand Gérald Darmanin souligne qu’il veut, lui, « finir le travail qu’il a commencé », le ministre de l’Intérieur souligne en creux le maigre bilan de l’ambitieux qui lui a brûlé la priorité à Matignon. Le premier ministre sera jugé aux actes. De ce point de vue, un préalable vote de défiance parlementaire, demandé par LFI, n’aurait pas de sens. 

Reste que son abandon de poste, alors que l’Ecole s’effondre, ne fait pas apparaître une sincérité. Lors de la passation de pouvoir avec Elisabeth Borne, Attal a aligné les mots des « populistes », cette engeance qui répugne Macron, avant de filer auprès des inondés du Pas-de-Calais. Il a parlé des « classes moyennes », assuré qu’il fallait « garder le contrôle de notre destin », « renforcer la souveraineté nationale, celle de l’Europe, en maîtrisant notre immigration », etc. Néanmoins, Macron reste le vrai premier ministre, dans une V eme République claquemurée qui redoute d’avoir à se confronter au peuple. 

Contrairement à ce qu’affirme la Macronie, les questions économiques et sociales ne sont pas l’essentiel. Les priorités des Français sont, selon un sondage du Parisien, le pouvoir d’achat (48%), la sécurité (39%), l’immigration (37%). La jeunesse d’Attal ne peut faire oublier le vieux monde sclérosé dont il est le produit. Peut-on faire une politique de droite quand on est de gauche ? 

Il est permis d’en douter.

Par Ivan Rioufol le 10 janvier 2024

Le Blog d'Ivan Rioufol


Épreuve cycliste des JO : circuit entre crackeux et camps de migrants



On a tous vu la vidéo, postée lundi, du président de la République les gants de boxe sur l’épaule, devant un sac de frappe : JO, tout pour les JO et rien que pour les JO… « Faites au moins 30 minutes de sport par jour », a assené le chef de l’État, avant d’aller nommer son Premier ministre. Débrouillez-vous comme vous voulez, courez derrière le bus, tapez sur votre voisin de bureau ou entraînez-vous au lancer de courges, la France doit impérativement devenir, en sept mois, une nation sportive.

Les JO, donc, « grande cause nationale » après les féminicides et l’endométriose. Des « Jeux verts qui respectent les accords de Paris », des « jeux paritaires » qui vont éblouir le monde. Et parmi les épreuves reines, celles de la petite reine, justement. Le vélocipède, la bicyclette, le deux-roues, la bécane, le clou quoi !

Au menu figurent en bonne place les « épreuves en ligne » : 90 athlètes s’élanceront du Trocadéro, le samedi 3 août à 11 heures, pour y revenir après 273 kilomètres de course et 2.800 mètres de dénivelé positif. Et pour grimper dans Paris, quoi de mieux que le nord-est de la capitale ? En effet, qui n’a pas remonté en courant la grande pelouse des Buttes-Chaumont et les escaliers de Montmartre ne connaît rien au relief parisien.

Voila donc un parcours idéal sur le papier. Dans les faits, chez les Parisiens qui se lèvent tôt pour aller bosser, c’est le sujet d’une grosse rigolade. Comme l’écrit Chipironpépito, sur X : « Celui qui va finir en vie aura gagné l'épreuve ! C'est plus les JO, c'est Hunger Games ! »

Ben oui, parce que figurez-vous que nos cyclistes vont faire le pèlerinage des hauts lieux du crack et des camps de migrants : Barbès, La Chapelle, Jaurès, Stalingrad, l’avenue Jean-Jaurès, les boulevards des Maréchaux, les dessous du périph' – ce qui veut dire qu’on mettra les tramways à l’arrêt ! –, bref, les coins les mieux fréquentés des XVIIIe, XIXe et XXe arrondissements.

Un conseil, en passant, aux organisateurs : prévoyez des équipes de nettoyage en renfort, car ce ne sont pas des punaises qui risquent, cette fois, d’occasionner des crevaisons, mais bien des seringues ! Et puis, il va falloir aussi éloigner les rats du peloton. Une gamelle générale au milieu des surmulots, ça ferait moche dans le décor.

Sur X, une certaine Écrevisse s’étonne : « C'est drôle, je n'ai pas souvenir d'épreuves dans les favelas aux JO de Rio 2016. » On la comprend car, à considérer la chose, on se demande vraiment si ces gens – je parle des organisateurs – sont fous ou totalement inconscients ; s’ils ne sortent jamais de leurs bureaux pour aller voir à quoi ressemble le Paris populaire d'aujourd'hui des quartiers nord.

À moins, me suggère un ami, que tout cela ne soit le fruit d’une stratégie bien pensée, de manière à nier encore et toujours la réalité : après avoir vidé Paris de tous ses indésirables, envoyé les SDF à la campagne et les migrants à l’hôtel ; après avoir bouclé les Parisiens chez eux et rendu exorbitant le coût des transports afin d’offrir le village Potemkine aux caméras du monde entier ; surtout, après avoir collé un flic derrière chaque athlète et chaque riche spectateur, on pourra nous assener que l’insécurité est un fantasme. 

Que Paris, ripoliné de frais, est encore et toujours la « Ville Lumière » que le monde entier nous envie.

Par Marie Delarue le 10 janvier 2024

Boulevard Voltaire

lundi 8 janvier 2024

Mon pote le dealer



C’est dans ce but que demain soir, mardi 9 janvier, la mairie verte convie les Grenoblois à un spectacle vivant d’un genre nouveau « entre théâtre et récit conté, lissé de mots et de musique » joyeusement intitulé : « Les copains d’en bas ». Sur le site de la Ville de Grenoble, la municipalité a ajouté un bandeau sous l’affiche qui annonce le show. Y est posée cette étonnante question : « Comment vivre au quotidien à proximité d’un point de deal ? » Voici donc les Grenoblois invités à cohabiter avec les dealers. C’est fichtrement malin ! Que n’y avions-nous pas déjà pensé ! Sympathise avec le dealer qui pourrit ta vie et ta cage d’escalier tout comme tu as déjà sympathisé avec les punaises de lit et les surmulots ; ta vie en sera changée. Les épreuves de Kho-Lanta, c’est du pipi de chat à côté de celles qu’exige le vivre-ensemble tel qu’il va falloir le pratiquer à Grenoble. 

Sus à la peau de phoque, aux piolets et autres crampons.

Suivi d’un temps d’échange

Depuis quelques jours déjà, des affiches aux couleurs criardes, racoleuses et bariolées, ont été généreusement placardées sur les façades des immeubles du quartier Chorier- Berriat. Il ne s’agirait pas de rater cette représentation qu’on attend avec impatience. Ce spectacle bien rôdé n’a pourtant rien d’inédit. Créé en 2018 par la Compagnie Artiflette, il a déjà été représenté dans plusieurs communes de France. 

Suivi « d’un temps d’échange » invitant à « mieux se connaître pour mieux vivre ensemble », cette manifestation se veut didactique et vise à promouvoir « l’insertion sociale », « l’interculturalité » et « le bonheur de vivre dans les quartiers ». C’est pour partager une expérience choisie et comme il se doit enrichissante, qu’Ignace Fabiani et Claire Devienne ont co-écrit cette pièce dont ils sont aussi les acteurs. Ils campent Ben et Charlotte, aventuriers des temps modernes, qui ont décidé, de leur propre chef, d’aller expérimenter la mixité sociale dans une cité HLM. On voit nos audacieux conquérants se frotter alors, en vrai, à l’altérité. 

Que de belles rencontres ! D’après le dossier de présentation du spectacle, on fait connaissance avec « Assia, la voisine marocaine qui apporte à nos bobos des couscous fumants, Bachir, l’épicier d’en face qui leur fait crédit, Casquette et Barbichette des jeunes qui s’installent dans leur cage d’escalier, Kenny, une maman Malgache pleine de rêves, Djamel, le rappeur, Idriss, un éducateur épris de liberté et de justice avec qui ils vont collaborer… » Pas un ne manque, ils sont tous là ! 

« Jour après jour, entre doutes et convictions profondes, Ben et Charlotte sont ballottés entre magnifiques moments porteurs de sens et l’immersion de la violence dans le quotidien de la cité », est-il précisé. Fichtre ! j’en ai la larme à l’œil. « Le récit de ces rencontres dessine une vérité autre que celle souvent entendue dans les médias. », conclut le descriptif. Pour le coup, on n’en doute pas une seconde.

Si la mairie d’Éric Piolle n’avait pas ainsi audacieusement sous-titré l’affiche du spectacle, cette représentation de la Compagnie Artiflette, dévolue à l’habituelle propagande pour le vivre-ensemble, serait passée sous les radars. Mais, quand on y regarde de plus près, on s’aperçoit que le show, véritable couteau suisse qui sévit déjà dans les collèges et les lycées, peut servir idéalement les desseins inclusifs d’Éric Piolle ; ce qui justifie largement ce choix.  Il « permet aux élèves de découvrir certaines réalités méconnues concernant la vie dans les quartiers dits « difficiles »(…) d’élargir les horizons desdits élèves, de rentrer dans la complexité des situations, de changer de regard (…) » Cette prestation à visée hautement édificatrice est aussi couramment proposée comme « support pour des ateliers de médiation culturelle » et peut en servir d’autres « sur des thématiques liées au spectacle, à la déconstruction des stéréotypes et des préjugés, à  la découverte de l’altérité. » 

Dans le cochon, tout est bon.

Des agneaux méprisés

Notons que la démarche s’inscrit, pour la municipalité, dans le cadre d’une farouche volonté d’éradiquer les nuisances générées par le trafic de drogue. Sur les réseaux sociaux de la ville, le maire-pastèque avait déjà diffusé deux très courts-métrages montrant les conséquences du deal pour les habitants voisins d’un point de vente. Il s’agissait alors de dissuader de consommer des substances illicites. L’édile, qui cherche décidément à explorer tous les possibles, propose maintenant, par le truchement d’une réflexion fructueuse qu’initierait la représentation du spectacle de la Cie Artiflette, à instaurer une cohabitation harmonieuse des Grenoblois avec les dealers. 

Tout se tente. Du reste, Claire Devienne, pendant la tournée de la pièce dans le Var, en janvier 2023, avait déjà expliqué qu’en tout dealer, il y a aussi un homme. « Le plus grand dealer est aussi un grand frère, mais les difficultés de la vie l’ont parfois enfermé dans des mécanismes qui le poussent à être violent. » L’écrivain Christian Bobin s’est, lui aussi, exprimé à propos de la pièce : « J’ai lu ce texte sur les gens dans l’entrée de l’immeuble et j’ai beaucoup aimé. On dirait que parfois – les tigres ne sont que des agneaux qu’on a maltraités et méprisés. »

En attendant, la démarche d’Éric Piolle ne fait pas l’unanimité dans une ville où les habitants sont terrorisés par des bandes qui tiennent le trafic de stupéfiants et règlent leurs comptes à coup de rafales de Kalachnikov : sur X, les réactions indignées se sont multipliées.  

Face à la drogue, les Grenoblois espèrent une réponse autre que l’administration d’une cuillérée de sirupeux vivre-ensemble. Ce, d’autant plus que les élus rouges/verts rechignent à importuner les dealers installés dans les logements sociaux d’ACTIS et de Grenoble-Habitat. La mairie refuse en effet de contrôler les attributions… alors qu’elle est à la tête de ces deux bailleurs. C’est en vain que, depuis le début du mandat écologiste, l’opposition demande un contrôle strict et une expulsion des dealers condamnés pour éviter qu’ils ne transforment des quartiers entiers en zone de non-droit. En attendant, la représentation des Copains d’en bas a lieu demain. 

En présence d’Éric Piolle.

Par Isabelle Larmat le 8 janvier 2024

Causeur

Loi anti-gaspillage : la nouvelle trouvaille des macronistes pour nous surveiller - Juliette Briens sur Radio Courtoisie le 8 janvier 2024