jeudi 4 mai 2023

Chez Macron et Borne, la logique du bras d’honneur



Dans une énième intervention longue et vide comme un pipeline de North Stream (si, si : treize minutes de vide, c’est très long…), le chef de l'État nous a gratifiés, il y a quelques jours, de son programme pour l’élection présidentielle de 2017. Ah, pardon : peut-être plutôt pour celle de 2022 - on a failli attendre ! On apprend que le chef de l’État veut s’occuper de l’immigration, de l’école et du travail - bonne idée, vraiment ! Il est dit que le Premier ministre a cent jours pour s’occuper de ces différents chantiers, avec la mission particulière de trouver la majorité des voix à l'Assemblée indispensable à l’adoption des lois afférentes. Un bilan de ces différentes orientations et de leur application est attendu pour le 14 juillet : ça promet un vrai feu d’artifice de fête nationale !

Quelques jours plus tard, Madame le Premier ministre présente son plan d’action à la sortie du Conseil des ministres. Elle qui disposait de cent jours en prend allègrement le double ou le triple, omettant de se fixer quelque limite calendaire que ce soit. Elle annonce qu’il n’y aura pas davantage de loi sur l’immigration et proclame à qui veut l’entendre que l’élargissement de la majorité ne se fera pas. Quand Mark Twain disait « Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait », on entend ici l’inverse : ils savent parfaitement que c’est impossible, alors ils n’essaient même pas !

Mais on entend aussi deux autres choses, significatives du délitement institutionnel dans lequel notre pays se trouve aujourd’hui. D’abord l’intervention du Premier ministre ressemble furieusement à un message à peine codé qui dirait : « En fait, le président de la République parle à tort et à travers et je me dois de rétablir un peu de sérieux dans l’action de l’exécutif. » Et puis, surtout, cette déclaration, livrée qui plus est à la sortie même du Conseil des ministres, est une manière de dire au chef de l’État : « Cause toujours, tu m’intéresses. » Nous avons assisté à un authentique acte d'insubordination de la part d’un chef de gouvernement à l’égard du chef de l’État. À vrai dire, il y a dans notre histoire politique plus ou moins récente quelques exemples. Mais le plus récent remonte probablement, en dehors des périodes de cohabitation bien sûr, à la démission de Jacques Chirac expliquant, à l’été 1976, qu’il lui était impossible de gouverner dans le sens que lui dictait le Président Giscard d’Estaing. Du moins Jacques Chirac avait-il eu la décence de démissionner, même si ses motifs étaient plus probablement guidés par la perspective de l’élection présidentielle suivante que par toute autre forme de considération. Dans la circonstance où nous sommes aujourd’hui, nous n’aurons même pas la satisfaction de voir le chef du gouvernement, visiblement en opposition frontale désormais avec le chef de l’État, quitter ses fonctions.

À la fin du compte, en agissant ainsi, le Premier ministre ne fait que se conformer à la logique dominante depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir. Que sont ces six années d’exercice, sinon un gigantesque et permanent bras d’honneur lancé à la figure du peuple français qui réclame à cor et à cri la vérité, de vraies réformes, de la considération et de l’honnêteté ? À ces différentes demandes, qui ne constituent à tout prendre que la trousse de premiers secours sans laquelle un peuple ne peut pas vivre en face de ses gouvernants, les Français n’obtiennent qu’une seule réponse : « Allez vous faire voir, et si ça ne vous convient, pas venez me chercher ! »

On sait également que le garde des Sceaux pratique la technique du triple bras d’honneur, jusque dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, en guise de réponse aux objections formulées par l’opposition parlementaire. Avec cette réponse à la force du poignet, il est ainsi prouvé jusqu’au plus haut sommet de l’État que la violence surgit lorsque le vocabulaire manque. Et nous qui croyions jusqu’ici que cette manière de faire était l’apanage des pauvres gosses de banlieue…

Mme Borne a donc pris son rang dans cette funeste liste en choisissant à son tour, plutôt que l’huile de coude, le bras d’honneur, comme une sorte de vengeance à peine feutrée pour avoir été lâchée sur l’affaire du 49.3 au moment de la réforme des retraites. Est-ce pour solde de tout compte ? La nomination du futur Premier ministre nous le dira. Pour ce qui nous concerne, si nous n’avions pas déjà été rendus manchots par les effets de la répétition, les bras nous en tomberaient une fois de plus !

Par Jean-Frédéric Poisson, Président de Via-La voix du peuple le 4 mai 2023

Boulevard Voltaire

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