lundi 9 janvier 2023

Ukraine : Emmanuel Macron, incapable de définir un cap politique cohérent



Depuis le début du conflit, la seule chose qui ne change pas, avec , c’est qu’il change continuellement de positionnement et de politique. Une oscillation permanente entre une approche réaliste, soucieuse d’aboutir à une solution négociée à partir des revendications de chacune des parties, et un manichéisme belliciste qui transforme ce conflit en une croisade morale du bien contre le mal.

On peut facilement identifier les cycles récurrents qui le conduisent à évoluer d’un extrême à son opposé avant de revenir à son point de départ. Ainsi, au printemps 2022, on se souvient de sa petite phrase sur la nécessité de ne « pas humilier la Russie » afin que, le jour où cesseraient les combats, « nous puissions bâtir un chemin de sortie par les voies diplomatiques ». C’était la phase « réaliste ». Des propos qui avaient déclenché l’ire de Kiev et de plusieurs officiels européens. « Les appels à éviter d’humilier la Russie ne peuvent qu’humilier la France », avait rétorqué le ministre des Affaires étrangères ukrainien Dmytro Kuleba. Peu de temps avant, le Premier ministre polonais avait déjà reproché à  ses entretiens téléphoniques réguliers avec Vladimir Poutine : « On ne débat pas, on ne négocie pas avec les criminels, les criminels doivent être combattus », avait affirmé Mateusz Morawiecki.

Une deuxième séquence « belliciste » avait alors suivi, illustrée par une visite surprise à Kiev, le 16 juin dernier. Plus question, alors, de « cessez-le-feu ». « Aujourd’hui, il faut que l’ puisse résister et l’emporter », avait déclaré le Président français qui avait annoncé la livraison de nouveaux canons CAESAr. Dans Le Figaro, Isabelle Lasserre avait immédiatement célébré le « virage ukrainien d’Emmanuel Macron » ainsi que la fin du « en même temps ». De son côté, Le Monde avait noté que le Président français n’avait pas précisé ce que signifiait « dans son esprit, une éventuelle victoire ukrainienne ». Du flou, toujours du flou.

Troisième séquence, avec un retour au point de départ « réaliste », début décembre. Après son voyage aux États-Unis, la presse française annonçait qu' allait « se faire l’artisan de la paix en Europe ». Il déclarait avoir échangé avec le président Biden à propos de « l'architecture de sécurité dans laquelle nous voulons vivre demain ». Et d’ajouter qu’« un des points essentiels » pour Vladimir Poutine était « la peur que l'OTAN vienne jusqu'à ses portes » et le déploiement d'armes qui pouvait « menacer la Russie ». Il fallait donc réfléchir à la manière de donner « des garanties pour sa propre sécurité à la Russie », dans le cadre de futures négociations.

Nouvelle petite phrase qui enclenchait un nouveau cycle. Dans Le Figaro, Isabelle Lasserre faisait les gros yeux et dénonçait « ces gaffes de Macron qui isolent la France » et le retour des ambiguïtés. Kiev s’était encore fâchée mais le Président français savait par avance qu’il serait pardonné à l’occasion de la conférence internationale de soutien à l’ qu’il organisait, le 13 décembre, à Paris. Le journal Le Monde avait alors décidé d’enquêter pour comprendre la stratégie de Macron, reconnaissant que son « en même temps diplomatique » relevait du « mystère »« Il s’estime capable de jongler avec des idées contradictoires », notait l’expert François Heisbourg, qui ajoutait : « Et tant pis si personne n’y comprend plus rien. »

Dernier épisode en date avec la promesse du Président français d’envoyer des blindés légers à Kiev. « Une première pour un pays occidental », notait la presse, et, donc, un nouveau coup politique avec ce retour à une posture belliciste qui plaçait la France en tête à l'occasion d'une escalade majeure. Zelensky était ravi, Macron aussi, qui continuait à faire les gros titres.

Si la psychiatrisation de la vie politique est habituellement exaspérante, il faut reconnaître (une fois n’est pas coutume) qu’il n’est guère possible de faire autrement avec Emmanuel Macron. On ne peut, en effet, s’empêcher d’observer que sa seule cohérence, celle qui semble le mieux expliquer ses perpétuelles incohérences politiques et verbales, relève d’un besoin narcissique maladif d'occuper le devant de la scène. Contesté ou encensé, c’est toujours de lui qu'on parle.

Son incessante danse à contre-pied, dans un contexte de confrontation avec une puissance nucléaire, n’a cependant rien de risible. Bien au contraire, elle rend la politique de la France illisible et imprévisible. Au mieux, elle nous marginalise, au pire, elle fait de nous une cible.

Par Frédéric Lassez le 9 janvier 2023

Boulevard Voltaire

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