Mais la France, qui préside le Conseil de l’UE jusqu’en juin, a cru opportun d’offrir, jusque dans les rangs de l’assemblée, un ballet « participatif » et « inclusif », commandé par le ministère de la Culture à l’artiste Angelin Preljocaj et intitulé : Danse avec l’Europe. Résultat : des figurants, bras mouvants, ont envahi l’hémicycle en répondant aux injonctions d’une voix off : « Bouge la tête ! Bouge le bassin ! Redresse-toi ! Tourne sur toi-même ! » Affligeant.
Il faut pourtant imaginer Macron heureux : son « bougisme » s’accorde avec ces prestations gestuelles en apesanteur, applaudies par la culture disruptive. Dans la théâtrocratie qu’est le macronisme, le pouvoir est un spectacle. Samedi, la cérémonie d’investiture à l’Élysée du chef de l’État a mis en scène, dans une sobriété revendiquée par le Palais, l’avancée solitaire du monarque républicain vers ses courtisans parqués, accompagné d’une musique de Lully qui emplissait déjà Versailles sous l’écho des talons de Louis XIV. Puis Macron a évoqué obscurément sa réélection : « Le peuple nouveau, différent d’il y a cinq ans, a confié à un président nouveau un mandat nouveau. » Mais quel est ce nouveau peuple sinon celui que le président croit, dans ses élans démiurgiques, avoir lui-même créé durant son mandat ? Le monde réel n’est pas exactement le sien.
L’Europe institutionnelle est ce « ballet sans musique, sans personne, sans rien » (Céline). Elle enthousiasme ceux qui profitent de ses mannes, mais reste inaccessible aux gens ordinaires.
Par Ivan Rioufol le 12 mai 2022
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