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mercredi 25 mai 2022

« Rodéo » : l’indécence en roue arrière au Festival de Cannes



Chaque année, le gratin culturel du  se retrouve sur la Croisette pour ce qui est devenu l’incontournable rendez-vous du cinéma mondial : le Festival de Cannes. Chaque année, sa petite provoc’. Cette édition 2022 du festival au tapis rouge nous a livré son lot de bonnes surprises progressistes. Irruption d’une femen lors de la montée des marches, plaidoyer pour une Amérique plus inclusive par le réalisateur James Gray ou encore introduction de la « Queer Palm Lab», un appel à projet dédié uniquement aux LGBT… Parmi toutes ces joyeusetés cinématographiques, il en est une qui a particulièrement fait parler d’elle, il s’agit du film-documentaire « Rodéo » réalisé par Lola Quiveron,  jeune réalisatrice homosexuelle qui ne cache pas son intention « d’effacer les stéréotypes de genre » dans ses films.

Rodéo : un plaidoyer pour l'illégalité et les rodéos sauvages

"Rodéo" raconte l'histoire d’une jeune femme, au "genre" « ni féminin ni masculin » et qui s’éprend d’une passion pour la « Bike Life », cette activité motorisée qui consiste à rouler très vite et à faire toutes sortes d’acrobaties au guidon d’une moto ou d’un scooter. Le tout, le plus souvent, sur des voies publiques.

Sorte de plaidoyer pour l’illégalité et les rodéos sauvages, le film de Lola Quiveron incarne parfaitement la vision fantasmagorique qu’ont certains réalisateurs français de la banlieue et de la « street culture ». Ils ressuscitent la lutte des opprimés contre les oppresseurs, et la réalisatrice ne s’en cache pas. Dans une interview accordée à Konbini, Lola Quiveron explique qu'en France « on parle de rodéos urbains ou sauvages, mais ce sont des imageries qui sont réactionnaires ». Elle ajoute : « Quand on cherche à faire du bruit, c’est qu’on veut être entendu ». Evidemment, tout le monde sait que ces bandes de jeunes qui roulent en motocross à 150km/h et menacent la vie des passants ou des automobilistes français à chaque instant ne cherchent qu’à être « entendu ». Ce petit jeu très drôle a fait des morts innocents à Libercourt, Nantes, Amiens, Clermont-Ferrand, Toulouse...

L’affaire aurait pu en rester là. Après tout, qui s’étonne aujourd’hui de voir les princes et divas du cinéma mondial, tenants du progressisme le plus décomplexé, distribuer leurs cachetons de moraline à ceux qui veulent bien les gober ?

Mais Lola Quiveron insiste avec indécence, toujours  dans cet entretien pour Konbini, accuse la police de « causer les accidents en prenant en chasse les bikers ». Ne vaudrait-il pas mieux les laisser faire ce qu’ils veulent ? Après tout, ils ont besoin d’être « entendus ». Ce n’est pas l’avis de Michel Thooris, délégué syndical à France Police- Policiers en colère !, interrogé par Boulevard Voltaire : « C’est toute une profession qui est insultée, juge-t-il. Ces propos sont diffamants envers la police nationale. Ils sont également mensongers : je voudrais rappeler à cette réalisatrice que nous n’avons plus le droit de prendre en chasse les auteurs de rodéos sauvages. » Exaspéré, le policier ajoute : « On ne peut imputer ces morts à la police ; ce sont ces personnes qui décident de mettre leur vie en danger, mais aussi celles des autres. D’autant plus qu’ils sont rarement pilotes professionnels, ce sont eux et seulement eux qui décident de jouer avec la vie. »

Diffamantes et trompeuses, les paroles de la réalisatrice Lola Quiveron n’ont, finalement, rien de vraiment disruptif. Depuis quelques années déjà, le Festival de Cannes se politise et fait la part belle aux provocations venues de la gauche. Cette année, nos policiers en auront donc fait les frais, dans un silence assourdissant des pouvoirs publics. Alors que l’actuel climat d’insécurité en France fait peser une menace toujours plus lourde sur les forces de l’ordre et sur les Français, Gérald Darmanin n’a pas eu un seul mot pour ceux que cette réalisatrice accuse d’être des meurtriers.

Par Geoffroy Antoine le 25 mai 2022

mardi 24 mai 2022

Qui veut la peau du Puy du Fou ?

 

Dans Le Puy du Faux (Les Arènes, 2022), quatre historiens accusent le célèbre parc de Vendée fondé par Philippe de Villiers de falsifier l’histoire. Le journaliste Hervé Louboutin, qui participa à la création du parc à la fin des années 1970, prend la plume pour déconstruire les déconstructeurs…

Quarante-cinq ans après le lancement en Vendée du spectacle du Puy du Fou sur la colline inspirée des Epesses, et l’ouverture de son parc historique à ciel ouvert, on trouve encore des universitaires ou prétendus tels pour juger péremptoirement que la saga vendéenne « déforme l’Histoire »!

Ce qu’ignorent évidemment les deux millions de spectateurs qui parcourent les allées de ce grand village chaque saison et qui emportent avec eux, dans leurs mémoires et dans leurs rêves, un supplément d’âme, qu’aucun autre spectacle ou parc d’attractions n’est capable de prodiguer à l’envie.

Ayant été mêlé de près aux prémices de l’aventure dès 1977, et n’ayant cessé depuis lors de fréquenter assidûment la communauté puyfolaise, j’ai ouvert le livre desdits universitaires intitulé Le Puy du Faux paru aux éditions « Les Arènes » avec une once de circonspection tant la ficelle me paraissait un peu grosse, pour tout dire, à avaler et surtout à digérer…

Un militantisme, sous couvert d’histoire

Messieurs Besson et Lancereau, Mesdames Ducret et Larrère, signataires du pamphlet annoncent dès la première page leurs réelles intentions en expliquant qu’ils revendiquent pour eux-mêmes la « Science légitime » et l’ « Histoire autorisée » tout en s’en défendant dans un souci d’humilité, cela va sans dire! Professeurs à Arles, à la Réunion, et à Toulouse, nos quatre têtes pensantes ont parcouru les allées du Parc et les tribunes de la Cinéscénie pour y débusquer la « propagande » que le créateur de la dite épopée aurait diffusé en filigrane pour tromper les braves gens!

Nos censeurs, élèves de la pensée des maîtres sorbonnards ont, à l’évidence, reçu mission de leur commanditaire de casser le Puy du Fou. En saluant d’abord son génie conceptuel et en débinant ensuite le fil conducteur de son récit qui cumulerait trois péchés capitaux : la nostalgie, le passéisme et le catholicisme.

Quelques têtes de chapitres suffisent à le comprendre aisément: « l’illusion du vrai », le « passé dépassé », « princesses et chevaliers », « peuple et élites », « Dieu et la Nation » et tutti quanti… En fait, leur petit livre laborieux, écrit comme des mémoires de thèse, n’intéressera pas grand monde tant il est suffocant d’idées reçues et de poncifs ennuyeux. À force de découper en rondelles le récit historique, on le prive du souffle qui le porte et du substrat qui le fait vivre !

Nos historiens en goguette laissent trop percer leurs a priori et leur idéologie pour nous convaincre de la grande loyauté de leur démarche réelle qui est, principalement, de jeter un voile d’opprobre sur la saga vendéenne qui n’a que faire de leurs aigreurs – universitaires ou pas!

Car la réalité du Puy du Fou est beaucoup plus simple. Il s’agit seulement, la nuit et le jour, de raconter une belle histoire de France à un public français et étranger, de toutes conditions sociales et de toutes convictions, pour le faire rêver et lui donner envie de continuer cette découverte ailleurs, ici et là, en lisant ou en marchant. Simplement.

Un succès populaire qui dérange

Nos deux historiens et nos deux historiennes auraient dû laisser parler leurs cœurs. Avec simplicité et franchise. Du haut de leur chaire sentencieuse et prétentieuse, ils pérorent somme toute dans le vide en oubliant l’essentiel. Celui d’un immense succès populaire depuis un demi-siècle dont le succès ne faiblit pas, par la grâce d’un récit captivant et d’une représentation hors pair. Notre quarteron en mission aurait dû méditer la sentence de Jean Cocteau avant d’affuter leur plume vengeresse: « L’Histoire c’est du vrai qui se déforme. La Légende c’est du faux qui s’incarne »

Le Puy du Fou est d’abord et avant tout un lieu de communion et d’émotions partagées. Un spectacle populaire. Pour donner et redonner le goût de l’Histoire comme les meilleures émissions de télévision le font encore, parfois, aujourd’hui. Cette enquête sur le Puy du Fou écrite à quatre mains, en à peine deux cents pages, sonne faux. Elle ne convainc pas. Elle est même ennuyeuse. Car elle demeure finalement, de bout en bout, un très mauvais procès d’intention…

Par Hervé Louboutin le 23 mai 2022


mardi 17 mai 2022

Ukraine : Otan en emporte l’Eurovision

 

Par Pierre Boisguilbert le 17 mai 2022 ♦ Les jeux étaient faits à l’avance. L’idéologique médiatique l’avait décidé. L’Ukraine devait gagner l’Eurovision, l’Ukraine a gagné l’Eurovision. On se demande même pourquoi on a organisé le concours.

Un vote du public décisif

On pourrait s’arrêter là, mais on aurait tort. Le triomphe du groupe ukrainien a été le fait du vote massif du public. Ce sont donc bien les médias dominants qui font la loi. C’est vrai pour l’élection présidentielle française avec la diabolisation de certaines idées, c’est vrai aussi pour l’Eurovision avec la béatification de certaines causes.

Les résistants virtuels des réseaux sociaux ont donc exhibé leur conviction dans un « selfie » pro-ukrainien.
Ils auraient sans doute voulu exclure la Russie… mais c’était déjà fait par les organisateurs !

L’Eurovision a sacré l’Ukraine en 2022, grâce à un soutien massif du public. Un record a d’ailleurs été battu : c’était la première fois dans l’histoire du concours de chant qu’un pays obtenait autant de points (439) de la part des téléspectateurs.

Avant le vote du public, l’Ukraine ne faisait pas partie du trio de tête. Ce qui est consternant, c’est le sentiment de ce public de participer à l’histoire alors qu’il ne fait que suivre des faiseurs d opinions. Ces derniers, largement discrédités, ont, grâce à l’Ukraine, retrouvé tout leur pouvoir d’influence. On ne peut que le constater.

On pourrait déjà dévoiler le palmarès du futur festival du cinéma de Cannes, autre exemple parfait de la soumission à l’air du temps médiatique. S’il y a un film ukrainien, il sera forcément récompensé et tout ce qui pourrait alimenter la russophobie ambiante fera l’objet d’une dévotion compassionnelle.

Le président ukrainien, qui ne doute de rien et continue à militer pour la 3e guerre mondiale, verrait bien la future édition de l’Eurovision à Marioupol. Le groupe vainqueur a remercié le public pour cette reconnaissance de la culture ukrainienne que Poutine veut nier. En fait de culture ukrainienne, quelques notes traditionnelles ont servi d’introduction à une musique hip-hop sans aucune identité. Plus mondialiste tu meurs !

Le patriotisme célébré ?

« Stefania », le titre que le groupe ukrainien Kalush Orchestra a interprété, est un hommage à la mère du chanteur, Oleh Psiuk. Mais, depuis l’invasion du pays par la Russie, nombreux sont ceux qui y voient un symbole patriotique de l’Ukraine comme figure maternelle. La mère-patrie célébrée par l’Europe mondialiste, c’est tout de même amusant. Mais il faut reconnaitre leur engagement nationaliste aux chanteurs du groupe. Après le concours de chant, les membres du groupe reviendront dans leur pays pour joindre les forces combattant la Russie. L’un des danseurs est d’ailleurs resté à Kiev pour défendre la capitale ukrainienne.

Le nationalisme a-t-il donc remporté l’Eurovision ? C’est une autre manière de voire les choses. L’identité des peuples reste tout de même bien absente du traitement médiatique. La France, elle, arrive avant-dernière avec un chant en breton. Cette identité culturelle-la, celle d’un peuple historique européen autour d’une langue n’intéresse pas les médias… voire les révulse !

Pour gagner la prochaine fois, les Bretons devraient sans doute faire du rap transgenre en wolof ou être attaqués par Poutine.


vendredi 13 mai 2022

Souveraineté, identité ou de la poule et de l’œuf

 

Identité ou Souveraineté, de ces deux paradigmes majeurs, et profondément liés l’un à l’autre, lequel doit-il primer ? Telle est la question que se pose Patrick Mignon se livre ici à une recherche théorique sur un sujet qui vient tôt ou tard à l’esprit de tous les souverainistes. Bien des exemples l’illustrent ; la Pologne : privée de toute souveraineté pendant les longues décennies du Pacte de Varsovie, la Pologne n’en a pas moins su protéger son identité nationale la plus ancrée ; à l’inverse, que vaudrait la souveraineté d’une Nation qui aurait perdu l’essentiel de son identité propre ? Question ancienne, vaste et fort complexe, à laquelle Patrick Mignon, officier de réserve, ancien commandant de bord chez Air France, vice-président de Debout la France (DLF) de 2014 à septembre 2019, et désormais porte-parole de Via, s’attelle ici avec beaucoup de courage… et de brio.

Identité et Souveraineté, quel est le paradigme premier ? Lequel commande l’autre ? En faveur de l’identité s’inscrit celui qui considère qu’un monde multiculturel est nécessairement multi-conflictuel ; et qu’une immigration hors de contrôle comme celle que subit la France, important toutes les cultures d’origine des immigrants, ne peut que conduire à un formidable accroissement des conflits, donc de l’insécurité. Le lecteur attentif notera que nous ne parlons pas ici du sentiment cher à l’actuel Garde des Sceaux mais bien de l’insécurité culturelle : celle de l’identité.

Mais, lui répondent les tenants de la souveraineté, si la France n’a pas la capacité d’exercer sa souveraineté, elle n’est plus capable de prendre des dispositions juridiques qui lui permettraient d’agir sur l’immigration, donc l’identité. Les structures supranationales – CJCE, Cour de Justice des Communauté européennes, et CEDH, Cour européenne des Droits de l’Homme – lui opposant des règles intransgressibles. Il faut donc, selon les souverainistes « purs et durs », restaurer d’abord la souveraineté. Pour ceux qui privilégient l’identité, cependant, il faut d’abord, ne serait[1]ce que pour pouvoir rétablir la souveraineté, restaurer l’identité, et donc insister sur l’impératif, ou le préalable, de l’assimilation. Rude tâche ! Malika Sorel, a souvent décrit les renoncements successifs des politiques : passant de l’assimilation à l’intégration, puis de l’intégration à « l’insertion ». Ajoutons que, aujourd’hui, on n’est même plus dans l’insertion mais dans l’adaptation ; et ceux qui doivent s’adapter ne sont pas ceux que l’on croit. La non-assimilation et la désintégration sont à la fois les causes et les marqueurs de la perte d’identité. 

Pour Pierre-André Taguieff (voir Le dictionnaire du conservatisme, éd. du Cerf), il n’y a pas seulement crise des identités mais « crise de l’identité », c’est-à[1]dire de l’idée même d’identité. Seules les notions d’insertion et d’adaptation sous-tendent le monde des progressistes, survalorisant l’individu hédoniste, narcissique mais « connecté ». Étant de « nulle part », on ne leur demande que de « s’adapter » pour « s’insérer ». Pour ces nomades, l’identité n’est plus qu’individuelle, en somme un “profil”. On comprend bien que la notion unitaire d’identité nationale soit insupportable aux progressistes pour lesquels, comme l’écrit aussi Taguieff, « plus l’identité personnelle est valorisée, plus les identités collectives sont suspectées, voire stigmatisées » (Taguieff, op. cit.)

Déconstruire l’un et déconstruire l’autre

Ainsi l’impérieuse nécessité de la déconstruction chère à Bourdieu se comprend-elle aisément. Celle-ci serait même sans risques ; Alexis de Tocqueville affirmait, dans L’Ancien Régime et la Révolution, que le peuple français est « tellement mobile […] qu’il finit par devenir un spectacle inattendu à lui-même et demeure aussi surpris que les étrangers à la vue de ce qu’il vient de faire ». Mais le monde d’aujourd’hui n’est plus celui de Tocqueville, la puissance française n’est plus en compétition pour la première place. Sa démographie s’est écroulée. La remise en cause du roman national, de l’histoire millénaire de la France, veut faire sortir la France contemporaine de l’Histoire en faisant de nous, peuple français, un « Peuple sans histoire » (Taguieff). N’oublions pas l’avertissement d’Aldous Huxley : « qui contrôle le passé contrôle l’avenir, qui contrôle le présent contrôle le passé ». L’identité nationale française est une identité construite, forgée par deux mille ans d’histoire, transmise de génération en génération.

Que voyons-nous du côté des tenants de la souveraineté en premier ? Eric Anceau rappelle que « le discours prononcé par Philippe Séguin le 5 mai 1992 à l’Assemblée Nationale peut être vu comme l’acte fondateur du souverainisme français ». La date de naissance du concept de souverainisme serait donc bien moins ancienne que celle de l’identité. Mais est-ce bien certain ? Certes, formellement, le mot est récent, ayant été à notre connaissance utilisé lors du référendum sur l’indépendance du Québec en 1980 et en France par Paul-Marie Coûteaux lors de la campagne référendaire sur le traité de Maastricht en septembre 1992. Mais ce que le souverainisme sous-tend est le principe de Souveraineté et il n’est pas contestable que celle-ci fut une quête permanente tout au long de notre plus lointaine histoire.

Il ne saurait y avoir de souverainisme sans souveraineté, ni de souveraineté sans souverain. Aujourd’hui dans la forme républicaine de la Nation, le seul souverain est le peuple. De l’identité ou de la souveraineté, quel serait donc le concept primordial ? Nous n’avons pas la prétention de trancher ici ce débat entre des intellectuels de renom et des dirigeants politiques de premier plan. Mais peut-être pourrions-nous proposer une troisième voie qui rassemblerait les deux premières ? Le conservatisme de tradition ne pourrait-il mettre d’accord les différentes options et éviter de diviser encore et toujours un camp qui d’évidence est majoritaire mais que la dispersion des voix fait et fera encore et toujours perdre ?

Et si la question revenait à celle de la Tradition ?

Après tout, l’identité aussi bien que la souveraineté se sont construites sur le temps long. Ce qui implique nécessairement pour l’une et l’autre une transmission de génération en génération. Tel est peut-être le fin mot de l’affaire, qui suppose un troisième terme, la Tradition, dont Gustav Malher écrivait joliment qu’elle « n’est pas le culte des cendres, mais la transmission du feu. » Le feu tel que le conservateur se donne pour mission de le transmettre, si possible de plus en plus vif au fil du temps. Contrairement aux affirmations des progressistes en général et de la gauche révolutionnaire en particulier, le conservatisme n’est donc pas, par définition, « réactionnaire » ni « rétrograde ». Par sa passion de la transmission, le conservateur ne peut qu’aller de l’avant : nulle transmission n’est possible aux ancêtres…

Que leur projet pour la France soit d’abord axé sur l’identité ou sur la souveraineté, les conservateurs considèrent généralement que les trois cercles qui garantissent le développement harmonieux de l’Homme – c’est leur but – sont hérités du passé – et même du passé rayonnant dans le présent : la Famille, la Commune (groupement de familles dans un territoire commun à dimension humaine) et la Nation. Précisément les trois cercles que les progressistes veulent détruire pour n’avoir plus que des consommateurs digitalisés, habitants indifférenciés du “village-monde” : ventres, bras et cerveaux “à louer” – « anywhere », comme ils disent… Le conservatisme de tradition que nous voulons s’oppose à toute volonté de tabula rasa, qu’elle soit d’inspiration marxiste ou capitaliste. Nous n’oublions pas Simone Weil : « Le passé détruit ne revient jamais plus. La destruction du passé est le plus grand des crimes. ». 

Ainsi, pour mettre d’accord les tenants de la poule et ceux de l’œuf, soyons conservateurs !

Par Patrick Mignon, porte-parole de VIA – La Voie du Peuple, le 3 mai 2022

dimanche 8 mai 2022

Un sentiment de grand remplacement



Lorsque, aux alentours de huit heures ce matin, j’ai été tiré de mon sommeil par une voix aussi insistante que lointaine qui à l’évidence ne provenait pas de l’intérieur de mon appartement, il ne m’a fallu qu’une dizaine de secondes pour l’identifier comme étant celle d’un muezzin (1) et en déduire aussitôt qu’aujourd’hui devait être le jour de l’Aïd el-Fitr.

Preuve qu’en faisant un petit effort, on peut très vite et très bien s’assimiler à la culture qui nous entoure !

Multiculturalisme ?

Une demi-heure plus tard, j’avais une confirmation visuelle de ma déduction sonore, dont j’ai oublié de dire qu’elle avait été facilitée par le bruit des klaxons : en effet, le jour des fêtes musulmanes, la circulation est rendue moins fluide par l’afflux massif des fidèles – qui n’ont pas assez des trottoirs pour circuler. En sortant de ma petite résidence, c’est donc à une joyeuse cacophonie et à un festival de couleurs que j’ai été confronté. Couleurs de vêtements comme couleurs de peau. Car ici, à Aubervilliers, c’est l’oumma qu’il est donné de voir, loin de tout sectarisme national. Et l’oumma, on dira ce qu’on voudra, c’est quand même impressionnant quand on pense aux conflits meurtriers qui déchirent le monde musulman ailleurs sur la planète : un rapide contrôle au faciès dans les rues de ma commune limitrophe de Paris indique que le continent africain est représenté dans toutes ses latitudes, pas seulement celles du Maghreb, que le sous-continent indien n’est pas en reste, et certainement d’autres points du globe plus orientaux encore ; or, tout ce petit monde cohabite paisiblement et s’agglomère lors des grandes fêtes religieuses, comme si les tensions communautaires n’existaient pas.

Les qamis étaient très nombreux chez les hommes, les abayas et hijabs constituaient la norme pour les femmes. Les enfants étaient pour la plupart eux aussi endimanchés. Enfin, pas endimanchés bien sûr, je voulais dire : vêtus de manière traditionnelle. C’est certainement cette unité vestimentaire qui est la plus frappante lorsqu’on regarde ces foules bigarrées en fête. Le reste du temps, dans les rues d’Aubervilliers, devant les écoles, sur les terrains de sport, on voit des gens de toutes origines dont, sauf pour les femmes voilées, on ne se pose pas forcément la question de la religion. En étant distrait, on pourrait imaginer une apposition de groupes humains différents, un espace multiculturel où aucune communauté ne domine, comme si la diversité était synonyme de neutralisation. Certes, il y a bien les queues le vendredi devant les mosquées, souvent de fortune, pour indiquer la présence d’une communauté de foi qui rassemble tous ces gens d’origine différente, mais à part ce phénomène relativement discret, on serait en peine de deviner une unité quelconque dans la population qui occupe l’espace, et ce d’autant moins que les asiatiques sont nombreux et élargissent la diversité démographique visible. Ce matin, comme tous les matins de grande fête musulmane, c’était un sentiment de submersion qui l’emportait, car, tant par le nombre de personnes rassemblées que par l’effort vestimentaire consenti, il y avait l’effet de masse, de groupe, de foule qui jouait à plein.

Participation massive

Outre la dimension sensorielle, physique qui donne sa substance à ce sentiment de submersion (j’entends par là qu’il ne s’agit pas d’une abstraction, d’une intellectualisation, mais bien d’une expérience concrète, perçue directement par les yeux et les oreilles : je n’ai pas rêvé ces centaines de personnes rassemblées, je ne les ai pas fantasmées), c’est le contraste avec ses propres références culturelles qui nourrit l’impression d’un changement radical et d’une profonde remise en cause des valeurs de notre pays. Derrière le grand mot de laïcité, dont la définition n’a rien d’univoque, se cachait, pour le baptisé devenu agnostique que je suis, l’idée essentielle que la conviction religieuse était une chose à la fois personnelle, discrète et accessoire.  Pour le dire autrement, la religion avait perdu le rôle de colonne vertébrale des comportements de tout un chacun, même si cela ne l’empêchait pas de nourrir la sensibilité et la manière d’agir de ceux de nos concitoyens qui étaient encore pratiquants ou du moins qui avaient la foi. Mon expérience personnelle me faisait confirmer les diagnostics de déchristianisation ou de sortie de religion que j’ai pu lire par la suite sous la plume de Marcel Gauchet ou de Guillaume Cuchet. 

En précisant cependant que, de par le fait que notre pays avait 1500 ans d’histoire chrétienne derrière lui, la sécularisation n’était que la poursuite sans clergé d’une morale et d’une vision du monde globalement inchangées : pour reprendre Nietzsche, le monde avait perdu Dieu mais ne s’en était pas vraiment aperçu, d’où la persistance de traditions et d’usages sur un mode désacralisé. Le paysage architectural, littéraire et artistique entretenait un paysage mental familier, ancré dans un imaginaire judéo-chrétien dévitalisé sur le plan de la foi mais toujours opérant sur celui des valeurs et des représentations collectives. 

Bref, à moins d’aller soi-même à la messe, on ignorait qui se rendait à l’église le dimanche et tout le monde s’en fichait, car ce n’est pas ce qui réglait la civilité entre les gens. Quant aux processions religieuses lors des grandes fêtes chrétiennes, elles étaient devenues pour l’essentiel un élément de folklore qui tenait plus de l’identité régionale ou locale que de la foi qui édicte le comportement en société.

Le spectacle de ce matin à l’occasion de l’Aïd el-Fitr disait tout autre chose. Par la participation massive au rassemblement dont j’ai été témoin, par la séparation des sexes dans le stade où se tenait la « cérémonie », par l’accoutrement vestimentaire religieux marqué des fidèles qui n’a rien à voir avec le fait de s’endimancher, par la diversité des langues parlées dans cette foule réunie, c’est une autre civilisation qui s’affichait dans l’espace public, une civilisation dynamique, rassembleuse, bien vivante, mais porteuse d’autres valeurs que les nôtres. Une civilisation qui, lorsqu’on est critique de l’individualisme occidental et nostalgique d’un collectif éteint depuis longtemps, a de quoi faire envie. 

Une civilisation qui, quoique ayant voté massivement pour Jean-Luc Mélenchon, se fiche royalement d’une créolisation illusoire et entend se défendre et se répandre grâce à sa cohérence et sa vitalité internes. Une civilisation prête à remplacer la nôtre, qui ne fait plus vraiment rêver, qui ne rassemble plus, qui ne nourrit plus les esprits. 

Allez ! Aïd Moubarak !

(1) Pour être exact, n’ayant ni mosquée ni minaret à proximité immédiate de chez moi, la voix entendue n’était peut-être pas celle d’un muezzin ; c’était en tout cas celle d’un homme qui se tenait vraisemblablement dans le stade où avait lieu le rassemblement et dont il est question plus loin dans le texte, une voix portée par mégaphone ou haut-parleur et dont je ne saurais dire ce qu’elle disait car la distance et les murs me la rendaient indistincte. Pour autant, les intonations et le rythme adoptés par cette voix ne laissaient aucun doute quant au fait qu’elle appelait au rassemblement des fidèles, ce dont j’ai eu confirmation en sortant de chez moi et en passant devant le stade rempli de fidèles et dont on aperçoit l’entrée sur la photo d’illustration.

Par Georges Dumas le 3 mai 2022